Jérémy Florès : l’interview post-Pipe

Interview à chaud du récent vainqueur du Billabong Pipe Masters 2010, qui revient pour nous sur son ÉNORME performance...

21/12/2010 par Romain Ferrand

Depuis sa victoire historique à Pipeline la semaine dernière, Jérémy Flores est un homme heureux. En plus d’avoir gagné le respect de ses pairs, il obtient une reconnaissance internationale incontestable et termine au passage à la 9ème place du classement final du World Tour.

Après avoir été la coqueluche des médias pendant plusieurs jours, le jeune Français de 22 ans commence tout juste à réaliser l’importance de sa performance, celle d’avoir inscrit son nom parmi les vainqueurs de l’épreuve la plus prestigieuse du circuit pro.

Depuis Hawaii où il  va compte rester pendant encore un mois, Jérémy revient pour nous sur ce qu’il considère déjà comme le plus grand moment de sa carrière :

Surf Session : Alors, dans quel état d’esprit tu es quelques jours après la victoire ?

Jérémy : Je suis encore sur un petit nuage. Quand je repasse encore devant Pipeline ou que je regarde les images sur Internet, je me dis que tout ça est juste incroyable…

Tu as eu un parcours parfait tout au long de la compétition, en commençant par battre Taj au round 5, notamment avec ce tube dément noté 9,97 mais qui valait un 10/10 aux yeux de tous…

Je pense que c’est cette vague qui m’a donnée confiance dans la compétition. Taj Burrow était le vainqueur l’an dernier, et donc un peu « l’homme à battre ». Il a commencé la série avec un 9 et je savais que je devais prendre une grosse vague et être profond dans le tube. J’ai speedé à fond tout en essayant de rester dedans pour scorer. En revoyant les images, c’est vrai que ça aurait pu être un 10 mais bon, j’ai laissé tout le monde débattre pour moi sans me prendre la tête. J’étais déjà fier de ma vague et d’avoir battu Taj.

Quelle était l’ambiance à l’eau pendant ta demi-finale contre Kelly Slater ? C’est un ami à toi, tu avais plus de pression que pendant un autre heat ?

Oui, on sait que quand on tombe contre Kelly il faut faire la série parfaite pour que ça passe. C’est un ami, on voyage toute l’année ensemble avec Quiksilver, on s’entend super bien et une série contre lui ça reste un moment sympa, ça nous rappelait quelques free surf qu’on a fait cette année dans des vagues parfaites… Mais je savais que je pouvais faire quelque chose dans cette série et je voulais faire une belle performance.

« Kelly est un fin technicien, le genre de mec qui peut facilement t’embrouiller dans l’eau, rien qu’en discutant »

Kelly a l’art de mettre la pression à ses adversaires pendant les séries ? Ca prend encore avec toi ?

C’est vrai que Kelly est un fin technicien, le genre de mec qui peut facilement t’embrouiller dans l’eau, rien qu’en discutant… Mais je commence à le connaître et pour une fois c’est le surf qui a parlé, pas la tactique. Ca reste le meilleur surfeur au monde, donc il faut être plus fort que lui mentalement, tactiquement, mais aussi techniquement. C’était donc énorme d’avoir gagné cette série contre lui.

C’est à ce moment-là que tu as commencé à penser à la victoire ?

En fait, j’ai eu un super feeling en me réveillant le matin des phases finales. Je ne sais pas pourquoi, je me sentais confiant, bien dans ma tête. On s’est entraînés dur tout le mois avec Yannick Beven, mes amis étaient là, j’étais tout le temps en contact avec ma famille par téléphone, j’étais vraiment bien. Et je sais que j’avais derrière moi plusieurs personnes qui croyaient en moi et qui savaient que je pouvais gagner cette épreuve. J’y suis donc allé sans pression. Et le meilleur feeling reste de pouvoir surfer Backdoor à seulement 2 à l’eau, car c’est une des plus belles vagues au monde. C’est aussi une vague mythique dont tous les champions parlent. Je savais que techniquement, je pouvais battre n’importe qui dans le tube. Après, ça reste la compétition.

« A ma sortie de l’eau, tout le monde m’attendait : Yannick, Patrick, Belly, Raimana… Même Kelly est descendu »

Raconte-nous à quoi tu pensais en remontant la plage après la finale, porté par Kelly, Yannick Beven, et ovationné par tout le North Shore…

C’était sans aucun doute un des plus beaux moments de ma vie. Quand j’ai pris cette vague à la fin, j’ai vu toute la plage en train de hurler, comme dans un stade de football. Puis à la fin de la série, je ne savais pas si j’étais passé et là j’ai regardé sur la plage et j’ai vu tous mes amis crier de joie. A ma sortie de l’eau, tout le monde m’attendait : Yannick, Patrick, Belly, Raimana… Même Kelly est descendu. C’était incroyable.

Même le web s’est enflammé à l’annonce de ta victoire… (plus de 150 commentaires sur la page Facebook Surf Session)

Oui, j’ai reçu des messages du monde entier, ça m’a vraiment fait chaud au coeur. Les Français ont toujours été derrière moi quand je faisais un résultat sur un CT, mais là… c’était vraiment spécial.

Et on dira ce qu’on veut, voir le drapeau français sur le podium du Pipe Masters, ça « claque » quand même…

Oui, c’est vrai que c’est pas tous les jours (rires).

D’ailleurs, il venait d’où ce drapeau ? C’est quelque chose que tu as toujours avec toi au fond de ton sac ?

Ouais, ouais, le drapeau il est là, toujours prêt à tout, à n’importe quel endroit…

« le chef juge m’avait dit que je ne retournerais dans le top 10 si je ne changeais pas mon surf. C’est dur d’entendre ça. »

Tu me disais au Portugal que tu avais eu une baisse de motivation au début de l’année et que tu te posais même des questions sur ce que tu avais vraiment envie de faire (voir interview dans le magazine de décembre). Tout ça est définitivement derrière toi maintenant ?

C’est clair que ça a bien bougé depuis. Plusieurs choses sont arrivées en début d’années et j’ai eu une perte de motiv’. Mes proches me disaient qu’une carrière est faite de hauts et de bas, mais je ne le comprenais pas. Maintenant j’ai redressé la tête et réalisé ce qu’ils voulaient me faire comprendre. Je me suis beaucoup entraîné cette année, qui était vraiment une année d’adaptation avec les nouveaux critères de jugement. Je me suis d’ailleurs bien fait saquer en début d’année et le nouveau chef juge m’avait carrément dit que je n’étais pas du tout dans les critères et que je ne retournerais jamais dans le top10 si je ne changeais pas mon surf. Et c’est dur d’entendre ça. Mais j’ai énormément travaillé, j’ai surfé des heures et des heures par jour et ça a payé.

On sait que les médias surf américains et australiens n’ont pas toujours été tendres avec toi et ont longtemps eu du mal à prendre le surf français au sérieux. Les choses viennent de changer on dirait ?

C’est vrai… Il y a des personnes qui sont venues me voir depuis ma victoire et qui ne me regardaient même pas en début d’année. C’est assez motivant et ça fait plaisir de voir les anglo-saxons derrière moi à longueur de journée alors qu’ils ne me calculaient pas avant, alors que j’avais déjà prouvé beaucoup : plus jeune à me qualifier sur le CT, classé dans le top 10 dès la première année… Ils n’arrivaient pas à accepter qu’un Français ou un Européen puisse faire mieux qu’eux.  Je pense que j’ai gagné beaucoup de respect, même si ce qui m’importe le plus est d’avoir celui des autres surfeurs du Tour. Je me suis toujours bien entendu avec tous, et eux aussi ont toujours été derrière moi depuis le début.

« ce qui m’importe le plus est d’avoir le respect des autres surfeurs du Tour. »

Tu as gagné le respect des surfeurs après ta victoire, mais aussi un joli chèque. Tu as prévu une escale à Las Vegas pour fêter ça ?

(rires) Non, j’ai bien fêté ça le jour même, j’ai invité tout le North Shore, mes amis, même des gens que je ne connaissais pas, j’ai bien profité… C’est comme ça : je viens à Hawaii depuis tout petit, je gagne ici, la moindre des choses est d’inviter les Hawaiiens et de leur en faire profiter quand on gagne chez eux. Malheureusement tout le monde ne pense pas comme ça. Peu importe l’endroit où je gagnerai, je ferai profiter les locaux, le contraire serait égoïste.

Quel est ton programme maintenant ?

Je reste encore à Hawaii pendant un mois pour m’entraîner avec Patrick (Beven). C’est le meilleur endroit pour ça, parce que tout le monde est reparti et que c’est la période où les vagues sont le mieux. Ensuite, je pars en Nouvelle-Calédonie passer du temps avec ma famille, avant de m’envoler pour l’Australie pour attaquer la saison 2011…

PROPOS RECUEILLIS PAR ROMAIN FERRAND


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