30 ans d’Eddie Aikau

Cette année encore, le suspense demeure quant à la tenue ou pas de l'épreuve dont seulement 8 éditions ont pu être lancées en 30 ans. L'occasion de se payer une session de rattrapage.

23/01/2015 par Surf Session

Sans aucun doute la compétition la plus exclusive et la plus rare du calendrier international, The Quiksilver in Memory of Eddie Aikau (“L’Eddie” pour les intimes) est un mythe. Un mythe, avec tout ce que cela entend : la dimension mythologique bien-sûr, mais aussi des attributs comme le caractère antique, voire anachronique de cette compétition. Comme tous les mythes, l’Eddie possède ses héros – à commencer par Eddie lui-même – ainsi que ses rites, célébrés dans le temple “antique” du big wave riding : Waimea, la terrible.

EDDIE WOULD GO  : WOULD YOU ?

L’Eddie, c’est d’abord un homme avant d’être une compétition. Edward Ryon Makuahanai Aikau est né à Maui en 1946 avant de s’installer avec sa famille à l’âge de 13 ans sur l’île d’Oahu. En 1968, il devient le premier lifeguard officiel du North Shore. D’Haleiwa à Sunset Beach, il couvre le “7 mile miracle” et, lors de son service à Waimea, pas la moindre victime ne fut signalée.

Surfeur hors-pair également, il brille sur les compétitions internationales à Hawaï : six fois finaliste du Duke notamment, dont une victoire en 1977 (face à Mark Richards et Wayne Bartholomew entre autres), ses résultats lui permettent de se classer 12ème mondial cette année-là.

Mais c’est l’année suivante que son nom entre dans l’Histoire, de façon tragique. Participant au second voyage de la pirogue ancestrale Hokule’a entre les archipels hawaïen et tahitien, Eddie tente de rejoindre Molokai à la rame sur sa planche de surf pour avertir les secours, suite à une avarie.

Disparu en mer, Eddie Aikau devient un héros et, le gouverneur de l’état d’Hawaï instaure une journée commémorative en sa mémoire. Preuve que l’esprit d’Eddie perdure, une première compétition en son nom a lieu six ans après sa disparition. L’histoire est en marche.

Cette édition inaugurale en 1984, remportée par l’Hawaïen Denton Miyamura dans des vagues de 2m50 à Sunset Beach, ne reste pas dans les annales et la (sage) décision est prise de relocaliser l’épreuve par la suite à Waimea. L’endroit avait déjà fait l’objet de compétitions par le passé – le Smirfnoff Pro-Am (1974), le Duke (1973, 1975, 1980) et le Billabong Pro (1985), des épreuves d’anthologie.

En 1986 donc, le premier Eddie digne de ce nom a lieu à Waimea dans des vagues de 25 pieds. La petite histoire veut que le regretté Mark Foo prononce le désormais célèbre “Eddie Would Go” ce jour-là, alors que c’est le frère même d’Eddie, Clyde, qui remporte la compétition en surfant sur une planche de dix ans d’âge ayant appartenue à son frère disparu. Il n’en fallait pas davantage pour que la légende naisse.

Second chapitre fort de l’Eddie, l’édition 1990 est marquée par la plus grosse houle jamais surfée alors en compétition : des murs de 30 pieds viennent barrer la baie sur les grosses séries. L’image de la tentative de tube du jeune Brock Little fait le tour du monde et Keone Downing empoche les 55 000 dollars du vainqueur, soit le plus gros chèque de l’histoire du sport.

Et puis, rien. Neuf années s’écoulent sans que l’Eddie ne prenne vie. Enfin presque… En 1995, un “demi-Eddie” a lieu, avant que George Downing, l’event director, ne doive mettre un terme au contest alors que les vagues baissent en intensité au cours de la journée. Pendant ce temps-là, Laird Hamilton et Darrick Doerner dévalaient les outer reefs du North Shore grâce à une nouvelle forme de surf tracté par engin motorisé… L’avènement du tow-in permet de repousser les limites du surf de grosses vagues et éclipse Waimea au profit de vagues plus régulières et souvent plus grosses, Peahi/Jaws et Mavericks en tête de proue.

Malgré tout l’Eddie reprend ses droits à cinq reprises entre 1999 et 2009, permettant à Kelly Slater d’inscrire son nom au palmarès (2002) ainsi qu’à Bruce Irons (2004) et enfin Greg Long en 2009. De même, figurer parmi les invités est devenue une reconnaissance en soi. Parmi ce gotha de 28 surfeurs, on ne manquera pas de signaler la présence de Jérémy Flores pour la quatrième année consécutive sur l’entry list, seul Européen, et encore à l’oeuvre à Waimea cette semaine.

Jérémy fait partie des héritiers d’une lignée prestigieuse de big wave riders venus se frotter à Waimea, à commencer par Woody Brown et Dickie Cross, qui se retrouvèrent piégés dans la baie en 1943, après avoir ramé depuis Sunset Beach à 5 kilomètres plus au nord ! Brown fut retrouvé inconscient sur la plage, mais en vie, tandis que Cross y laissa la sienne, noyé.

Il fallut attendre 1957 pour que Waimea soit surfé pour la première fois dans des conditions XXL, sous l’oeil du cinéaste Bud Browne, érigeant Greg Noll en nouveau héros à la sortie du film The Big Surf l’année suivante. Cette médiatisation précoce fait de Waimea le nouvel Everest à conquérir et, à nouveau, la vague est à l’honneur en 1964 dans la comédie d’action de Columbia Pictures, Ride The Wild Surf.  En 1966, The Endless Summer finira d’entériner la réputation de The Bay et de ses usual suspects des 60’s : Greg Noll, Peter Cole, Pat Curren, Buzzy Trent ou encore Ricky Grigg. Mais les années 70 laissent place au hotdogging et au tuberiding ; la focale n’est plus sur Waimea et le surf de grosses vagues.

Il faut attendre les années “extrême”, les années 80 fluo, pour qu’une nouvelle génération s’empare de Waimea : les Hawaïens Mark Foo, Darrick Doerner (lui-même initié par Eddie Aikau), l’import texan Ken Bradshaw, mais aussi le Californien Richard Smith ou l’Australien Ross Clarke-Jones.

La dangerosité du spot est rappelée de façon douloureuse en 1995, lorsque le jeune Californien Donnie Solomon se noie après avoir tenté de passer en force à travers la face d’une vague. Aujourd’hui, comme partout ailleurs, c’est la fréquentation du spot qui représente le principal danger, alors que beaucoup veulent leur l’instant de gloire, l’espace d’un drop.

Ne manquez pas la seconde partie de ce sujet consacré à l’Eddie Aikau : le spot de Waimea décrypté. À découvrir le 26 janvier.

À (re)voir, le documentaire Hawaiian: The Legend of Eddie Aikau, de Stacy Peralta (Riding Giants) et Sam George.


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