"Je shape les alaias de Tom Curren"

À 17 ans, le landais Paul Duvignau a déjà shapé deux alaias pour Tom Curren, et le maître du style en redemande...

10/10/2014 par Romain Ferrand

Vous avez peut-être vu une vidéo de Tom Curren sur le web, il y a quelques mois, dans laquelle il revient à la plage en bodysurf à la recherche d’un morceau de son alaia cassée en deux. Les vagues n’avaient par l’air énormes ce jour-là, et ça m’avait un peu surpris. Non pas l’éclectisme de Tom Curren, mais plutôt cette alaia en deux morceaux avec la mention Father and Son gravée dessus.

Et comme beaucoup de surfeurs de ma génération qui considèrent tout ce qui touche à Tom Curren comme sacré, j’ai voulu savoir d’où venait ce alaïa. Mais je n’ai rien trouvé sur le moment. Et puis quelques mois, plus tard, je suis tombé sur le jeune Paul Duvignau en train de shaper une planche pour son père dans un atelier de Capbreton.

Premier hasard. Jusque-là, je n’avais toujours pas fait le lien entre les deux histoires. Mais d’un coup, Paul se met à me parler des alaias qu’il avait shapées pour Tom Curren. Plus fort encore, il me propose de passer chez lui pour en discuter avec Tom !

Second hasard. L’insaisissable Tom Curren était de passage en France en tant que parrain du Festival International du film de surf d’Anglet, ça ne pouvait pas mieux tomber. Il faudra une bonne semaine avant que l’on arrive à se caler.

Et puis le rendez-vous est convenu, vers 20 h le 8 juillet, chez les parents de Paul, qui hébergent le surfeur de légende. Tom est là avec sa femme, elle tapote sur un iPad et lui discute dans le jardin avec le père de Paul en buvant une bière. On est en plein centre de Seignosse, il y a des planches de surf plein la maison, dont 3 alaias et un paipo fait par Paul. Il y a 34 ans, Tom était déjà passé dans la région pour empocher le titre de champion du monde junior ISA à Biarritz.

Mais revenons à Paul. Le jeune surfeur landais, qui vient tout juste d’avoir son bac, a commencé à shaper il y a seulement quelques années sous la houlette du célèbre Guitou (l’un des premiers shapeurs français). Après une vingtaine d’alaias et à peine 10 planches de surf, dont un single et plusieurs longboards, on peut déjà dire qu’il a du style

« J’ai commencé à shaper ma première alaia dans le jardin, mes parents ne voulaient pas que j’utilise des produits chimiques… »

Pour lui, pas question de passer par le préshape, il fait tout de A à Z. « J’ai commencé à shaper ma première alaia dans le jardin. Comme mes parents ne voulaient pas que j’utilise des produits chimiques c’était donc le seul style de planche que je pouvais me fabriquer. J’ai acheté un morceau de polonia à Bayonne avec mon père et je suis allé voir Guitou qui m’a aidé à tracer un outline. Ensuite, mon père a passé le rabot et j’ai fait le ponçage. C’est comme ça que j’ai eu l’idée du nom Father and Son. Je l’ai essayée et elle a super bien marché dès la première vague. Ensuite, j’ai racheté du bois pour m’en faire d’autres et j’en ai offert une à Tom Curren, lors de mon premier voyage en Californie, pour le remercier d’avoir passé 10 jours chez lui. » Tom Curren, ayant quand même vu passer quelques milliers de planches sous ses pieds, a tout de suite apprécié la planche. Vous n’imaginez pas le plaisir du jeune apprenti shapeur quand il reçoit un email de deux lignes de Tom Curren : « Salut Paul, je surfe ton alaia, elle marche super. »

Quand Tom s’amuse

Après quelques photos et un portrait où Tom ne m’a donné le droit qu’à deux shoots, le fameux surfeur californien, comme absorbé par sa propre inertie, s’est mis à expliquer la dynamique nécessaire pour surfer une alaia.

« J’ai surfé la planche de Paul pendant un an, avant de la casser au Mexique. Je l’ai réparée, elle marche moins bien, mais elle reste fonctionnelle. Quand Paul m’a donné cette alaia, ça tombait bien car on m’avait volé deux autres planches de Tom Wegener juste avant. J’en avais planté une dans le sable sur un spot à côté de Santa Barbara et elle avait disparu.

Quelques jours plus tard, j’en avais posé une autre sur des galets et un type a dû prendre ça pour un truc venu de la mer, et partir avec. Il a dû se dire : “C’est pas un surf ça !” La planche de Wegener faisait 7 pieds et je la trouvais super, celle de Paul est un peu plus courte, mais c’est bien aussi. À Rincon, tu es obligé de faire des manoeuvres, il faut souvent éviter pas mal de monde, la planche tourne vite, et tu repars (Tom mime un 360°, ndlr).

La planche de Paul a une forme arrondie et c’est un peu plus difficile de ramer avec. Ça m’arrive d’utiliser un paddleboard, je rame, je mets la planche sur le côté et je monte dessus comme ça. C’est juste un peu dur de faire le take-off avec ce type de planche, je vais peut-être essayer de partir à l’envers. Tu peux aussi surfer des vagues assez solides avec. L’alaia, ça marche bien quand il y a beaucoup de période, car tu es vraiment dans la vague.

Mais on peut aussi les surfer sur des beach breaks. Dans 1,50 m, tu t’amuses. Au-dessus de cette taille, pour moi, je ne trouve plus ça très amusant. C’est important de surfer sur une planche en bois, c’est très pur. Tu n’as pas de leash, pas de gadget, c’est quelque chose de naturel. »

Stéphane Robin

Article issu du Surf Session #325

> Voir aussi (vidéos) :

– Back to the roots à Sumatra avec Damien Castera

Waimea et Sunset en alaïa par Dave Rastovitch



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