Face au projet de Surf Park à Saint-Jean-de-Luz, l’opposition s’organise

Les opposants se sont réunis hier soir à Guéthary pour expliquer leur démarche.

29/09/2020 par Marc-Antoine Guet

C’est un sujet qui commence à prendre de l’ampleur. Il y a quelques temps déjà, nous apprenions le projet du Surf Park de Saint-Jean-de-Luz, qui consiste en la création d’une vague artificielle portée par le groupe Boardriders. Ce Surf Park prévoit de s’installer sur les hauteurs de Jalday, à 1.5km de l’océan et des spots de surf.
Depuis que le projet a été révélé au grand public via un collectif citoyen de Saint-Jean-de-Luz, les médias se sont emparés du sujet (Médiapart notamment) et la fronde autour de ce projet de piscine à vagues s’organise.
La pétition qui circule sur change.org a déjà réuni plus de 46 000 signatures. 
Hier soir, le collectif Rame pour ta planète, en collaboration avec Surfrider, a organisé une réunion publique (masquée) ouverte à tous du côté de Guéthary, afin d’expliquer son positionnement et de clarifier les points sur lesquels ils ne sont pas d’accord. Réunion lors de laquelle Gibus de Soultrait, François Verdet (du collectif Rame pour ta planète) et Léa Brassy (surfeuse ambassadrice du team Patagonia) notamment ont pris la parole devant une salle bien garnie.
Nous y étions et voilà ce qu’il s’est dit.

… sur l’artificialisation des sols
« En 2015, selon le compte rendu des assises régionales de la biodiversité en Nouvelle Aquitaine, on apprend que sur notre territoire, 9,5 % des terres sont déjà artificialisées et 61% des sols artificialisés sont imperméabilisés (habitations, commerces, routes…). Bétonner un espace naturel nuit à la biodiversité, empêche l’infiltration de l’eau dans le sol pour reconstituer la nappe phréatique et accentue les risques d’inondation. Une fois que ça s’est posé, on peut passer à la suite. 

Ce projet de Surf Park prévoit un nouvel aménagement de 7 ha, qui prévoit d’artificialiser des « terres agricoles et des espaces naturels (prairies et forêts) pour installer un bassin de forme triangulaire de 155m de côté avec un espace de circulation des piétons et de loisirs en bordure de piscine, ainsi que 1 500 m2 de commerces et de bureaux ». Ce qu’on peut lire dans le document d’orientation d’aménagement et de programmation en vue de la modification du PLU (Plan Local d’Urbanisme) de la ville de Saint-Jean-de-Luz (à partir de la page 50). 

« Détruire des prairies agricoles et une forêt pour construire une piscine géante et des infrastructures en béton c’est augmenter encore la pression humaine sur un environnement déjà mis à mal et très sollicité ». 

Du côté des partisans au projet, l’originalité de ce dernier serait de « s’adresser à la fois à une clientèle touristique et de loisirs et à des entreprises en créant un centre de référence mondial pour la conception de nouveaux produits et services de la Filière Océan, Glisse et Sports aquatiques ».

Or d’après les opposants réunis hier soir, « ce type de centres dédiés à la recherche et à l’innovation dans les filières glisse et océan existent déjà sur la côte basque : du côté d’Anglet avec Olatu Leku, d’Hendaye avec l’Ocean Living Lab et… de St-Jean-de-Luz avec Créaluz ! »


… sur la consommation d’eau 

« Selon l’étude environnementale déposée par la société Wavelandes Atlantique pour le projet de Castets, équivalent en terme de taille du bassin (155 m) et de technologie utilisée (Wavegarden, modèle The Cove®), le volume d’eau du bassin exclusif à la pratique du surf est de 25 000 m3 d’eau (l’équivalent de 10 piscines olympiques de 50m de long) auquel il faudrait ajouter un lagon attenant de faible profondeur de 12 000 m3.

Ce volume total de 37 000 m3 serait vidangé annuellement. Il faudrait ajouter à cela un renouvellement journalier complémentaire pour compenser l’évaporation. Soit 120 m3 /jour à 1350 m3 /jour en fonction de l’ensoleillement. Ce qui représente une consommation annuelle estimée de 81 000 m3 d’eau (81 millions de litres !) selon l’hypothèse basse d’évaporation, soit la consommation annuelle de 540 familles (2 adultes et 2 enfants) ».


… sur la consultation de la population 
« Une partie des terrains appartient à la Ville de Saint-Jean-de-Luz, qui va devoir les vendre aux porteurs du projet pour construire un parc d’attraction qui va impacter la vie des riverains de SaintJean et de Guéthary pour les générations présentes et futures. Un tel choix d’aménagement du territoire ne peut se faire sans un vrai débat démocratique ouvert à toutes et tous. Or à ce jour, la population n’a fait l’objet d’aucune consultation ni même réunion d’information ». 




… sur le problème des emplois
« Comme le rappelle Katheline Schubert, économiste de l’environnement à l’université Panthéon-Sorbonne, « l’excuse du maintien des industries polluantes a toujours été l’emploi. Il est temps de s’organiser pour orienter les secteurs économiques vers la transition. » 

Concernant le projet de Surf Park dont l’activité est intimement liée au pic de fréquentation touristique estival, on peut raisonnablement penser que les emplois créés seront majoritairement saisonniers ». 


… sur le problème de l’épuration
« Pour son entretien, la piscine à vagues doit être vidangée une fois par an. C’est donc un volume total de 37 000 m3 d’eau qui va rejoindre le réseau communal et être dirigé vers le centre d’épuration Archilua. Or depuis 2012, « le système d’assainissement de Saint-Jean-de-Luz est déclaré non conforme vis-à-vis de la directive Eaux Résiduaires Urbaines en raison des déversements importants constatés, principalement au niveau du poste de refoulement Flots Bleus comme précisé ici page 13″. 

… sur le financement public 
« En juillet 2020, la Région Nouvelle Aquitaine a décidé de n’apporter son soutien financier à aucun projet de vague artificielle pour respecter la feuille de route sur la transition environnementale et climatique nationale et être en accord avec Néo Terra, la feuille de route régionale dédiée à la transition énergétique et écologique adoptée le 9 juillet 2019″.
… sur la saturation des spots de surf
« Jean-François Irigoyen, le maire de Saint-Jean-de-Luz affirme qu’une « piscine à vague peut aussi permettre de canaliser une partie du flux des surfeurs et surfeuses et participer à la désaturation de nos spots de surf ».
Malheureusement les modèles mathématiques lui donnent tort.  On croit toujours que créer de nouvelles routes ou élargir des voies existantes va limiter les embouteillages. Le mathématicien allemand Dietrich Braess a montré que c’est le contraire qui se produit : en augmentant l’offre on produit un « effet aspirateur » qui attire plus de véhicules et conduit généralement à plus d’embouteillages. C’est le fameux paradoxe de Braess.« 



… sur la spéculation foncière
« Bétonner des terres agricoles accentue la spéculation foncière déjà énorme sur l’ensemble de la côte basque en contradiction totale avec la charte Neo Terra, votée par les élus de Nouvelle-Aquitaine à l’été 2019, qui « encourage les territoires à la sobriété et à la résilience dans l’élaboration et la révision de leurs documents de planification et d’urbanisme » pour préserver « les terres agricoles, forestières et naturelles pour la biodiversité et la séquestration de carbone ».

« La zone d’activité de  Jalday  s’étend déjà sur plusieurs dizaines d’hectares mais certains espaces ne sont pas maximisés ni pleinement valorisés. Un potentiel de développement existe encore. » selon Herri Berri, le groupe d’élus d’opposition à Saint-Jean-de-Luz.

« Il est possible en mutualisant les parkings (création de parkings silos…) et en repensant les bassins de rétention (bassin enterré, chaussée réservoir…) de libérer plusieurs hectares. Ces hectares libres pourraient alors accueillir de nouvelles entreprises afin de maintenir et développer l’activité économique et l’emploi dans cette zone déjà urbanisée et équipée en réseaux. Cette solution innovante se ferait sans aucun étalement urbain ni bétonisation des terres naturelles et agricoles. »              
La soirée s’est terminée aux alentours de 22h30 avec la promesse de ne pas en rester là.
Affaire à suivre. 

                   


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10 commentaires

  • georjitos
    14 novembre 2020 9h52

    Quelle horreur ce projet. Je ne surfe pas dans votre région mais je soutiens à 100% ceux qui luttent contre ce surf park qui est aux antipodes des valeurs du surf. Bon courage.

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  • Toto4567
    1 octobre 2020 14h50

    Gamins il n y avait pas de skate park sur la côte ben du coup on ne faisait pas trop de skate
    Maintenant il y en a partout en béton
    Ca pose un problème ?

    On aura nos surf park dans 20 ans quand les aigris du moment seront passés à autre chose

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  • Toto4567
    1 octobre 2020 14h47

    L eau s evapore et revient sous forme se pluie par contre les emplois non
    Équivalent de la consommation de 500 habitants = pas grand-chose et ils ont du charger la simulation

    Pour ceux qui ont les moyens un petit bullet d avion et direction la patagonie pour profiter de spot sans foule
    Ils ont oublié dans la présentation de compter les billets d avions dans le bilan carbone

    Une grosse piscine sur la côte Basque faut arrêter de tout vouloir bloquer .. 7 hectare c est rien du tout

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  • Toto4567
    1 octobre 2020 14h41
  • Siz
    1 octobre 2020 13h52

    Si le principe de piscine à vagues et son côté énergivore sont évidemment contestables, perso c’est le choix de sa localisation (= sur un espace naturel préservé dont un bois) qui me dérange le plus. Il y a dans la région des endroits qui seraient plus adaptés. Comme des friches industrielles où le mal a déjà été fait en matière environnementale. Je pense par exemple à toute la zone de Boucau Tarnos en face de Bayonne, zone un peu sinistrée avec des hectares de terrains en friche qui pourraient accueillir un tel complexe.
    Ne nous voilons pas la face : Vu la tendance actuelle, il va continuer à y avoir des projets d’envergure dans le coin, comme des centres commerciaux, des centres logistiques, des immeubles etc.. On ne pourra hélas sans doute pas empêcher tous ces projets de voir le jour. Mais on peut peut-être essayer de limiter la casse d’un point de vue environnemental.

    Bonne chance à Rame Pour Ta Planète et aux autres associations (comme ça a été dit lundi soir à la réunion, il ne faut pas limiter la mobilisation à la communauté de surfeurs, il y a des centaines de riverains et locaux non-surfeurs à impliquer) qui luttent contre ce projet.

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  • Tomtom2
    30 septembre 2020 21h36

    C’est vrai yuyu. Je suis content de vous faire rire. Ce projet n’empêchera pas les surfers locaux de prendre l’avion. Ce qui les en empêcherait bien mieux, c’est une vraie taxe carbone sur les billets d’avion. Je ne vois pas grand monde se battre pour cela, c’est bien dommage.
    Je n’ai d’ailleurs pas dit que j’étais pour. Un tel projet aussi près de l’océan comle castets n’a pas beaucoup de sens. À côté d’une grande agglomération éloignée de la mer (paris, toulouse) il aurait un bilan carbone évidemment bien meilleur.
    A combien de voyages en indonésie correspondrait un tel projet? Je ne sais pas mais ça se calcule.
    Ce que je pense est qu’on est suffisamment informés pour aborder n’importe quel débat en prenant en compte le bilan carbone global, ce qui n’a pas été abordé (du moins dans l’article).
    C’est dommage!
    Le problème des émissions de co2 liées au surf réside en grande majorité dans le transport et n’est quasiment jamais abordé (a part une poignée de pros qui ont décidé de ne plus prendre l’avion, il y a peu d’initiatives à ma connaissance).
    Ça aussi c’est dommage!

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  • patrick13
    30 septembre 2020 16h47

    Je suis étonné que dans l’article, il n’est que très peu fait mention du groupe Boardrider…qui serait l’instigateur du projet. Connaissant la porosité entre entre la presse surf et les marques de surf, pourquoi le rédacteur de l’article n’a pas essayé d’avoir la position du groupe.
    Peut être que tout simplement le groupe cherche à se diversifier…
    L’avis de tomtom 2 est intéressant. C’est comme les pommes françaises que l’on mangent toute l’année. Elles sont récoltées entre aout et octobre et le reste de l’année dorment dans des frigos ( bon consommateurs d’énergies). Après, on nous dit, de ne surtout pas manger de pommes venant de l’hémisphère sud car ce n’est pas écolo. Mais au final, le bilan carbone de la pomme mure du chili, non gardée en frigo, venant par bateau est peut être moindre que celui de notre pomme française gardée dans son frigo pendant 7 mois .
    A priori, les piscines à vagues sont rentrées dans le conscient des surfers qui éditent beaucoup de blog avec leurs aventures dedans… je crois même que certains compétiteurs français , françaises ont traversé l’atlantique pour s’entrainer dedans….beau bilan carbone…
    Ou en est le projet de Castets ?
    Personnellement , je pense, comme le sous entend Jérémie, c’est plus une lutte contre un projet immobilier. L’arrivée d’un méga entrepôt d’Amazon aurait surement provoqué le même style de débat. Avec d’autres intervenants…

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  • yuyu
    30 septembre 2020 13h02

    Il faut vraiment être de mauvaise foi pour affirmer que les surfeurs locaux arrêteront de voyager l’hiver et d’aller surfer en voiture parce qu’il y a une piscine, ce qui économisera du CO2 lol lol lol LOL

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  • Jérémie LAFON
    30 septembre 2020 8h34

    J’ai grandi à St Jean de Luz et a chaque fois que j’y reviens , j’ai toujours la même constations : on laisse à l’homme de beaux endroits, une belle planète et tous ce que cet idiot pense à faire c’est de tous saccagé. Il y a 40ans le pays Basque c’était beau, peu peuplé avec une vrai identité culturelle et maintenant c’est tous l’inverse. Que fait ETA ?

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  • Tomtom2
    30 septembre 2020 6h52

    Côté environnement il faudrait quand même regarder le bilan carbone de ce genre d’installations à celui des surf trips à l’autre bout du monde. Si un wavepark peut éviter que des surfeurs français prennent l’avion, c’est autant de co2 d’économisé.
    Donc mettre d’un côté le co2 dépensé pour la construction (élevé car bétonnisation) et l’exploitation du site (faible car electricité décarbonnée à 90% en france), et de l’autre celui des futurs clients (le pourcentage est à déterminer, pas facile, mais on peut établir à partir de quel % on atteint l’équilibre) qui auraient pris l’avion à quelques centaines ou milliers de km pour aller faire du surf.
    En dehors du problème du traitement de l’eau, ça reviendrait au même de s’opposer à la construction de salles d’escalade (et pourtant il y en a sur la côte basque) alors qu’on habite à côté de la montagne.

    Donc, pour moi, une fois de plus, on regarde du mauvais côté car on ne traite pas le problème du transport de ce sport(qui est également mon sport), qui est le point le plus polluant.

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