Que se passe-t-il sur le mont hawaïen Mauna Kea ?

Depuis plus d'un mois, 500 locaux bloquent pacifiquement l'accès au mont sacré pour éviter la construction d'un télescope géant.

13/08/2019 par Juliette Daquin

Si vous vous êtes penchés sur l’actualité hawaïenne récemment, vous n’êtes pas sans savoir qu’il y a actuellement des protestations sur Big Island. Des centaines de locaux campent en ce moment même jour et nuit au pied de la montagne Mauna Kea. Alors que se passe-t-il exactement sur cette montagne sacrée  ?

Qu’est ce que Mauna Kea ?

Mauna Kea, c’est la montagne la plus haute d’Hawaii, dont le sommet est sacré pour les peuples autochtones. Aussi appelé montagne de Wakea, le mont Mauna Kea serait, selon la mythologie hawaïenne, le premier mont né de l’union de Wakea (dieu du ciel) et de Papa (déesse mère), devenant ainsi la région des dieux. D’après la mythologie, ce mont réunirait tous les dieux bienfaiteurs, expliquant que certains ancêtres y soient inhumés et que des cérémonies religieuses y soient encore pratiquées. Le mont, pour la religion hawaïenne, est considéré comme une porte d’entrée au paradis.

Le litige

Depuis le 15 juillet, les locaux et les autochtones protestent de manière pacifique, par campement au pied de la montagne, pour s’opposer à un projet de construction. Si les Hawaïens restent au pied du mont jour et nuit depuis près d’un mois maintenant, c’est pour protester contre la construction du TMT (Thirty Meters Telescope), le télescope censé être le plus grand du monde avec un diamètre de 30 mètres.

Si pour les hawaïens, Mauna Kea est le lieu sacré par excellence, tant pour sa religion que pour son environnement, pour d’autres, Mauna Kea est aussi le point d’observation spatial parfait. Déjà 9 télescopes, 3 radiotélescopes et 8 antennes y sont installés. Mais le TMT détruirait complètement la zone sacrée s’il venait à y être construit (une construction qui devait commencer le 15 juillet). 

Pourtant, ce conflit dure depuis 2015. Les protestations avaient déjà éclaté en 2014-2015, donnant lieu à un recours en justice, qui, il y a peu, a donc finalement octroyé le permis de construire le TMT.

Ce qui a donné un peu plus de résonance aux protestations, ce sont les arrestations des trentaines de kupuna (noms désignant les anciens de l’île) le 16 juillet, alors qu’ils formaient une chaîne humaine pacifique en guise de protestation et de barrage à l’accès au mont. 

Y a-t-il vraiment une opposition sacré/scientifique ?

Si le litige est présenté comme une opposition entre le sacré et le scientifique, ce raisonnement manichéen reste tout de même à relativiser et vient relever une problématique bien plus complexe. En plus du sacré, c’est une part de l’identité hawaïenne qui viendrait à disparaitre. Et certains scientifiques l’ont bien saisi, faisant la part des choses entre le progrès scientifique et le respect du droit des peuples.

Une lettre ouverte de la part de plusieurs scientifiques a été publiée, demandant le respect du droit du peuple hawaïen de maintenir cet endroit sacré. Plus de 200 scientifiques, la plupart américains ou canadiens, s’accordent sur le fait qu’une telle installation ne peut pas se dérouler de la sorte, encore moins si elle engendre des tensions et des inconvénients envers le peuple censé l’accueillir. Pour eux, le litige ne relève plus d’une opposition entre le sacré et le scientifique mais bien des droits humains et de l’éthique plus que de la science

Pour la scientifique Chanda Prescod-Weinstein, astrophysicienne enseignant à l’Université du New Hampshire, « ce qui a facilité et permis l’accès scientifique à Mauna Kea, c’est tout simplement la colonisation américaine sur les terres natives hawaïennes ». Elle ne manque pas de rajouter, suite aux premiers incidents qui ont eu lieu, que « le système américain continue de jouer un rôle dans le renforcement de l’accès de l’astronomie sur Mauna, par exemple quand on voit les dispositifs mis en place par les forces de police pour arrêter les kupouna, venus pour protéger leurs familles et leur histoire. »


Le débat n’est donc plus religieux, mais bel et bien éthique. Pour le scientifique Holding Nelson, « c’est notre devoir de soutenir ce peuple et ses droits, et pour le Canada et les États-Unis, cela voudrait dire écouter et apprendre des peuples indigènes ». Il ajoute de même qu’en tant que scientifiques, « nous avons le devoir éthique de placer le droit des peuples avant notre science, sinon, notre science ne serait plus éthique et deviendrait immorale ».

De plus, pour certains d’entre eux, si une partie de la communauté scientifique se tait, elle se rend indirectement complice de l’oppression du peuple indigène.

La mobilisation de la communauté surf

Pas mal de célébrités ont affiché leur soutien à la lutte pour la protection de Mauna Kea, certaines allant même sur place comme l’acteur Jason Momoa

Côté surf, pas mal de surfeurs hawaïens partagent leur soutien via les réseaux sociaux (#SurfersforManuKea), à défaut de ne pouvoir être sur place comme la surfeuse hawaïenne Mainei Kinimaka

        


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2 commentaires

  • Jen
    14 août 2019 9h31

    Cette « lutte » a démarré il y a quelques années années déjà et quelques personnes étaient au pied du Mauna Kea pour protester et les recours en justice ont été nombreux. Par ailleurs, il serait plus réaliste de parler de milliers de manifestants sur place et à travers le monde !
    Il faut également préciser que le groupement de scientifiques a choisi le Mauna Kea plutôt que les Canaries. Mais si les manifestations persistent (faisant perdre du temps et donc de l’argent) , peut-être iront-ils finalement s’installer aux Canaries.
    Ku kia’i Mauna Kea

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  • Choco
    13 août 2019 15h43

    Nuancé et bien explicatif, permet de mieux comprendre les différents enjeux et points de vue, merci.

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