Derrière l’objectif : Damien Poullenot

Interview et portfolio de l'un des principaux collaborateurs photo de Surf Session...

12/09/2013 par Romain Ferrand

A l’occasion de la sortie de son site web damien-poullenot.fr, le photographe de surf Damien Poullenot, collaborateur régulier de Surf Session Magazine, nous détaille la réalité de son métier-passion, son évolution, ses contraintes, ses avantages et inconvénients…

> Portfolio légendé par Damien à retrouver en bas de page

Comment la photo est-elle devenue une passion et un métier pour toi ?

Par les hasards de la vie, par passion et par acharnement. Avec le boom de l’industrie du surf, il est vrai qu’il était plus facile de percer dans ce milieu il y a 10-15 ans. Cela a demandé beaucoup de temps, il fallait arriver à montrer aux magazines et aux marques que l’on avait sa place. Comme je n’ai pas trouvé la mienne dans le cursus et le réseau universitaire que je suivais, j’ai décroché mon diplôme en biologie et océanographie et je me suis réfugié et impliqué dans ce qui me tenait le plus à coeur. J’étais passionné par l’Océan et le surf, ou plus précisément à l’époque le bodyboard. Cela m’a apporté un petit réseau, mais surtout une bonne connaissance de la mer. Les débuts ont été difficiles, avec les écoles de surf l’été et de ski l’hiver, et de la photo aquatique sur mes temps libres, mais il fallait tout de même vivre. La sauce a fini par prendre, mes photos ont plu et la machine était lancée. Je “surfais sur la vague” sans jamais regarder celle de derrière et seulement maintenant, après plus de 10 ans, je me pose et je prends le temps de regarder le line up…

Qu’est-ce qui t’attire le plus dans la photo de surf : la vague ou les surfeurs ?

C’est avant tout la mer. Pas mal de mes thèmes de prédilection ne considèrent pas l’humain mais le surf, car il s’intègre totalement dans le milieu marin. Après, j’admire forcément l’engagement physique et moral du surfeur, sans qui mon métier n’aurait pas de sens.

Comment en es-tu venu à la photo aquatique et à te jeter à la nage dans les grosses vagues ?

Quand je faisais pas mal de bodyboard, mon home spot était la Gravière. Que ce soit en bodyboard ou en bodysurf, gamin, j’ai toujours joué avec mes potes dans les shorebreaks. Plus tard, je me suis mis au surf, j’ai donc toujours beaucoup surfé dans les Landes. Du coup, la photo aquatique est venue naturellement chez moi, mais avec les années, je suis beaucoup plus prudent et sélectif. Je ne suis pas très à l’aise non plus quand c’est gros sur le reef !

« J’essaye de rendre mes capacités en photo aquatique accessible aux autres spécialités de la photo. »

Que shootes-tu en dehors du surf ?

Je suis avant tout un passionné de nature. La mer est l’élément qui m’inspire le plus, mais j’ai toujours aimé faire des photos macros, animalières, de paysages, surtout lorsque je voyage.

Le portrait a été une démarche beaucoup plus tardive et complexe pour moi, que seule l’expérience du métier m’a aidé à maîtriser. C’est aussi celle qui apporte le plus de satisfaction, car réaliser un beau portrait est beaucoup plus dur que de réaliser une belle image de surf.

La mode est une composante de l’art du portrait, à la différence près que le protagoniste endosse un rôle. On immortalise donc plus facilement une attitude qu’une vraie personnalité dans un regard. J’essaye de m’orienter de plus en plus vers des shoots « mode/lifestyle », que ce soit en extérieur ou dans mon studio de Capbreton. J’ai fait pas mal de « shoots maillots » ces temps-ci, ce qui n’est pas désagréable !

Enfin, une bonne partie de mon activité est constituée de shoots « Packshot » en studio.

Mon problème majeur est que je suis tellement catégorisé comme « photographe de surf » qu’il est très dur professionnellement de me faire sortir de cette image. Du coup, j’essaye de rendre mes capacités en photo aquatique accessible aux autres spécialités de la photo.

Devenue un métier, la passion est-elle toujours intacte ?

Pour être franc, elle est altérée. Se positionner sur certaines branches rémunératrices l’abîme, mais heureusement, je continue à travailler sur des projets personnels surf ou autres qui me passionnent. Il faut enlever la dimension « pécuniaire » de la photo pour mener à bien des projets avec passion. C’est le cas de tous les artistes : soit tu fais le choix du sacerdoce et tu sais à quoi t’en tenir jusqu’à que tu perces, soit tu as d’autres ressources qui te permettent de vivre et tu peux exprimer ta passion et ton art pleinement et librement.

C’est pour cela que selon certains, la photo amateur fait beaucoup de mal à la profession. En effet, seule l’envie de montrer motive les prétendants, mais je ne peux pas leur en vouloir, car tout le monde à un jour été prétendant et amateur. J’étais d’ailleurs beaucoup plus créatif, malheureusement, en tant qu’amateur.

« Je continue à prendre des stagiaires ou salariés en photo pour transmettre cette passion. »

Comment fais-tu pour raviver la flamme ?

Je continue à prendre des stagiaires ou salariés en photo pour transmettre cette passion, preuve qu’elle est toujours présente chez moi. Certes, j’y trouve mon compte, mais cela m’enrichit humainement et photographiquement. Je regrette un peu que cette démarche soit peu commune voire inexistante chez les photographes de surf. Elle tirerait tout le monde vers le haut.

Et cet hiver, je pars 6 mois faire un tour du monde en famille : ce sera une bonne occasion de prendre du recul et de jauger la passion !

Tu suis de nombreuses compétitions européennes. Décris-nous une journée type sur ces compétitions.

La boulimie d’images des temps modernes a rendu les journées de compétitions surf bien remplies. Il faut généralement arriver tôt, en même temps que les juges, et faire des images du line up et des conditions pour poster rapidement une photo sur le web. On enchaîne avec les séries à shooter du bord ou dans l’eau, quand les conditions sont belles. Le choix des séries et de lumière est important dans la journée pour optimiser le rendu et le temps. Généralement, on ne couvre pas toutes les séries. On profite de ce temps pour faire des photos de lifestyle, d’ambiance, du site, des portraits, ou pour mettre une première série d’images en ligne. La mise en ligne dans un Algeco surchauffé n’est pas la partie la plus marrante : 2 h chaque jour à trier, sélectionner, retoucher, renommer les images pour les uploader sur différents supports. Une bonne bière ou un petit surf accompagne souvent la fin de journée.

Tu viens de lancer ton site web. Quel est l’objectif ? Envisages-tu par exemple comme d’autres de vendre tes clichés en ligne ?

Le but premier était de communiquer à nouveau sur mon nom et moins sur Aquashot (sa société, créée il y a quelques années avec Laurent Masurel, un autre photographe aujourd’hui retiré, ndlr), et surtout de montrer un travail plus qualitatif et recherché. Grâce à ma “notoriété” en tant que photographe de surf et au nombre de missions et de compétitions que je couvre, beaucoup d’images de moi circulent sur le web. Seulement, ce ne sont pas toujours celles que je veux montrer ou du moins les plus représentatives de mon travail.

À terme, le but est effectivement de faire de la vente en ligne, mais d’une manière un peu différente… C’est un des projets sur lesquels je travaille aussi. Via le formulaire de contact du site, j’ai des demandes de tirage que j’honore toujours.

« C’est important d’avoir du réseau, mais il faut qu’il se fasse naturellement et humainement. »

A la différence d’autres photographes, tu es peu présent sur les réseaux sociaux. Est-ce un choix ?

Oui, c’est un choix clair et net. Je n’aime pas ça du tout. Beaucoup, y compris parmi la concurrence, arrivent à se créer un réseau virtuel et à développer leur activité grâce à ça. C’est un choix que je respecte, mais que je ne comprends pas. Il va à l’encontre de mes valeurs. La virtualité des relations, la course aux nombre d’“amis” me dépasse, la facilité d’exprimer ces sentiments ou ressentiments à travers la toile m’énerve. Pour ceux qui me connaissent, quand il y a quelque chose à dire, de négatif ou positif d’ailleurs, je préfère l’exprimer clairement et en personne. Ce que je perds en relation professionnelle, je le gagne ailleurs. Mon nouveau site est aussi là pour ça, pour que le jugement se fasse sur mon travail et non pas grâce aux réseaux, que j’ai quand bien même réussi à tisser. C’est important d’avoir du réseau, mais il faut qu’il se fasse naturellement et humainement, sans le rechercher à tous les prix.

Une anecdote m’a fait sourire dernièrement : c’est la rébellion des photographes concernant le « vol des images » sur le web. Sur le fond, je ne peux qu’être d’accord avec eux, mais sur la forme, je ne le suis pas du tout. C’est un juste retour de bâton. L’outil de diffusion de cette rébellion était en plus l’objet du mal. Nous, photographes, si nous faisons de l’image, c’est bien pour qu’elle soit vue ! Il faut donc accepter les règles. Si nos clients nous payent pour faire des images qui font rêver, c’est normal qu’elles se retrouvent sur le web, sur les réseaux sociaux, etc. Le web est ainsi fait, et maîtriser la diffusion d’une image est de fait impossible aujourd’hui. Pour moi, c’est une perte d’énergie et de temps considérable, il faut adapter ses tarifs en ayant connaissance des risques et de la diffusion induite ou subite.

Quels sont les avantages/inconvénients du métier ?

Les avantages : sur le papier, tout le monde s’en rend compte, c’est un boulot de rêve.

L’inconvénient : l’usure commerciale avec de gros turnover des équipes marketing, la subjectivité du choix et des goûts rendent toute fidélisation complexe. Bref, la question du lendemain se pose souvent, mais par les temps qui courent, cette question est générale et j’aurais honte de me plaindre. J’ai réellement conscience de la chance que j’ai.

Photographe de surf rime avec voyage et liberté, mais ce n’est pas un métier facile tous les jours. Comment maintiens-tu l’équilibre ?

Conjuguer voyage, liberté, rentabilité et famille est sans aucun doute le plus dur pour moi. C’est une équation très complexe : j’ai 3 enfants entre 5 et 8 ans, et je jongle sans arrêt entre vie de famille et vie professionnelle en faisant des concessions dans les deux sens. Ces choix m’orientent de plus en plus vers des travaux différents et compatibles avec les deux. Je ne suis pas quelqu’un d’extrême dans mes points de vue ni dans mes choix. Ma force est donc peut-être d’être à la recherche permanente du meilleur compromis.

Cet hiver, je vais pour la première fois essayer de tout combiner en partant 6 mois pour un tour du monde avec toute la famille. Un défi de taille, mais une expérience humaine à coup sûr !

Retrouvez le travail de Damien Poullenot sur son site web www.damien-poullenot.fr

> Découvrez les LIVRES consacrés à la PHOTO DE SURF sur notre boutique en ligne :

Réussir la photo de surf (2013) par Damien Poullenot et Julien Roulland

Photographes de surf : Magie de la France (2013)

Photographes de surf : Chasseurs de vagues (2012)

Dans le sac à dos (et le studio photo) de Damien :

– Boîtiers : 2 Canon Eos 1 d Mark 4

– Objectifs : Canon 600 mm f/4, 400 mm f/2,8, 300 mm f/2,8, 70-200 f/2,8, 24-105 f/4, 24-70 f/2,8, 17-35 f/2,8, fisheye Canon 15 mm f/2,8, 100 mm f/2, 85 mm f/1,8, 2*50 mm f/1,4, 100 mm macro f/2,8, Tokina 10-17 mm fisheyes, 3 flashs 580 et 550, multiplicateurs 1,4 et 2* , filtres.

– Différents trépieds : Gitzo et MAnfrotto / Différents sacs : Fstopgear et Lowepro

– Caissons : 1 CMT carbone avec 4 hublots (50mm et 85 mm, 70-200mm, fisheyes, et dome fisheyes) / 1 aquatech (compatible vidéo mark4) avec 4 hublots (50 mm et 85 mm, 70-200 mm, fisheyes, et dome fisheyes) / 1 SPL pour photo flash 580X (compatible vidéo mark 4 et pocket wizzard pour studio) avec deux hublots ( 17/35, 50, 85 mm et fisheyes)

– Équipement studio de Capbreton : 60 m² avec différents fonds, supports, accessoires, etc…

– 2 générateurs autonomes Profotos pro 7b 1200 couplables avec 4 torches Pro b dédiées, 2 torches D1 500 air fixes et une Compact 300R. Jeux complets de boîte à lumières, parapluies, bolbeauté, cônes, pocketwizzard, réflecteurs, etc.

– Informatique : 2 Mac 27pouces i7, 1 Macbook pro 17 pouces, 1 Macbook air, 1 Naas pour le stockage et pour l’anecdote, j’ai 48 disques durs différents entre chez moi et le studio !

– Carte mémoire : PNY SD et CF (en partenariat)

– Palmes Techfins et Combinaisons Quiksilver et Patagonia

PORTFOLIO

  • 4 composantes différentes de la photo de surf :

  • Deux photos de vagues : une partie du travail sur « lumière et matière »


Tags:



2 commentaires

  • Marco Mares
    12 septembre 2013 9h54

    Un gars humble, bonne mentalité. Good vibes ce gars à l eau.

    Répondre

  • Erwan29
    12 septembre 2013 9h35

    J’admire le travail de Damien Poullenot depuis des années au travers de votre magazine. Magnifique portfolio.

    Répondre

  • Laisser un commentaire

    Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

    *
    *
    *