Kirstin Scholtz, photographe ASP

INTERVIEW + PORTFOLIO de celle qui dirige le service photo de l'ASP World Tour : son parcours, son matériel, ses meilleurs souvenirs...

02/10/2012 par Romain Ferrand

Vous ne la verrez jamais devant un objectif, mais ne n’est pourtant pas faute de passer sa vie à proximité d’un appareil photo. Ses photos alimentent régulièrement les news compétitions des sites (dont le nôtre) et des mags. Kirstin Scholtz, photographe sur le World Tour, dirige le service photo digital de l’ASP, et parcourt donc le monde toute l’année aux côtés des surfeurs de l’élite. On est allés à la rencontre de cette sud-africaine passionnée de surf sur le Tour :

Salut Kirstin, peux-tu tout d’abord te présenter ?

Je m’appelle Kirstin Scholtz, je suis une photographe de l’ASP, et je dirige le service digital de banque d’image pour l’ASP.

Comment en es-tu arrivée là, étais-tu d’abord surfeuse ou photographe ?

J’ai toujours surfé. Ayant grandi en Afrique du sud, je surfais tout le temps, et à côté de ça je voulais être journaliste. J’ai donc commencé par étudier le journalisme à l’Université en Afrique du Sud. Pendant ces études, on nous proposait de choisir entre diverses branches comme radio, TV ou photographie. Tout de suite, mon attention a été attirée par la photo, parce que je pensais qu’elle avait plus d’impact que les mots. C’est donc à ce moment là que je me suis spécialisée. J’ai eu mon diplôme, et j’ai ensuite en quelque sorte combiné mes deux amours :  la photo et le surf.

Quel a été ton premier contact avec l’ASP ?

Je faisais un surf trip sur la côte sud africaine après avoir eu mon diplôme, lorsque j’ai reçu un appel d’un type que j’aidais de temps en temps pour ces travaux médias dans la petite ville où je travaillais. Il m’a demandé si je voulais venir donner un coup de main au media center du Billabong Pro J-Bay. J’ai accepté, et j’ai tout de suite interrompu mon surf trip pour me rendre sur la compétition. C’est là que j’ai rencontré Pierre Tostee. Il était à ce moment là le premier photographe digitale de surf au monde, j’étais donc très impressionnée, c’était un peu mon héro ! J’arrivais à peine à lui parler (rires). Lorsqu’on est entrés en contact il cherchait une personne pour travailler avec lui. C’est donc comme ça que j’ai commencé à travailler pour l’ASP. J’ai d’abord travaillé pour lui, puis j’ai fait mon chemin.

Ce qui s’est passé, c’est que Pierre Tostee m’a emmenée dans la team qui partait à Hawaii. Là, j’ai appris toutes les ficelles du métier au sein de l’ASP, puis j’ai commencé à travailler sur les épreuves de J-Bay, d’Hawaii et sur le tour féminin tous les ans pendant près de quatre ans. Ensuite, lorsque Pierre s’est retiré en 2008, j’ai en quelque sorte pris sa place, mais en travaillant toujours de façon indépendante pour l’ASP. Ca a duré deux ans, pendant lesquels je manageais l’équipe photo. En 2010, l’ASP m’a finalement embauchée à temps plein. Cela fait donc maintenant huit ans que je suis sur le Tour masculin, dont quatre ans à temps plein.

Quelle est l’ambiance sur le Tour avec les gars ?

C’est vraiment génial. Les surfeurs sont incroyables, le niveau est exceptionnel, c’est très excitant. En tant que femme forcément c’est un peu différent que d’être sur le Tour féminin, mais ça se passe très bien, les gars sont très sympas et accueillants. Nous faisons tous la même chose et nous avons la même passion, donc ça ne change pas grand chose finalement d’être une femme sur le Tour masculin.

Ta destination favorite sur le Tour ?

Je pense que c’est Tahiti, parce que les conditions y sont souvent incroyables. Nous y avons vu les plus gros swells jamais surfés en compétition, et la simple expérience que représente le fait d’être là-bas est fantastique. Les familles que nous rencontrons, la nourriture, tout est particulier là-bas. C’est un endroit magnifique. Lorsque tu es assis dans le bateau et que tu vois ces gigantesques montagnes vertes en arrière plan, et cette vague qui est sans comparaison dans le monde entier, c’est vraiment quelque chose de spécial.

En travaillant à temps plein pour l’ASP et en te focalisant sur l’action, ne crains-tu pas de perdre un certain aspect important de ton univers photographique ?

Oui, dans un sens c’est quelque chose que j’ai pu un peu ressentir. Mais quand j’ai du temps libre, au début de l’année par exemple, j’essaye de me focaliser sur autre chose, sur les portraits par exemple. Le problème, c’est que tu shootes tellement de surf, et ça te prend tellement tout ton temps, que quand tu as un break, tu as juste envie de souffler un peu. Malgré tout j’essaye vraiment pendant mes moments libres de shooter autre chose.

Tu as apparemment toujours ta caméra avec toi, quel matériel utilises-tu ?

Là j’ai avec moi un petit Canon S 95 juste pour trimbaler partout où je vais. C’est probablement celui que j’utilise le plus. Par contre, lorsque je shootais aux alentours de NYC par exemple, où lorsque je shoote pour le Tour en général, voilà le matériel que j’utilise : Canon 1D Mark 1V, Canon 40D, Canon 500 F4, Canon 70 – 200 F2.8 IS, Canon 24- 70 F2.8, Canon Fisheye, Canon 85 F1.8, Canon 50 F 1. 2, SPL Waterhousing. Mais je ne peux pas tout balader systématiquement partout. Du coup dans ces cas là j’ai le S 95.

Est-ce qu’il y a une vraie compétition entre les photographes ASP, mais aussi entre tous les photographes sur la plage lors d’une compète ?

Il y a une sorte de compétition mais ce n’est pas dans le mauvais sens du terme, au contraire. Nous comparons tous notre travail lors des événements, mais c’est positif. Nous sommes plus ou moins tous amis et apprécions quand les collègues font des shots incroyables. Au final, nous travaillons pour la plupart pour des structures différentes, il n’y a donc pas vraiment de compétition. Ce n’est plus comme avant, quand tout le monde était en free-lance et bataillait pour avoir une photo dans un mag.

Quel est ton souvenir le plus incroyable sur le Tour ?

C’est ce jour incroyable à Tahiti en 2011 (le Code Red ndlr). Lors de cette journée énorme, je n’arrivais pas à me trouver un bateau. C’était vraiment chacun pour soi, tout le monde devait se débrouiller par ses propres moyens, parce que Billabong n’était pas autorisé à envoyer le moindre bateau au line up. Ca m’a pris la moitié de la matinée pour essayer de trouver un moyen d’aller là-bas. A un moment je n’en pouvais plus, je me suis assise avec une véritable envie de pleurer. C’était le meilleur jour et j’étais coincée sur la rive.

C’est alors que j’ai vu un type de chez Monster, que j’ai littéralement supplié. « S’il te plait, s’il te plait, emmène moi là-bas ». Il a accepté, mais nous devions attendre encore une heure et demi. Je suis donc restée là, à apercevoir au loin ces vagues parfaites déferler. Lorsque je suis arrivée au line-up, j’ai aperçu Joli (Peter ‘Joli’ Wilson, ndlr) et d’autres gars qui shootaient sur un bateau. Je leur ai demandé si je pouvais venir sur le bateau avec eux. Il m’ont répondu : « Heu non c’est le bateau de Mick, tu dois lui demander d’abord. » Du coup je l’ai cherché partout sans parvenir à le trouver. C’était vraiment la compétition pour le coup ce jour là. On ne voulait pas tous être sur le même bateau. J’en ai donc trouvé un autre, où cette fois-ci ils m’ont laissée monter.

C’était le bateau le plus dingue du line-up. Le pilote, que tout le monde connait, est le plus fou de tous : il reste systématiquement au plus profond du chenal, là ou tu penses que tu ne vas jamais passer. On voyait tous les bateaux passer au dessus de la vague et nous étions toujours loin derrière. Je crois que ça a été la plus grande peur que je n’ai jamais eu, je tremblais tout en essayant de prendre des photos.

A un moment, le pilote a décidé d’aller nager, après avoir un peu avancé le bateau. C’est là qu’un set gigantesque est arrivé. Juste au moment où nous n’avions plus de pilote ! Je me suis dit : « Oh mon dieu, nous allons tous crever ! » Je ne sais pas comment il s’est débrouillé, mais il est arrivé au bateau à temps. Cette expérience a été la plus incroyable que j’ai pu vivre sur le Tour. Bruce (Irons) et tous les gars ont pris des vagues exceptionnelles. C’était tout simplement fou.

Quel est la prochaine étape pour toi dans la photo ?

Je veux vraiment me perfectionner dans la photo en aqua, je commence à m’y mettre. Je ne shoote pas les mens évents, mais pour les filles je suis déjà allée shooter dans l’eau. Je suis en train d’apprendre et c’est vraiment la prochaine étape vers laquelle je veux me diriger. Peut-être pas dans de très grosses vagues, certes, mais les photographes aquatiques du Tour sont une telle source d’inspiration pour moi, que c’est là-dessus que je veux vraiment travailler dans l’immédiat. Je pense aussi que la publication digitale se tourne énormément vers la vidéo. C’est une étape vers laquelle je me tourne aussi. En tant que photographe, je m’intéresse à tout ce qui concerne le monde digital, parce que les technologies évoluent sans cesse et s’améliorent de plus en plus.

Est-ce que tu pourrais être attirée en photo par autre chose que l’océan et le monde qui l’entoure dans les années à venir ?

Oui, c’est sûr. En tant que journaliste de formation et venant d’Afrique du Sud, j’ai été inspirée par des photographes incroyables qui ont shooté les diverses luttes et guerres de ce pays. J’ai toujours pensé qu’outre ce rêve qu’est le World Tour, au-delà des victoires de chacun, des prizes monney et de cette vie géniale faite de voyages autour du monde, il y avait pas mal de souffrances qui avaient plus d’impact, et vers lesquelles je pourrais me tourner plus tard, en tant que photographe de news ou autre. Ce pourrait être ce que je pourrais faire dans le futur.

PROPOS RECUEILLIS PAR OLIVIER HAMELIN

Retrouvez le travail de Kirstin sur son site web : www.kirstinscholtz.com

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