ASP Vs Photographes

L'ASP exige désormais que les photographes accrédités sur les compétitions cèdent les droits de leurs photos. Et ça ne passe pas du tout?

27/02/2014 par Romain Ferrand

Alors que l’ASP annonce un partenariat avec Samsung et GoPro pour la saison World Tour 2014 et que les surfeurs ont désormais le droit de surfer avec leurs GoPro pendant les heats, un changement radical des règles du jeu vient de frapper les photographes de surf, qui décident de monter au créneau…

Tout commence il y a 2 semaines, lorsque le formulaire d’accréditation des photographes pour le Quik Pro Gold Coast est mis en ligne. Parmi les engagements demandés au photographe en échange de son sésame, celui de céder tous les droits de ses photos (ou vidéos et sons) prises sur l’événement à l’ASP. Rien que ça. Une mesure qui ne passe pas et qui suscite une petite polémique depuis.

On a interrogé Peter “Joli” Wilson, photographe australien qui suit toutes les étapes du World Tour depuis plus de 20 ans, et Sylvain Cazenave, qui a fait le job pendant des années et continue de couvrir entre autres le Quik Pro France et les étapes hawaïennes chaque année, pour en savoir un peu plus :

Où en est-on à quelques jours du début du Quik Pro Gold Coast ?

Joli : Au moment où je te réponds a lieu la cérémonie des ASP World Title Awards et, puisque je n’ai pas signé le formulaire d’accréditation en ligne, on m’a dit que je n serais pas autorisé à photographier les surfeurs et leurs épouses sur le tapis rouge ! Si j’avais signé, j’aurais pu shooter mais je n’aurais pas été propriétaire de mes photos.

Avez-vous pu parler de ça avec les représentants de l’ASP ?

Joli : Oui, j’ai eu une réunion avec les nouvelles personnes chargées de la com chez eux en octobre. On m’a demandé si je voulais travailler « avec » ou « pour » le nouvel ASP et j’ai répondu que ça m’intéressait et que je souhaitais avoir plus de détails. Ils n’ont pas répondu à mes mails ou mes coups de fil pendant 6 semaines. J’ai finalement eu un entretien avec eux à Hawaii, et ils m’ont dit qu’ils n’embaucheraient finalement pas de photographes ou de bloggeurs pour leur site web et que, même si je demandais une accréditation pour la saison 2014, je ne serai pas garanti qu’elle soit approuvée.

La principale différence pour moi est que, les années précédentes j’avais, en tant que représentant média reconnu, un pass « All Access »  pour aller où je voulais sur les sites de compétition. Le nouvel ASP a interdit l’accès à la zone des surfeurs (« Surfers Area ») et aux vestiaires (Locker Room »), le line-up (pour les actions aquatiques, ndlr) et ont interdit l’utilisation de drones pour shooter ou filmer une épreuve.

Je dois donc désormais remplir une demande d’accréditation pour chaque épreuve et, si je signe et accepte, les termes du contrat précisent bien que l’ASP possèdera TOUS les droits sur mes photos, mes vidéos et le contenu audio que j’aurais produit sur le site de l’épreuve.

Vous devrez donc céder tes photos gratuitement s’ils te le demandent ?

Joli : Si j’ai signé l’accréditation et que l’ASP me demande mes images, alors je devrais les leur donner puisqu’elles leur appartiendront déjà.

Et ils pourront donc en faire ce qu’ils veulent ?

Joli : Oui.

Même les vendre ?

Joli : Je pense que oui.

Ou les mettre à dispo des médias gratuitement ?

Joli : Oui.

Avez-vous vraiment besoin d’accréditation pour travailler sur les épreuves ?

Joli : je pense que je peux travailler sans. En Australie, la plage est un événement public et la loi australienne stipule que je peux shooter depuis un endroit public.

Sylvain : Je ne pense pas qu’ils puissent bloquer toutes plages et avoir toutes les autorisations légales pour nous empêcher de travailler. Ils peuvent contrôler les accès à certains bateaux à Tahiti et à Fidji, mais à nous photographes de vérifier les législations de chaque pays.

Quelles sont les réactions de vos confrères ?

Joli : J’ai eu de nombreux photographes qui m’ont précisé qu’ils ne signeront pas le formulaire. Il y en a d’autres qui se fichent de leur copyright et qui l’ont déjà rempli.

J’estime être en droit de posséder mes images et je me suis curieux de voir les ramifications à long terme si je cède mes droits à l’ASP. Mes archives de compétition remontent aux années 70. Je possède toutes ces images et je peux les vendre pour diverses utilisations. Si je signe le doc ASP, je ne possèderai plus aucune image. Je pourrais shooter une compétition dans son intégralité pendant 10 jours et devoir remettre mes cartes mémoire à l’ASP à la fin et ne posséder aucune image.

Ceci peut ne pas poser problème à court terme, mais ça pourrait le devenir dans 5 ans, si l’ASP n’aime pas la liste de clients pour qui je travaille ou l’usage que je fais de mes photos. En signant le formulaire, je n’aurais plus le droit de dire à des clients potentiels que je possède les droits de l’image et que je peux leur céder sans risque.

Sylvain : Apparemment certains photographes s’en fichent complet de filer leurs photos à l’ASP. C’est une pratique répandue dans d’autres sports paraît-il. Je ne comprends pas et ne suis pas au courant de telles pratiques car en résumé, si tu signes l’accréditation et que tu es accepté, tu vas shooter la compète et tu devras leur donner gratuitement toutes tes photos. Autant dire que tu travailles gratuitement.

L’ASP pourrait donc refuser que vous vendiez vos propres photos à vos propres clients ?

Joli : Oui, c’est exact .

Sylvain : Puisque l’ASP devient propriétaire de tes photos, tes clients peuvent les leur demander directement, et eux peuvent les donner ou leur vendre pour bien moins cher car elles ne leur coûtent rien.

Tout est vraiment parti de la photo du Fuck de Parko envers Kelly l’an dernier à Kirra ?

Sylvain : L’ASP veut éviter de réitérer des erreurs comme celle de la photo du fuck de parko envers Kelly l’an dernier à Kirra, qui  avait à l’époque donné lieu à une petite bataille (shootée par un photographe travaillant pour Quik, mais exigée par l’ASP qui se l’ait approprié et l’a publié sur leur site avec le crédit d’un photographe ASP, avant de finalement la retirer, ndlr...). Ils veulent aussi être propriétaires de toutes les photos car ils créent un événement dont ils ont les surfeurs sous contrat.

Ils disent que la plupart des grands sports travaillent comme ça. Mais je n’ai JAMAIS entendu parler d’une telle manière de travailler et pourtant j ai travaillé avec l’Agence Vandystadt et l’Agence Corbis qui sont ou ont été deux des plus grandes agences mondiales de photo. J’ai eu à prouver pour qui je travaillais afin d’avoir une accréditation, mais jamais on ne m’a demandé de me dessaisir de la propriété intellectuelle de mes photos !

Joli : ils disent qu’ils changent les règles pour que personne ne puisse se faire de l’argent grâce au nouvel ASP. Ils disent aussi que ce type de règles sont standart pour tous les sports majeurs autour du globe. J’ai parlé à plein de photographes, des agences de stock et de gros médias et ils m’ont tous dit que ce n’était pas vrai. Tu dois travailler pour un magazine réputé ou un gros titre mais jamais tu n’auras à abandonner ton copyright.

Enfin, quel est le but de la manoeuvre ? Ne plus avoir que des photographes ASP sur la plage ?

Sylvain : Yes, ils cherchent un contrôle total. Et il ne restera donc à terme que des photos contrôlées par les photographes ASP…

Photos de compètes/ASP : comment ça marche ?

L’ASP dépêche sur chaque épreuve ses propres photographes (principalement Kirstin, Cestari, Robertson à l’international, et des photographes par « région » comme régulièrement Damien Poullenot pour l’Europe) qui produisent du contenu pour les sites web ASP. Ce contenu est mis à disposition des médias comme Surf Session. Les médias peuvent gratuitement utiliser des photos en basse-def, et marquées d’un – énorme – logo ASP. Moyennant un forfait annuel, ces mêmes médias ont accès aux fichiers haute def, non marquées, et de quelques photos supplémentaires.

Une poignée de photographes suivent le Tour pour le compte de titres de presse ou sites web, ou en freelance. Dans ce cas, ils proposent leur contenu à plusieurs magazines ou sites web autour de la planète. C’est le cas de Peter « Joli » Wilson qui collabore depuis de longues années avec Surf Session.

Sur la plupart des épreuves World Tour, la marque organisatrice possède aussi sa propre équipe de photographes, qui produisent du contenu pour le site web de l’event et les médias. Ces photos sont souvent exempts de logo…

L’un des objectifs de ZoSea depuis son association avec l’ASP fin 2012 est de posséder les droits d’image sur chaque compétition.

Romain Ferrand



18 commentaires

  • Fabrice
    4 mars 2014 15h05

    Je trouve cela honteux, tout cela pour faire des économies sur le rachat des droits qui est la base de rémunération de tous photographes, et dire que dans les autres sports c’est monnaies courantes c’est faut. Peut on vivre en travaillant gratuitement?

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  • Greg
    1 mars 2014 17h55

    Le problème est que l’ ASP a été très intelligent de laisser aux surfeurs la possibilité de prendre la GoPro pour les différents heat ce qui permet aux spectateurs d’ être plus dans l’ action.
    La machine ASP est en route pour faire du surf une grosse machine à fric et ce à n’ importe quel prix.
    Courage aux photographes et surtout continuez à nous offrir ces belles photos qui nous font réver.

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  • mouchel
    28 février 2014 23h17

    A vous magazines de surf de refuser de poster des images des compétitions ASP mais uniquement les résultats, juste retour des chose car sans nous photographes vous n’êtes rien.

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  • Christophe
    28 février 2014 14h41

    De telle pratique sont inadmissibles, aucun photographe ne doit céder tous ses droits à ce genre d’organisation, être photographe est un métier, avec des investissement en matériel, en temps ect à terme c’est la mort de ce métier, a qui profiteras ce système?!! certainement pas aux 1 ou 2 photographes qui travaillerons pour cette (nouvelle) ASP , il seront payé une misère voir pas du tout apparemment, pour des photos qui vont être diffusées dans le monde entier et même peut être utilisé par certaines(grandes) marques.
    Allons Messieurs les photographes c’est pas pour voir ça que vous avez choisi ce métier, faut pas ce laisser faire!!!!

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  • Julien
    28 février 2014 12h53

    ok les photographes se mobilisent… et vous surf session vous attendez quoi ? quelle est votre position?
    les photographes sont au cœur de ce sport et à la base des mags… SOLIDARITÉ ou pas ?

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  • Thierry Sourbier
    28 février 2014 12h26

    Les précédents sont à chercher dans le monde du spectacle où il est commun pour les photographes d’avoir des droits très restreints… (2 chansons, contrôle des images à la sortie, etc… ). En France, il y a sinon le « droit d’arène » qui fait qu’un organisateur sportif a des droits sur les images produites lors de son évènement et peu en interdire l’utilisation commerciale. Dès lors qu’une franchise privée opère un sport ce genre de stratégie est tentant à mettre en place, même si c’est à mon avis relativement court-termiste…

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  • kiwadusurfschool
    28 février 2014 11h55

    C’est purement scandaleux cette affaire !!!

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  • Poseidon33
    28 février 2014 9h16

    Et bien la bonne réponse serait que les photographes pros de ces compétitions ne fassent aucune photo des surfeurs mais des paysages… et ensuite fassent un article dans la presse sur cette compétition en affichant une ou deux photos des vagues sans surfeurs avec un gros titre expliquant ce qui se passe : On demande aux professionnels de travailler pour rien, gratis !

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  • NP Saridaki
    28 février 2014 5h33

    En droit français, « l’ auteur » est la personne physique qui crée l’œuvre (Photographe, réalisateur, écrivain, chorégraphe, architecte…). Il est titulaire des droits d’auteur dès la création de l’oeuvre indépendemment de son statut ou des circonstances dans lesquels il réalise l’œuvre. Est considéré comme auteur la personne sous le nom de qui l’œuvre a été diffusée la première fois. Heureusement que Sylvain Cazenave et les autres professionnels de sa trempe, qui nous font rêver, et font rêver l’ASP, depuis des décennies ne pensent pas de cette manière. En voulant faire des économies sur l’Image et ses créateurs, qui l’ont en partie fondée, d’égale manière que les vagues et les surfeurs, le « nouvel » ASP se tire une belle dans le pied. Ils feraient mieux de créer des maillots et des combinaisons obligatoires avec leur sigle pour tous les surfeurs. Une idée à la hauteur de leur vue.

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  • NP Saridaki
    28 février 2014 5h15

    Pathétique ! Cela n’existe nulle-part sinon chez des voyous, et heureusement. Un photographe reste propriétaire de ses images. En droit français, « l’ auteur » est la personne physique qui crée l’œuvre (Photographe, réalisateur, écrivain, chorégraphe, architecte…). Il est titulaire des droits d’auteur dès la création de l’oeuvre indépendemment de son statut ou des circonstances dans lesquels il réalise l’œuvre. Est considéré comme auteur la personne sous le nom de qui l’œuvre a été diffusée la première fois. L’étape de l’ASP reste de l’ASP, la plage et l’océan restent à tous, au promeneur comme au photographe, au surfeur et au spectateur. Merci à Sylvain Cazenave et aux autres créateurs de sa trampe qui nous ont fait rêver depuis des décennies, en bon professionnels. Il est d’ailleurs important de rappeler au « Nouvel » ASP que ces mêmes photographes lui ont permis de créer son image, de choisir de meilleures vagues à photographier, et de devenir donc ce qu’elle est. Excellente journée à tous.

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  • serge
    28 février 2014 4h27

    avec le drone tes trankil!

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  • Chris
    27 février 2014 20h48

    Business, business,…
    D’après eux, les photographes travaillent ainsi dans toutes les autres disciplines. Comment font-ils alors pour gagner leur vie s’ils travaillent gratos sur chaque compèt?? La photographie sportive serait-elle un hobby??
    Le véritable problème est que trop d’accrédités se trouvent devant le podium. Vu de la foule, les photographes se marchent dessus et ont du mal à prendre un cliché correct. Dans cette mêlée de photographes se trouvent des enfants, des ados ou des adultes qui s’acharnent à prendre des images avec leur téléphone portable.
    Restreindre l’accès à certaines zones: ok pour permettre aux « grands et talentueux photographes » de faire leur boulot dans de bonnes conditions.
    Leur imposer le bénévolat: hors de question !
    On attendait les images ASP avec impatience tant elles étaient belles.
    Tout ce qu’ils vont récolter en imposant leurs conditions ce sont des photos médiocres pour pas un rond. Mais la médiocrité semble être la norme dans de plus en plus de secteurs…

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  • guy
    27 février 2014 18h54

    tu n’as pas beaucoup de vision pour penser ça.
    evidement qu’ils ne seront pas pénaliser vu que certains « pseudos » photographes « semi pros » sans talent accepterons de travailler pour que dalle .
    encore un moyen de tirer les prix vers le bas…

    ainsi disparaitrons les grands et talentueux photographes….
    mais si je ne m’abuse, cette pratique est déjà bien utilisé dans la presse spécialisée… et notamment en france

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  • Laurent
    27 février 2014 18h20

    Pas de compètes pardon.

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  • Laurent
    27 février 2014 18h19

    La propriété intellectuelle est en France une exception qui rend le l’auteur de n’importe quel type de création, propriétaire à vie et 70 ans après sa mort ( pour ses descendants) de ses créations…
    Il faut se battre pour garder ces droits là.
    L’ASP UTILISE LE POTENTIEL DE VAGUES DES PAYS DU MONDE ENTIER
    Sans  » ce monde entier » pas de compère…ILS DOIVENT DONC SE PLIER AUX LOIS EN VIGUEURS….bande de Biiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiip

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  • Mayol
    27 février 2014 17h54

    Il faudrait carrément boycotter tout ça!

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  • Mayol
    27 février 2014 17h53

    Scandaleux!

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  • pierre
    27 février 2014 17h33

    J’espere que les photographes ne vont pas se laisser faire et qu’ils vont trouver une parade…
    Ou alors ne plus rien publier concernant l’ASP…
    Ca les pénaliserai bien de ne pas avoir de retomber..

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