"The ASP Hollywood Tour" Saison 1 épisode 1 : Snapper Rocks

Gentils, méchants, winners, loosers, suspense, sang, larmes et coups de théâtre : L'ASP World Tour décrypté par Franck Lacaze...

18/03/2014 par Romain Ferrand

Dans l’épisode précédent

Quatorze décembre 2013, épilogue de la saison : Kelly Slater – 41 ans, légende absolue de la discipline – vient de dominer “Double Jay“ Florence -20 ans et successeur désigné du “Divin Chauve“- lors de la finale la plus fantasmée du surf professionnel.

Le changement, c’est maintenant

Mars 2014, l’élite du surf professionnel se retrouve à Coolangatta pour le Roxy Pro et le Quiksilver Pro, coups d’envoi du World Championship Tour(1) (je vous épargne le nom officiel, cela coûterait trop cher en pige à mon employeur) comme c’est la tradition depuis 1998.

Mais ce qui suscite le plus de curiosité à l’aube de cet an II de l’ASP version ZoSea(2) sont les signes du renouveau (l’an I fut une année de transition sans modification notable). Les plus ostensibles sur le sable de Snapper Rocks sont l’énorme structure qui double la capacité d’accueil des surfeurs et autres VIP (dont Nicolas Cage qui a choisi de déserter la cérémonie des Oscars à laquelle il n’a de toutes façons pas été convié), ou la massive et rutilante table en ébène posée sur la plage autour de laquelle siègent des commentateurs exclusivement Américains à l’exception de l’indigène Ronnie Blakey. Car cet ASP à l’accent amerloque possède désormais ses droits d’image et entend bien maitriser leur exploitation… parfois jusqu’à l’excès (l’épisode l’opposant aux photographes est à ce titre révélateur). Autres nouveautés visibles à l’écran : les habillages 3D mais également le retour du streaming en langue française avec un duo de commentateurs que l’ASP a enfermés (enchainés ?) dans un studio de L.A.

La femme est l’avenir… du surf

Mais les changements les plus notables ne sont pas nécessairement les plus visibles. L’arrivée d’un sponsor parapluie –un géant sud-coréen du smart phone, le premier “hors-captif“ depuis le retrait de Foster’s en 2007- garantirait la pérennité financière des circuits WCT pour deux saisons. Au point que l’étape de Fidji a été maintenue au calendrier masculin en dépit du retrait de son sponsor, et que J Bay fait son retour également sans sponsor titre. Mais que dire du Tour féminin ? Avec un circuit porté à dix étapes (dont sept communes avec les garçons) et un prize-money doublé de 120.000 à 250.000 $ par épreuve, les filles sont assurément les grandes gagnantes de ce renouveau. Les gourous du marketing de ZoSea l’ont sans doute compris, les filles méritent davantage d’exposition que celle qui leur fut octroyée jusqu’à présent. La femme est probablement l’avenir de l’ASP… Surtout si elle surfe en bikini.

And the winners are ?

Contrairement au précédent Roxy Pro quand elle fit tant parler dans un teaser français et incendiaire, la désormais doyenne du WCT –à seulement 26 ans !- Stephanie Gilmore s’est rappelée au bon souvenir de chacun grâce à son seul surf. Même la championne du monde Carissa Moore, dont le niveau technique proposé lors des tours précédents fut simplement ahurissant, ne put lutter en demie dans ce qui fut la finale avant l’heure. La vraie finale dans laquelle Steph était opposée à la surprise Bianca Buitendag fut à sens unique. La Sud-Africaine visiblement pétrifiée par l’enjeu multiplia les chutes rédhibitoires. Mais son annonce de reverser l’intégralité de son prize-money (25.000 $) à une association caritative de son pays en fit une gagnante à tout jamais !

La charge brésilienne

Au rayon des winners, comment occulter les Brésiliens qui ont relevé le défi de la vieille garde australienne sur son terrain de prédilection (depuis 2000, Slater était le seul non-Australien à inscrire son nom au palmarès de la Gold Coast) ? Medina, De Souza et Pupo ont mené la charge auriverde jusqu’aux phases finales. De Souza a été fidèle à sa réputation : déterminé, tactique et solide sur les rails, il s’est offert le scalp de Slater en quarts -signant au passage sa 6è victoire consécutive sur l’Américain pour s’affirmer officiellement comme sa bête noire… avant de perdre en demie pour la 5è fois d’affilée face à Joel Parkinson. Chacun son épouvantail.

Mais le vainqueur des vainqueurs est assurément Gabriel Medina qui signe un come-back retentissant après une saison 2013 quasi blanche durant laquelle il sembla sans repères et sans confiance. Série après série, le jeune (20 ans) goofy de Maresias a retrouvé son panache enchaînant les victoires sans proposer la moindre envolée (une première dans sa carrière ?). Medina devient le premier Brésilien à s’imposer sur la Gold Coast et le premier goofy depuis Mick Lowe en 2004. Et si le salut de l’ultra-talentueux Medina passait par le respect de la vague ?

Et puis quoi encore ?

Nouveauté : notons la volonté de transparence de l’ASP qui n’hésite plus à tendre le micro au chef-juge Richie Porta, probablement le personnage le plus décrié de la caravane, afin qu’il clarifie immédiatement toute décision pouvant porter à polémique. Expliqué, le jugement devient plus compréhensible. L’ASP est décidément entrée dans une nouvelle ère.

Et les Français ?

Cela aurait pu porter à polémique mais Jérémy Florès connaît suffisamment bien le règlement qui régit toutes les compétitions en man-on-man : si l’on grille la priorité au surfeur qui en est bénéficiaire on écope d’une interférence. Manque de clairvoyance de Jérémy qui n’a pas coupé sa trajectoire assez tôt n’imaginant pas que Adriano de Souza allait lui tomber dessus ? Collision délibérée du Brésilien ? Toujours est-il que Mineirinho prioritaire n’a pas fait de cadeau à son “meilleur rival“ et on n’ose imaginer que Jérémy ne pouvait pas penser qu’il en soit autrement. 13è du contest, on gardera de cet épisode l’interview livrée “à chaud“ par le Réunionnais qui a fait le buzz. Si l’on en doutait, le Français n’a rien perdu de sa hargne ni de sa combativité ; tant sportive que verbale. Surtout, les quelques vagues entrevues dans ce contest après plusieurs semaines passées “au vert“ à Tahiti augurent d’une fraîcheur mentale et d’un surf retrouvés, aidé en cela par un nouvel encadrement et de nouvelles boards. À seulement 26 ans, ce sera sa 8ème saison sur le WCT. Celle de la reconquête ?

Demi-finaliste l’an passé, Michel Bourez (13è) avait parfaitement géré le 1er tour face à Wright et Andino avant de flancher logiquement face à Patacchia au 3è tour faute de trouver les vagues à potentiel. S’il est parti sur le même mode alternatif qui fut le sien en 2013, le Tahitien devrait être au rendez-vous à Margaret River.

Chez les filles, notre débutante Johanne Defay (13è) a eu le malheur de tomber sur une Courtney Conlogue absolument irrésistible au 2è tour et auteure du barrel du contest. Avec un seul score conséquent à son actif, la Réunionnaise n’a pas pu lutter dans un Snapper Rocks avare en vagues de qualité. Mais la puissance qu’elle a montrée sera son principal atout cette saison. Même constat pour Pauline Ado qui après avoir dominé la Californienne Conlogue et la rookie australienne Van Dijk au 1er tour, n’a pu garder l’ascendant (9è) sur cette même Conlogue en grande forme au 3è round.

Les loosers de Snapper

Un bon feuilleton se doit d’avoir ses loosers : à ce palmarès on citera d’abord le spot de Snapper Rocks qui, à l’exception de la deuxième journée des filles et malgré un banc de sable dessiné au cordeau, aura soufflé le chaud et surtout le froid. Aucune consistance dans la fréquence des vagues et des séries le plus souvent lentes. Voire soporifiques. On était bien loin des conditions magiques du dernier jour de l’édition précédente, il est vrai surfé à Kirra.

Côté surfeurs : Jordy Smith (25è) victime collatérale de l’absence de vagues et de Tiago Pires, Julian Wilson (13è) scalpé par son compatriote et débutant de la Sunshine Coast Mitch Crews (par ailleurs auteur d’un parcours remarquable), ou John John Florence (25è) sans solutions face à un Travis Logie tranchant sont les grands perdants de cette première étape.

Dans le prochain épisode :

On traverse l’île-continent australienne, direction la côte ouest et Margaret River. Épreuve jusqu’ici comptant pour le circuit qualificatif, le Drug Aware Pro (du nom d’un organisme gouvernemental luttant contre l’addiction aux drogues) intègre le WCT masculin en 2014 alors qu’il était déjà au calendrier du circuit féminin l’an passé. Décor de ce deuxième épisode, le spot de Surfer’s Point distille principalement une longue gauche et une droite plus courte et plus intense. On ne devrait pas y voir beaucoup de tubes ou d’aerials, mais du bon gros carving et probablement quelques espoirs noyés si une grosse dépression australe venait à rougeoyer précocement dans les quarantièmes rugissants.

Première diffusion à partir du 3 avril… pour toujours plus d’action, de drames, de sang et de larmes.

Franck Lacaze*

(1)  Samsung Galaxy ASP World Championship Tour

(2)  ZoSea Media Holdings, du nom de l’entreprise de médias américaine qui l’a racheté voilà plus d’un an.

* @francklacaze : ancien surfeur pro, rédacteur en chef du magazine Trip Surf de 2000 à 2007, commentateur de toutes les épreuves de l’ASP World Tour sur la chaine MCS Extrême (Canalsat 127 ou Numéricable 153).


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5 commentaires

  • clo33
    20 mars 2014 16h58

    Du coup je vais être plus précis. Il s’agissait du WQS Ribeira d’ilhas/ericeira en 2011 et erreure de ma part Medina avait fait deuxième(sans mettre un seul air).
    Mince alors je ne gagnerai pas mon kit complet samsung avec application pro surfing ripquiksilver!!!
    Mais je suis tenace quand même?-)

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  • joejoe
    20 mars 2014 12h59

    Et à la question, Ericeira c’était à Peniche….

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  • joejoe
    20 mars 2014 12h58

    Merci pour cette information et analyse précise Clo33.

    Serais-tu le digne représentant des archives du WCT tel Léon Zitrone pour la rtf?
    Supertubos c’est fait pour les supertubos, nan??

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  • clo33
    19 mars 2014 12h33

    A la question première victoire de Médina sans envolée? La réponse est qu’il s’agit au moins de sa deuxième puisque il avait gagné au portugal(à ericeira je crois) l’année de sa qualif grâce à un surf sur le rail très efficace(notamment face à julian wilson).

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  • ys
    19 mars 2014 11h25

    parfaite analyse, merci Franck

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