Le spot de Bells Beach décrypté

Vétéran du circuit WCT, Bells Beach fait figure de papy sur le World Tour avec une histoire chargée.

27/03/2018 par Marc-Antoine Guet

Texte par David Bianic

Si Bells Beach demeure un nom qui sonne aux oreilles des surfeurs du monde entier, c’est peut-être parce que l’endroit force le respect, du moins sportif. Le premier Bells Beach Easter Contest remonte à 1961, avant d’être rebaptisé Rip Curl Pro en 1973, lorsque la jeune marque de combinaisons basée à Torquay devient sponsor de l’événement. Un demi-siècle d’existence, ça le fait !

Surfé dès les années 40 par de rares aventuriers, Bells Beach (du nom des fermiers à qui appartenaient cette parcelle) jouira d’un nouvel aura après la visite en 1956 d’un groupe d’Américains, déjà passés aux planches en balsa, plus légères… enfin moins lourdes. Sachant qu’il fallait alors emprunter un long chemin souvent boueux pour accéder à l’endroit, on comprend mieux l’incidence du facteur « poids » sur la fréquentation du spot.

VICTORIA SECRET
Dès 1958, le Bells Boardriders Club voit le jour, formé notamment par Peter Troy, la star de l’époque. D’autres par la suite associeront définitivement leur nom à Bells Beach, comme le local Gail Cooper, détenteur du record de victoires (10), même si l’histoire retient davantage les performances du jeune Wayne Lynch. Le surfeur de Lorne (à une heure de route vers l’Ouest) était la sensation de la seconde moitié des années 60, alors junior, avant de côtoyer l’élite mondiale au début des seventies, pour finalement tourner le dos définitivement à la compétition en 1974, asseyant son statut de surfeur indomptable. Une personnalité fortement associée au caractère des surfeurs du Victoria, loin des feux de la rampe de la Gold Coast.

En pleine révolution du shortboard, Bells est le spot où se conquièrent les victoires de nouveaux designs : le vee-bottom de Nat Young et Lynch, le twin-fin de Mark Richards en 1978 et surtout la victoire de Simon Anderson en 1981 sur son thruster dans des vagues conséquentes.

BUSH-BÉE
Situé à 5 kilomètres de Torquay (à une heure de Melbourne par la route), Bells Beach fut déclarée Surfing Recreation Reserve en 1973, et classé depuis 2011 au patrimoine national australien. Le résultat, c’est un spot préservé de toute construction. Au bout de la route, ce petit havre de paix donne accès à un parking qui surplombe le spot. Présentations. Une plage modeste de 250 mètres de long environ, un promontoire rocheux d’une vingtaines de mètres de haut à l’extrémité droite (sud), cette couleur ocre prédominante du calcaire, et une végétation omniprésente, le bush australien… Le décor est planté, passons aux « choses sérieuses ».

À marée basse, la configuration du spot apparaît clairement, avec ce plateau rocheux à pente douce qui offre un déroulé prévisible de la vague. Pour autant, on ne peut pas parler de pointbreak « 100 % pur pointe », alors que le phénomène de réfraction est quasi inexistant, à part à marée mi-haute et par petite taille. Sur ce plateau rocheux, on distingue deux vagues principales : The Bowl, ou le Bells Beach photogénique des posters, et Rincon, le pic déferlant plus près de la falaise en-dessous d’un mètre cinquante. Pile en face de la pointe, on distingue aussi le bien-nommé pic de Centreside, offrant des vagues plutôt fermantes, mais aussi moins peuplées. Encore un peu plus à droite de la pointe, on trouve Southside, une gauche courte dont le principal intérêt est d’offrir une alternative aux droites qui peuplent 99 % de la région !

FACILE À SURFER, DIFFICILE À SCORER
La mise à l’eau vers Rincon/The Bowl se fait au ras de la pointe, avant de se laisser emporter rapidement vers l’extérieur du pic, latéralement à la plage, puis de remonter au line-up en contournant sagement les lignes.

Droite facile pour le surfeur lambda à taille moyenne, voire molle, Bells se révèle difficile pour scorer sous les planches des pros. À la fois plate et rapide, elle exige un placement des top turns (engagés) très délicat : trop appuyé et le surfeur se retrouve en retard sur le rythme de la vague pour finalement perdre la section suivante. Les sections peuvent également jeter assez lourdement et, là encore, l’engagement sur la lèvre peut amener le surfeur très loin devant la vague à la réception d’un re-entry, le mettant là aussi en délicatesse pour reprendre le fil de la section.

Les tubes se font très rares et à l’issue incertaine. Un pari osé en série. Peu propice au surf aérien de par sa pente douce et son rythme, Bells donne plus souvent lieu à un surf sur le rail tout en courbes et cut-backs, ce qui rend encore plus exceptionnel le 360 de Kelly Slater en 2012 ci-dessous.

WIKI WINKI
Mais jusqu’ici, il y a un grand absent dans cette présentation de Bells : Winkipop, Winki pour les intimes. Voisine mais pas jumelle, cette vague beaucoup plus tendue et photogénique est bien plus convoitée que Bells. Complémentaire, elle possède le gros atout de marcher (correctement) par houle plus petite et, bien souvent, le Rip Curl Pro migre 200 mètres au nord pour cette raison. Là encore, malgré un profil très différent de Bells, il s’agit de ne pas se faire distancer par le déferlement à Wiki. Sans tourner autour du reef, la vague offre un mur au déferlement compliqué, alors que les pros doivent scorer un maximum de moves engagés, sans perdre le fil de la vague. Les manoeuvres doivent être éclair, tiens donc, comme Mick « White Lightning » Fanning sait si bien le faire.

Pour rejoindre le line-up, plusieurs options, entre une mise à l’eau directe au pic depuis le plateau rocheux par petite et moyenne taille, ou depuis la droite, via l’extrémité nord-est de Bells, pour contourner la mini-pointe. Attention toutefois au Button, ce bloc de roche semi-immergé où viennent se fracasser les séries. Deux sections se détachent : Uppers et Lowers, pas besoin de vous faire un dessin.
Reste à évoquer la météorologie de l’endroit, alors que le Victoria est connu pour offrir les quatre saisons en une journée… Attention, malgré les températures plutôt fraîches (une grosse vingtaine de degrés en été) dans et en dehors de l’eau, les rayons du soleil sont tout aussi mauvais que dans les régions plus exotiques au nord de Sydney. Polaire et coupe-vent sur le dos, il vous faudra néanmoins tartiner votre mouille de crème solaire à fort indice anti-UV.

Quant à l’exposition aux houles, le Victoria est bien loti, situé à la pointe sud du pays et malmené par les systèmes dépressionnaires nés dans l’océan Austral qui balayent le détroit de Bass. La façade sud-ouest du Victoria est ainsi frappée de plein fouet par vents et houles solides. Mais une fois passé le Cap Otway (voir plus haut), les swells se rangent petit à petit alors que le littoral est désormais orienté sud-est, et que les mêmes vent soufflent plus ou moins offshore (ouest/sud-ouest). Toutes les houles de sud-est sont bloquées par la présence de la Tasmanie, ce qui limite les options. De même les vents conservent une dominante ouest, plutôt depuis le sud en été, depuis le nord en hiver. Cette relative simplicité du forecast cache un certain bémol : l’absence de repli possible quand les conditions ne sont pas réunies.
En attendant, l’édition 2018 du Rip Curl Pro Bells Beach débute demain (ce soir 22 h heure française) !

>> Image à la une : Barry Plant

                     


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1 commentaire

  • BretonAMelbourne
    27 mars 2018 13h22

    « une grosse vingtaine de degrés en été) dans et en dehors de l’eau » pas exactement, sinon bel article !

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