Waimea décrypté

Houle, courants, mise à l'eau, vagues : tout savoir sur l'un des plus célèbres spots de gros de la planète.

27/01/2015 par Surf Session

Signifiant “eau rouge” en hawaïen ancien, Waimea Bay ne doit pas sa dimension mythique qu’au surf. Sur les hauteurs de la vallée de Waimea se trouve un site protégé abritant les ruines d’un temple hawaïen pré-christianisme où étaient pratiqués des rites sacrificiels. Pour autant, l’eau ne devait pas sa couleur rougeâtre au sang versé, mais davantage aux sable et sédiments déversés par la rivière lors des crues.

Endroit sacré, Waimea l’est aujourd’hui encore à travers l’Eddie Aikau alors que la cérémonie d’ouverture annuelle de la compétition de gros surf est devenue un pèlerinage pour les surfeurs invités, en présence d’un Kahuna, à la fois prêtre et sorcier dans la tradition hawaïenne. Ainsi, malgré la rareté de la compétition, l’esprit de l’Eddie demeure vivace, “mis en scène” chaque année à travers ce rassemblement passablement médiatisé.

Quant à la mécanique du spot, elle n’a aujourd’hui plus de secrets, et le “forecast” (les prévisions météo) se rapproche de la science exacte. Mais commençons par le commencement. Les deux tiers de la baie de Waimea sont recouverts de sable, alimentés par l’embouchure de la rivière. Seul un bandeau de lave d’une trentaine de mètres de large longe la pointe nord (à droite depuis la plage).

Par houle moyenne, un pic mou et facile – Pinballs – apparaît alors à hauteur du clocher de l’église sur la pointe. Mais la zone qui nous intéresse se trouve à l’extrémité du plateau de lave. Car de 10 à 30 pieds, la vague déferle quasiment à la même hauteur, alors que la houle heurte la dalle en eau profonde. Cette rencontre brutale avec le plateau accentue l’effet de succion. Impossible de démarrer plus tôt, le take-off doit se faire en quelques coups de rame. Au-delà d’une certaine taille, l’astuce est alors de viser les “chops”, ces bosses sur la face de la vague qui peuvent vous pousser et donner le petit coup de boost supplémentaire pour s’engager un instant plus tôt dans la pente. Passé ce drop vertigineux, la vague retombe en eaux profondes et s’affaisse rapidement. Le plus dur est passé ? Par exactement, car les dangers sont partout à Waimea.

La baie est de taille plutôt réduite et brasse d’énormes mouvements d’eau, entre ceux issus du pic principal et le courant venu d’Outside Alligators (au large, à quelques centaines de mètres à gauche, soit vers le sud-ouest). Le résultat, c’est qu’un premier courant latéral surhumain balaye le shorebreak (de droite à gauche depuis la plage), qui en rencontrant les masses d’eau venues de la gauche de la baie – en sens inverse donc – forment un courant tourbillonnant au bord… Glurps.

> Lire aussi : 30 ans d’Eddie Aikau

La mise à l’eau est par conséquent des plus tendues. Trop à gauche et vous voilà pris dans le courant du shorebreak. Passer par le “keyhole”, cette faille sur le reef à droite de la plage, demande un timing d’expert pour éviter de se faire défoncer dans les rocks. Mais réussi, il vous permet de traverser la baie en travers et de débarquer au line-up les cheveux secs. Inversement, la sortie de l’eau devra éviter la gauche de la plage et son shorebreak assassin, pour privilégier une sortie dans la mousse, côté keyhole.

Le plus compliqué – le plus intéressant aussi – reste l’ouverture de Waimea aux houles, sûrement la caractéristique qui explique la rareté de l’Eddie. Via le phénomène de réfraction, les outer reefs du North Shore ont tendance à “avaler” les houles au large, de même que l’île voisine de Kauai tend à faire écran aux houles d’ouest/nord-ouest propices à Waimea. La fenêtre de tir est donc très étroite.

Les experts de Surfline ont d’ailleurs démontré comment la période des houles affectait également la taille des vagues à Waimea. Car plus les houles sont dites longues (période élevée entre deux crêtes), plus l’énergie de cette houle se propage en profondeur. Sauf que plus la houle est “profonde”, plus elle est affectée par la bathymétrie (le relief) des fonds marins. En se frottant plus profond et donc plus loin du rivage, le phénomène de réfraction apparaît plus en amont, détournant la houle très au large sur les outer reefs évoqués plus haut. Une orientation très précise et une période pas trop élevée sont ainsi nécessaires pour que Waimea se révèle sous son plus beau jour.

Reste enfin une donnée des plus subjectives qui décide du lancement ou pas de l’Eddie : les fameux 20 pieds nécessaires. Des pieds hawaïens, comprenez : mesurés depuis le dos de la vague. Alors que le big wave riding connaît aujourd’hui une véritable inflation dans la mesure des vagues (la quête de la vague à 100 pieds), les organisateurs préfèrent désormais parler de faces de 40 pieds (12 mètres) pour lancer l’épreuve. Pas étonnant donc que chaque année, du 1er décembre jusqu’au dernier jour de février, l’Eddie consiste surtout en un jeu de patience alors qu’il existe 1 chance sur 4 pour que le coup d’envoi soit donné. Il reste encore un mois, faites vos jeux : rien ne va plus.

Session de la mi-janvier à Waimea, filmée en drone :


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