Michel Bourez, le nouvel ambassadeur tricolore

Entretien avec le surfeur tahitien actuellement 13ème du World Tour, à quelques semaines de l'épreuve de Teahupoo...

02/08/2010 par Romain Ferrand

Michel Bourez est l’un des deux seuls représentants français sur le World Tour cette année. Mais son coeur bat avant tout pour Tahiti. Surfeur solide et ultra puissant, il demeure l’un des maîtres incontestés de Teahupoo. Une confiance et une technique dans le gros surf qui lui a permis de signer quelques belles performances, comme cette victoire à Haleiwa (Hawaii) en 2008 devant l’élite mondiale et ses cousins polynésiens.

Pour sa seconde année sur le World Tour, Michel pointe à la 13ème place au classement général et demeure l’un des surfeurs les plus dangereux du circuit. Sa 5ème place au Brésil en mai en est la preuve.

Bien dans sa tête et dans son corps, il a le talent pour aller encore plus loin. Plus important encore : il n’a peur de rien et surfe sans complexes, surtout quand les conditions sont là.

Surf Session l’a rencontré il y a quelques jours à l’occasion d’un bref passage en France pour prendre la température trois semaines avant l’épreuve de Teahupoo.

Magnéto :

Surfsession.com :Comment se passe le Tour cette année ?

Michel Bourez : Plutôt bien pour le moment. Je connais mieux le CT maintenant. Au niveau des planches par exemple, je sais désormais lesquelles prendre selon les destinations et les conditions…

Et l’ambiance sur le Tour ?

Elle est plus posée sur le World Tour que sur le circuit WQS. C’est toujours la guerre, mais les surfeurs sont plus calmes, plus réfléchis. Tu sais que tu n’es pas là pour rigoler : quand tu perds dans un CT c’est très important, parce que tu as moins d’événements que sur le QS pour te rattraper…

Il y avait des vagues que tu n’avais jamais surfées avant d’arriver sur le Tour ?

Oui il y en avait plusieurs : J-Bay, le Brésil, le Portugal et Trestles.

La prochaine étape du World Tour se déroule à Tahiti. C’est chez toi et Teahupoo est une vague que tu connais par coeur. C’est une destination que tu attends particulièrement ?

Oui, parce que ça a toujours été un rêve de participer à cette compère depuis que je surfe. J’ai fait les trials quand j’étais jeune, mais je n’ai jamais gagné. Les conditions n’étaient pas terribles l’an dernier, mais j’espère réussir cette année…

Tahiti est ton épreuve favorite sur le tour ?

Oui carrément. C’est à la maison, la famille, ma copine, mes amis sont là. Je suis à l’aise sur le spot, c’est un bonus pour moi…

Qu’est ce que le fait d’avoir grandi à Tahiti t’a apporté niveau surf ?

Grandir à Tahiti te donne de la confiance pour surfer sur le récif et dans les grosses vagues. Le fait de surfer dans l’eau chaude toute l’année est aussi un plus. On trouve tous types de vagues : droites ou gauches, petites ou grosses, beach breaks… On peut tout surfer et on a de la chance à ce niveau-là… Mais il y a aussi des cotés négatifs, comme le manque de moyens, de sponsors, le fait de devoir voyager par ses propres moyens…

Comment se passe tes relations avec Jeremy Flores sur le Tour ? Vous traînez ensemble ou c’est plus chacun dans son coin ?

Chacun de nous deux a son crew, j’ai mes amis, lui a les siens, mais on s’entend super bien. De mon côté je suis souvent avec le coach de Red Bull Andy King, ma copine, et des Australiens comme Jay Thompson…

Quel est ton avis sur le « cut » qui va réduire le World Tour à 32 riders après l’épreuve de Teahupoo ?

C’est génial pour ceux qui restent, mais pas pour les autres… (rires). Plus sérieusement je pense c’est une bonne idée. Ca sera plus intense, avec plus de challenge et un niveau encore plus élevé…

Tu penses comme Kelly qu’il y a trop de monde sur le Tour ?

Pas forcément. Il y a eu de gros changement cette année, les derniers arrivés vont sortir avec le cut, les critères de jugement ont changé, et les jeunes qui rentrent dans ces critères vont marquer des points et resteront sur le Tour.

Certains sont contre le « cut » au sein des surfeurs du WT ?

L’essentiel n’est pas d’être pour ou contre, c’est de s’habituer aux règles. Si tu sens que tu ne vas pas te qualifier il faudra aller chercher des points sur des étapes du WQS.

A ce propos, 33 riders du WT qui participent à l’U.S Open Of Surfing d’Huntington Beach (WQS 6* Prime), ce n’est-ce pas une forme de monopole ?

Disons que si tu rentres dans le WT tu finiras par les affronter, alors autant s’y habituer dans le WQS !

Est-ce que tu ressens encore de la pression à l’eau devant le public, les internautes du webcast, les autres compétiteurs… ?

Niveau pression ça va, parce que je sais ce que j’ai a faire et je ne me préoccupe pas trop du reste. Tu sais que tu peux battre le mec en face de toi si tu es en forme. C’est un plus pour moi de ne pas stresser…

Tu as un physique plutôt costaud. Qu’est-ce que ça t’apporte ?

Dès que les vagues poussent un peu, c’est plus facile. Mais ça devient un handicap quand c’est plus petit… Il faut plus travailler sur le shape, le concave et l’épaisseur. C’est ce qui fait la différence…

Quelles sont tes faiblesses ?

Je crois que ma plus grosse faiblesse est que je stresse, je panique et je pète un câble facilement quand je suis en série et qu’il n’y a pas beaucoup de fréquence ! Après j’ai des lacunes c’est sûr, je dois plus travailler sur les enchaînements entre les grosses manoeuvres et les airs en fin de vague. C’est ce qui paie maintenant.

Ton hygiène de vie : saine ou rock’n roll ?

J’essaie de bien manger mais ce n’est pas facile, quand tu es dans les aéroports, en déplacement… Question entraînement, je me focalise plus sur la compète cette année.

Quand il n’y a pas de vagues chez toi pendant une semaine par exemple, est ce que tu t’entretiens en faisant des footing ou du renforcement musculaire ?

Ben… ça n’arrive pas vraiment en fait, on a toujours des vagues quelque part ! (rires) Puis je suis moins à Tahiti, donc quand j’y reviens, je suis content de surfer peu importe les conditions ! L’entraînement ça se passe avant tout dans l’eau.

Comment gérer au quotidien la compétition de haut niveau et une vie affective ?

C’est vrai que c’est assez compliqué ! Quand je suis en compète je ne pense pas au reste. Ma copine sait que certains moments sont importants et nécessitent que je sois concentré. Mais quand j’ai du temps libre je le passe avec elle. C’est comme ça que je vois les choses. Elle est aussi consciente des enjeux que ça représente. Et quand elle a le temps elle me suit sur les compètes…

Tu as récemment organisé une compétition à Tahiti (le Rauritare Surf Open) mêlant surfeurs pros et locaux. Quel était l’objectif de cette compétition ?

Je voulais avant tout mettre en avant des jeunes de Tahiti et qu’ils voient les « étrangers ». Le team Nike 6.0 avait fait le déplacement : Charly Martin, Naum Ildefonse, mais aussi Hugo savalli, Tim Boal… La compétition a fait monté le niveau et montré comment on surfe à l’étranger. Tout le monde se confrontait et jouait le jeu. L’ambiance était cool, on jouait au beach soccer, on faisait un peu de tout… C’est aussi l’occasion de partager la culture tahitienne, le tatouage aussi…

Parle-nous un peu de la relève tahitienne ? Ton frère commence déjà à faire parler de lui…

oui, il va avoir 17 ans en août et il m’impressionne déjà beaucoup. Il charge, il est à fond, il a moins peur… si il a le temps cette année il fera les trials du Billabong Pro Teahupoo. Je pense qu’il a un avenir dans le surf. Mais il y a beaucoup d’autres jeunes comme Ariihoe Tefafana ou Mihimana Braye. Il faut juste des sponsors. Heureusement que certains parents sont derrière pour permettre aux enfants de venir en France…

Tous les Hawaiiens sont présentés comme tel plutôt qu’Américains. Toi, tu te considères Tahitien ou Français ?

Je suis Tahitien avant tout. Je me sens tahitien, même si je parle français. Ce n’est pas comme ici (en France, ndlr), nous avons une culture et notre manière de penser propres, et c’était déjà le cas avant même que Tahiti devienne Français. Dans ma tête je suis Tahitien avant d’être Français. Mais ça ne me dérange pas non plus qu’on me présente comme un Français…

Qu’est-ce que tu penses de l’évolution de l’industrie du surf ? C’est un risque ou une opportunité ?

Si il y a de l’argent c’est bien, mais il faut des surfeurs pour la gestion de cette manne financière, pour garder l’esprit du surf et ne pas faire n’importe quoi. Un surfeur pro ride pour gagner sa vie mais il doit garder à l’esprit que le surf c’est aussi la symbiose avec l’Océan, une passion, un sport et il faut y prendre du plaisir.

Tu es sponsorisé par deux énormes marques (Nike 6.0 et Red Bull) présentes dans le surf depuis peu. Qu’apportent-elles selon toi ?

Il y a une énorme écoute de ces marques vis à vis des riders. Ils ont une réelle ambition de faire progresser les athlètes, Red Bull m’a envoyé au Diagnostic Training Center en Autriche pour faire des tests physiques. Les athlètes ont une véritable fonction de conseil, et ça donne l’envie de faire progresser les choses. Ce n’est pas que de l’argent, c’est aussi de l’encadrement et c’est ce que je veux partager avec les jeunes. Aux USA les riders n’hésitent pas à dire ce qu’ils pensent et ils sont écoutés !

Ton objectif au classement cette saison ?

Rentrer dans le top 10 serait un rêve. Je fais les choses petit à petit. Je ne songe pas au titre mondial, j’avance étape par étape et je repousse l’engagement un peu plus loin à chaque objectif accompli. Ce fonctionnement me permet de ne jamais être déçu.

Propos recueillis par Romain Ferrand & Charles Audier.


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1 commentaire

  • Ju'
    4 août 2010 16h04

    Ce mec est tout simplement hallucinant !
    un style de surf qui devrait vite l’amener vers le haut du classement, un moyen de motiver Flores à sortir son meilleur niveau pour rivaliser avec le tahitien !
    A ce sujet, le point de vue sur les tahitiens et leur relation avec la France est pas mal du tout même si un peu imprévisible !

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