Tahiti 2024 : la venue des J.O. inquiète la communauté de Teahupo’o

Des projets pharaoniques et faramineux menacent l'équilibre naturel et l'harmonie du lieu.

11/09/2020 par Marc-Antoine Guet

Par Romual Pliquet, photographe tahitien présent sur place
Ravis d’accueillir les Jeux olympiques, les habitants de Teahupo’o sont désormais inquiets des aménagements et infrastructures qui leurs sont imposés au coeur même de leur village paradisiaque. Ecartés de toute concertation par les pouvoirs publics, ils veulent désormais faire entendre leurs voix, par l’intermédiaire du collectif MATA ARA IA TEAHUPOO 2024 et réclament légitimement une transparence dans l’étude des projets afin de prioriser avant tout la préservation de l’environnement et le « mana » de Teahupo’o.  

Le 3 mars 2020, le président de la Polynésie française Mr Edouard Fritch accueillait l’annonce du choix de Teahupo’o pour l’épreuve de surf des JO 2024 par un discours dans lequel il déclarait :
« L’écologie, l’environnement et les principes de développement durable seront au cœur du projet de Teahupo’o… Les JO de 2024 seront une belle opportunité pour renforcer la promotion d’un développement durable. Durable sur le plan économique : les aménagements (hébergements d’accueil des sportifs, les espaces et équipements pour les spectateurs, pour le staff technique, pour les athlètes) seront utiles après les jeux… L’existence permanente de la vague de Teahupo’o deviendra un produit économique pérenne…

Durable sur le plan environnemental : la vague de Teahupo’o est un don de la nature. Les Polynésiens ont le devoir de préserver ce don. Cette préservation passe par le respect de l’écosystème du site, au travers notamment de la préservation du récif corallien, du lagon et de la rivière de la biodiversité terrestre et marine. En résumé, pour être durable, les compétitions et l’organisation des JO de 2024 s’adapteront au site de Teahupo’o et non l’inverse. Le naturel du site de Teahupo’o sera préservé au maximum ». 

Un discours remis en question
Hors, à Teahupo’o, une partie de la population pense que la seule déclaration qui soit vraie dans ce discours est l’ambition gouvernementale de transformer la vague de Teahupo’o en un produit économique pérenne bien que ce soit déjà le cas depuis deux décennies et sans intervention des pouvoirs publics. A l’occasion du stop de la caravane du CT, il est indéniable que la petite communauté locale s’est déjà très bien adaptée à une compétition mondiale en toute simplicité.
Quant à l’environnement, la préservation du récif corallien, du lagon et de la rivière de la biodiversité terrestre et marine évoqués par le Président Fritch, il est effectivement du devoir de la population de Teahupo’o de préserver ce don de la nature qu’est la fameuse vague, surtout lorsque des projets pharaoniques et faramineux envisagés menacent son équilibre naturel et l’harmonie du lieu.

Tahurai Henry, natif et surfeur engagé à Teahupo’o affirme « avoir eu un sentiment partagé à  l’annonce de l’officialisation de la sélection de Teahupo’o pour les Jeux de 2024. Fierté et inquiétude se sont mêlées à cette annonce. Fier que la vague soit choisie pour l’olympisme mais surtout inquiet des aménagements possibles par le COJO ».
La création du collectif MATA ARA IA TEAHUPOO 2024 s’est imposé de lui-même. Tahurai et les autres membres du collectif réclament « une transparence dans l’étude des projets et veulent que l’ensemble de la population de Teahupo’o puisse avoir un pouvoir décisionnaire dans les choix finaux. Or, aujourd’hui nous sommes écartés de toutes négociations et les infrastructures et aménagements futurs nous sont imposés. C’est nous qui allons vivre avec, à savoir : avant, pendant et surtout après le passage des J.O. Nous ne voulons pas que notre petit coin de paradis soit dévasté. Nous voulons continuer à vivre en harmonie avec la mère Nature et garder l’authenticité qui fait la force de Teahupo’o ».



Des projets pharaoniques et faramineux menacent l’équilibre naturel et l’harmonie du lieu.
Néanmoins, grâce à des fuites d’informations concernant ce fameux dossier technique, il apparaît que les aménagements prévus par Tahiti pour les JO 2024 seront destructeurs pour l’environnement et pour l’harmonie du lieu : routes à deux voies, pont pour voiture, remblais du Domaine Rose actuellement cultivé par un agriculteur, enrochement du littoral au PKO avec plage suspendue destinée à accueillir le public, aménagement de parkings, de pontons flottants, de gradins flottants, un scaffolding pour supporter 200 officiels, creusement d’un chenal pour rejoindre le scaffolding, érection d’un village olympique de 24 logements avec salle de restauration, salle de sport, héliport, zone de mouillage… Tout cela pour une dizaine de jours de compétition olympique.
C’est ainsi que l’immense majorité de la population de Teahupo’o a exprimé son désaccord profond avec des aménagements qui urbaniseraient son territoire et risqueraient de transformer la quiétude qui prévaut actuellement dans son petit village du bout de l’île en frénésie touristique permanente. 
La communauté veut préserver la qualité de son environnement, celle qui fait le charme de Teahupo’o. Composée de familles élargies, tout le monde se connaît, se côtoie dans un respect mutuel et pratique la tolérance et l’entraide mutuelle. L’attrait des visiteurs et des surfeurs internationaux pour le spot de Teahupo’o tient beaucoup de la connectivité qui existe entre l’humain et la terre, entre le taata tumu de Teahupo’o et son fenua âià.

Cela fait deux décennies que les habitants de Teahupo’o accueillent avec leurs moyens la planète entière et ce, sans démonstration de luxe, sans bétonisation et sans frime. La population de Teahupo’o tient à préserver son cadre de vie, mais le Pays en a décidé autrement sans lui demander son avis.

Teahupo’o ne veut pas que son mana lui échappe et veut faire entendre sa voix.

                   


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4 commentaires

  • phoceanratpi
    24 octobre 2020 11h08

    bonjour,

    qui sont les décisionnaires ? CIO, état français ?
    Comment aider ces gens concrètement ?

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  • Thereallazarnovitch
    4 octobre 2020 10h23

    Le business du surf … Je surfe depuis une vingtaine d année , un sport magnifique … Je songe a me éloigner du surf , depuis une dizaine d année c est devenu de la merde , le monde a l eau , la wsl , les JO , la piscine a vague de merde de Slater , les airs dégueulasses des Brésiliens ….

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  • johnie
    22 septembre 2020 16h18

    ben ça c’etait sur que ca allait arriver..et je comprends les inquietudes des locaux. Moi je suis d’Hossegor et je faisais parti de ceux qui n’en voulait pas des JO..le surf c’est pas un sport olympique.

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  • roann
    20 septembre 2020 12h59

    Bienvenue dans le monde des J O. Ou tehaupoo est considérée par un produit. Nous n’avont pas besoin ni des J.O. ni des piscines a vagus et de leurs infrastructures a l’heure ou la planete est a bout de souffle!

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