Profession : photographe surf WSL

Technique, réactivité, endurance, organisation... Le Français Damien Poullenot nous explique son métier lors des compétitions de surf internationales (+ portfolio).

27/06/2016 par Surf Session

L’image a toujours été primordiale pour l’ASP, devenue par la suite WSL. De tous temps, photographes et vidéastes ont eu pour mission d’immortaliser les plus beaux moments de chaque compétition pour nourrir les magazines, puis les sites internet et maintenant les réseaux sociaux.

A l’heure du quasi-instantané imposé par Facebook, Instagram ou Snapchat, les places restent encore chères, et seuls quelques élus obtiennent le précieux sésame pour pénétrer dans l’arène aux côtés des meilleurs surfeurs de la planète. Damien Poullenot en fait partie.

Il nous raconte en quoi consiste son métier, la façon dont il a évolué ces dernières années, les qualités requises…

Magnéto :

Depuis combien de temps es-tu photographe pour la WSL ?

Depuis plus de 10 ans. A l’époque, l’ASP cherchait un photographe et m’a demandé si ça m’intéressait. Au début, les conditions n’étaient pas très bonnes mais je suis quand même parti dans l’aventure. A un moment, ça a commencé à devenir intéressant car il y avait de plus en plus de dates. Ces dates, j’en partage la moitié avec Laurent Masurel, qui est mon ancien partenaire et toujours mon collègue puisque l’on travaille très souvent ensemble. Lui fait un peu plus de dates en Europe et moi un peu plus de dates dans le reste du Monde. Il a une grosse saison “Europe” sur août-septembre-octobre, j’essaye donc de repartir la charge de travail dans le temps en faisant plus de compétitions au printemps pour ne pas être débordé et tout le temps sur la route à l’automne ainsi que pour être en forme pour enchaîner le Pro France et Peniche.

Comment se passe une journée type de travail ?

Ici en Martinique [l’interview a été réalisée pendant le Martinique Surf Pro, ndlr] par exemple, on arrive en même temps que les juges pour le call. La suite dépend de beaucoup de choses : conditions de lumière, de vagues, niveau d’intérêt de la compétition. D’une manière générale, je privilégie les belles lumières du matin, j’essaye de faire une partie dans l’eau et une partie du bord. Je fais deux ou trois édits dans la journée, c’est-à-dire qu’à deux ou trois reprises j’essaie de prendre une petite heure pour éditer les photos du matin, les sélectionner, les re-sélectionner, les renommer, les retoucher, les exporter et les mettre sur le site web. Ça demande beaucoup d’habitude et d’expérience pour aller vite, c’est la condition sine qua non pour bosser à la WSL.

 

En fait, tu assures plusieurs étapes de la chaine de production ?

Tout passe par moi. Sur une journée classique je sors 500 fichiers Raw, j’en sélectionne 100, puis j’en re-sélectionne 20 ou 25 par série. Pour ça j’utilise un logiciel spécialisé qui s’appelle Digital Photo. Après, j’importe ces photos dans Lightroom, où j’ai plein de presets qui me permettent d’aller beaucoup plus vite, mais je dois quand même renommer les photos en mettant le nom de la compétition et le nom des surfeurs ainsi que leur nationalité, ça c’est vraiment le plus lourd. Ensuite je retouche les photos, là aussi j’ai pas mal de presets et si la lumière est constante tout au long de la journée ça peut aller assez vite. L’étape suivante, c’est l’exportation des photos, qui font entre 3 et 4 mégas en jpeg, suivie enfin de l’importation sur le site de la WSL.

Quels sont les aspects difficiles du job ?

Il faut rester concentrer tout au long de la journée et très bien connaître le sport pour optimiser tes prises de vues et être sûr qu’à la fin de la journée, non seulement tu as toutes les actions et séries importantes (d’où l’intérêt d’aller vite et de bien connaître les athlètes pour ne pas louper des séries importantes) il faut aussi savoir varier les prises de vues pour ne pas se contenter de rester derrière son trépied toute la journée. Quand la compétition commence il faut donc être à 100 % du début à la fin. Fin qui finit pour toi toujours 1 ou 2 heures après les autres… Lorsque les journées durent 12 ou 13 h, c’est donc très fatiguant d’autant plus ici avec cette chaleur écrasante et pas un souffle d’air.

La photo dans l’eau demande une bonne condition physique ?

Oui c’est physique. Je suis un ancien bodyboardeur et ça fait très longtemps que je fais de la photo aquatique donc même si je n’entraîne pas spécifiquement pour cela, on va dire que l’expérience prend des fois ou souvent le dessus sur une condition physique irréprochable. Mais c’est ce que j’aime faire et c’est pour cette raison que je fais ce métier.

En compétition pour la WSL, c’est beaucoup plus technique que le watershot classique parce qu’il faut faire attention à ne pas gêner les surfeurs. Il faut faire attention, non seulement à ne pas être dans la ligne des surfeurs, mais aussi s’assurer de ne pas faire de mouvements qui risqueraient de “casser” la vague.

Sur quel type de compétitions travailles-tu ?

Au début, c’était seulement l’Europe mais depuis 4 ou 5 ans la WSL me fait travailler également sur des compétitions mondiales, j’ai commencé sur des CT filles, et depuis 3 ans ils me proposent le Pro France chez les hommes. Ça, c’était quand même un des aboutissements de mon métier de photographe, déjà pouvoir faire une étape du Tour, et en plus chez moi. Sur le Pro France c’est pratiquement tout dans l’eau, donc là c’est très physique, 3 heures dans l’eau tous les jours, avec parfois des vagues de 3 mètres : c’est chaud ! Mais c’est une super expérience. Cette année, j’ai également fait Peniche pour les hommes, Cascais pour les femmes ainsi que Maui, les championnats du monde junior et quelques events longboard. Cette année, ils m’envoient à nouveau à Maui pour les filles mais aussi à Teahupoo pour les hommes, et peut-être le Pipe

La WSL est très présente sur les réseaux sociaux, sur lesquels elle essaie souvent de jouer la carte de l’immédiateté. Comment ce “toujours plus vite” impacte concrètement ta manière de travailler ?

Le toujours plus vite nous impacte dans la mesure où, avant, une belle sélection à la fin de la journée suffisait à tout le monde car majoritairement la presse papier reprenait nos images et les sites web faisaient un résumé de la journée. Alors que maintenant il faut dès la première heure, poster une photo du line-up ou de la première série. Donc cela nous demande de faire de plus en plus d’aller-retours, d’aller de plus en plus vite sur l’editing, etc…  Mais c’est l’aspect positif des réseaux sociaux selon moi car ils ont donné une importance primordiale à notre métier et à nos images, nous sommes donc plus sollicités, mais en retour notre importance a été mise en valeur d’un point de vue des piges mais aussi avec la confiance qu’ils nous apportent en continuant à nous faire travailler sur de plus en plus d’événements. Nous sommes maintenant 2 et des fois 3 photographes sur un CT. Donc si même moi en tant que photographe je ne communique pas trop – voire pas du tout – sur les réseaux sociaux, je ne peux pas nier l’intérêt capital qu’ils ont pour nous. Et j’ai une chance rare : c’est qu’on diffuse mes images pour moi ! Un exemple marrant d’ailleurs, je suis sur Instagram pour majoritairement relayer les images de la WSL. Il y a 2 ans, j’avais posté juste 3 ou 4 photos à l’ouverture du compte et j’avais déjà 600 ou 700 followers après le Pro France. Depuis, j’ai posté un peu plus régulièrement pendant les events et pendant le Portugal, Gabriel Medina a posté une de mes photos avec mon crédit “damien_poullenot” (chose rare) et j ‘ai dû avoir 350 ou 400 followers de plus en 1h !

Côté matos, tu travailles avec quoi ?

J’ai trois boitiers, deux EOS 1D Mark IV, et un EOS-1D X qui est le dernier boitier de Canon. Je n’utilise pratiquement plus que le dernier boitier. Niveau optiques, pour l’action, j’ai des 300, des 400, des 600mm et ça varie en fonction des spots. L’an dernier [en Martinique, ndlr], ne connaissant pas le spot, j’étais venu avec un 600mm et je m’étais fait avoir car j’étais beaucoup trop près. Cette année je n’ai pris qu’un 400mm. Pour le lifestyle, j’utilise tous les objectifs classiques, 17-35, 24-70, 50, 70-200. Dans l’eau, j’ai un caisson très léger, et aussi très fragile, qui s’appelle CMT. La règle en aquashoot et selon les critères de la WSL, c’est d’être en 100mm et de mettre un casque. Moi j’utilise souvent un 85mm (avec les mark4) ou le 70-200.

Ce que tu préfères dans ce métier ?

Je ne suis pas trop compétition à la base mais je me prends au jeu à chaque fois. Tu vibres quand il y a de belles actions et surtout quand il y a des surfeurs français ou européens. Je suis censé être neutre mais au fond, je suis toujours derrière quelqu’un. Il y a de bons moments à l’eau avec les surfeurs et je les connais tous. Ça m’amène aussi à voyager même si j’ai une famille et des enfants à la maison

C’est difficile de concilier ton travail et la vie familiale ?

Oui, c’est très dur et le plus pesant pour moi. J’ai quatre enfants et dès que possible je les prends avec moi mais ce n’est pas toujours évident . Malgré ça, j’ai quand même la chance de faire de la photo aquatique, c’est mon coeur de métier et pouvoir en plus le faire avec la WSL est une grande chance.

Portfolio, commenté par Damien Poullenot :


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