Jean-Luc Arassus : « Je suis désespéré de voir encore des surfeurs à l’eau ! »

Interdiction de la pratique, haut-niveau, Jeux Olympiques, clubs et écoles... Le président de la Fédération Française de Surf fait le point sur l'impact qu'a la crise sanitaire actuelle sur la pratique du surf en France.

20/03/2020 par Marc-Antoine Guet

Interview via la Fédération Française de Surf
Confiné chez lui en Gironde, le président de la Fédération Française de Surf fait le point sur l’impact qu’a la crise sanitaire actuelle sur la pratique du surf en France : organisation des services de la Fédération, décret d’interdiction de la pratique en Atlantique et Méditerranée, haut-niveau, Jeux Olympiques, clubs et écoles.
Il se dit aussi désespéré par l’attitude de certains pratiquants qui sortent encore en mer malgré les interdictions.  
 
Jean-Luc, où êtes-vous et que faites-vous ?

J-L.A : « Je suis chez moi, pas loin de la mer. Mais je n’y vais pas. Je vais profiter de ces moments pour un peu de lecture approfondie. J’ai encore pas mal de sujets à traiter autour des prochaines échéances pour notre discipline et pour la Fédération. 

Le siège de la Fédération est évidemment fermé mais l’activité continue. Comment vous êtes-vous organisés : élus, salariés, DTN ?

La Fédération a été rapidement concernée par le télétravail. On s’est organisé au niveau des quatre grands pôles que sont la direction technique nationale, la communication, la formation et le développement. On a des réunions Skype régulières. On envisage d’y associer les ligues et comités sur des moments de réflexion, puisque tout le monde est plus ou moins disponible.

J’espère que nous arriverons à trouver des moments d’échanges qui pourront nous être salutaires pour la suite. Il y a aussi des conférences avec le ministère des Sports et les différents services de l’administration ». 


Le Préfet Maritime Atlantique a annoncé mercredi soir dans un communiqué que toutes les pratiques nautiques étaient désormais proscrites y compris le surf et les disciplines associées. Pourquoi la Fédération n’avait-elle pas anticipé cette décision en interdisant elle-même la pratique du surf depuis mardi midi ?

« La Fédération n’a aucune compétence à interdire quoi que ce soit. C’est à l’Etat de le faire. La fédération doit respecter les prérogatives administratives. Nous n’avons aucune capacités de contrôle. Nous avons toujours été sur le même message de citoyenneté : le premier rôle revient au citoyen pour essayer de maîtriser la propagation du virus.

Entre le premier discours du président de la République le jeudi 12 mars, et aujourd’hui (jeudi 19 mars-Ndlr), la situation a évolué tous les jours. Et tous les jours, nous avons essayé de coller au mieux aux différentes directives données par le Gouvernement et par la ministre des Sports, qui avaient d’autres préoccupations que la lecture et l’interprétation des dérogations pour la pratique d’une activité physique. 

Ce n’est qu’hier (mercredi) que l’on a eu confirmation formelle par le Préfet maritime de l’Atlantique de l’interdiction de la pratique du surf sur la façade atlantique. La Préfecture maritime Méditerranée a annoncé ensuite l’interdiction de la pratique des sorties en mer et de toutes les activités nautiques, dont le surf, et nous avons aussi relayé cette information ». 

Ces interdictions formelles du surf et des disciplines associées, dont le Stand Up Paddle, portent sur la façade Atlantique, soit de Hendaye au sud à la Bretagne au nord, et sur la Méditerranée. Quid de la Manche et de l’outremer ? 

« Encore une fois, on attend la confirmation par voie administrative des différents Préfets maritimes. C’est peut être déjà le cas à cette heure mais nous n’en avons pas encore confirmation. Quoi qu’il en soit, la position de la Fédération, prise depuis le départ, est de respecter les consignes. Notre message à ceux qui sont dans ces régions est le même que partout ailleurs : soyez citoyens, restez chez vous ». 

Il y avait malheureusement encore des surfeurs à l’eau ce jeudi matin à Capbreton (Landes). Que dites-vous aux surfeurs qui continuent à braver l’interdit ?

« Je suis très déçu par ces comportements qui sont de la provocation. Même si la culture surf a toujours été rétive à l’autorité, il faut être solidaire et respecter la vie des autres. Le président de la République l’a dit : « On est en guerre contre ce virus ! » On ne sait pas où on en est, ni où on va. Il faut être vigilant et faire en sorte qu’il se propage le moins vite possible.

Etre solidaire de la chaîne médicale, des soignants. Un surfeur qui se blesse va mobiliser des personnels soignants qui ont d’autre préoccupations actuellement. Je suis désespéré de voir des gens à l’eau alors qu’il y a des Français dans une situation catastrophique dans l’Est de la France. Ces personnes-là ont une position indéfendable et catastrophique pour l’image de notre discipline. Vous imaginez ce que va penser une infirmière qui se bat pour sauver des vies à Metz ou Strasbourg en voyant un surfeur les fesses dans l’eau sur une plage du littoral ! »

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La Fédération Française de Surf fait savoir que la pratique du surf et des disciplines associées est à délaisser durant la période de confinement national, au profit d’activités individuelles en situation de confinement. Elle rappelle que l’interdiction de la pratique relève uniquement de la compétence des services de l’État. La FFS rappelle aussi la position officielle du gouvernement, précisée par Madame la Ministre des Sports Roxana Maracineanu : « Il est parfaitement possible pour les sportifs professionnels ou amateurs de rester confinés chez eux, au moins pour les quinze jours à venir. Il n'est donc pas à l'ordre du jour que le sport déroge au confinement décidé par le gouvernement, même pour se préparer pour les Jeux Olympiques. » Par ailleurs, les Préfets commencent à mettre en œuvre des arrêtés d’application des interdictions d’accès aux littoraux et aux plages ainsi qu’aux activités nautiques en général. #sauvezdesviesrestezchezvous

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Certains de nos sportifs de haut niveau sont à l’outremer ou dans des pays où il n’y a pas de confinent…

« Par chance pour eux et pour le moment, Michel Bourez et Jérémy Florès, nos deux garçons sélectionnés pour les Jeux Olympiques, sont à Tahiti, qui n’est pas concernée par ces mesures de confinement. Ils peuvent donc continuer à surfer même si je sais qu’ils font très attention et qu’ils sont vigilants car ils sont pères de famille.

J’ai appris que d’autres surfeurs, comme Pauline Ado, sont restés en Nouvelle-Zélande où devait avoir lieu une étape du tour professionnel finalement annulée. Ils sont loin de chez eux, de chez nous, ils peuvent continuer à s’entraîner. A eux aussi, je leur demande de faire très attention ». 

 Les sportifs de haut-niveau dans leur ensemble posent la question d’une dérogation pour l’entraînement, notamment ceux qui préparent les Jeux Olympiques. Cela est-il envisageable ?

Depuis samedi dernier, il y a eu un questionnement sur « comment faire pour ne pas interrompre la préparation des athlètes pour des tournois de qualification olympique ou en préparation olympique 7. On a eu lundi une réponse très claire de la Ministre des Sports qui a dit que les possibilités de dérogations ne pouvaient pas exister. La règle de confinement vaut pour tout le monde y compris pour les sportifs de haut niveau ».  

Avez-vous du nouveau sur le championnat du monde qualificatif pour les Jeux Olympiques de Tokyo, qui doit se tenir mi-mai au Salvador ?

« Beaucoup de fédérations internationales savent que les tournois de qualification seront très difficiles à organiser. Il y en a qui ont même été annulés. L’International Surfing Association se garde une marge de manoeuvre pour préserver ce championnat du monde. A mon avis personnel, il sera difficile de l’organiser au Salvador. Ce pays d’Amérique latine a fermé toutes ses frontières et aucun étranger ne peut y pénétrer. Je n’ai pas de nouvelles officielles mais je sais que la réflexion est en cours ». 

Le Comité International Olympique veut se donner du temps avant de faire une annonce sur un report des JO (24 juillet-9 août). Vous qui étiez encore au Japon il y a une semaine pour un déplacement avec le CNOSF, pensez-vous qu’un report est inéluctable ? 

« Thomas Barr, le président du CIO, a été clair : il suivra les consignes de l’Organisation Mondiale de la Santé. Au Japon, tous les travaux sur tous les sites continuent. J’ai visité le site de surf à Chiba qui est en construction. Là-bas, tout le monde est mobilisé autour des Jeux. L’ambassadeur de France au Japon nous a confirmé que le comité d’organisation japonais étudiait un plan B et un plan C. Mais, à aujourd’hui, il n’y a pas de report ou d’annulation. L’annulation est même fortement improbable. En 1964, les JO se sont déroulés en octobre. Pourquoi pas en 2020 ?« 

Quid des dirigeants de nos clubs, ligues et comités ? Y a-t-il des interrogations, des craintes sur l’avenir de leur structure ? Comment la Fédération va-t-elle les aider ? 

« J’ai alerté le Ministère des sports et l’Agence nationale du sport sur l’impact que cela va avoir sur le chiffre d’affaires des clubs, sur la prise de licences… Il y a un dispositif qui se met en place, le service administratif de la Fédération fera le relais. Tout le monde est mobilisé et conscient que les structures fédérales et associatives sont touchées, et qu’il est obligatoire de mettre en place des mesures pour soutenir les clubs et les écoles ». 

Les écoles de surf ouvrent toutes avec les vacances de printemps. Que vont devenir toutes ces structures et surtout les moniteurs ? 

« Malheureusement et comme l’ensemble de l’économie française, européenne et mondiale, toutes les structures seront touchées en termes de chiffre d’affaires. Il y a là aussi une garantie de l’état annoncée : notre secteur d’activité est un secteur comme les autres, et il bénéficiera des mêmes mesures qui seront proposées par le gouvernement ».


Restons positif pour conclure : comment voyez-vous l’avenir ? 

« Je suis très confiant sur la recherche mondiale, européenne et française pour trouver un remède car je pense avant tout aux gens qui sont malades. Je suis certain que nos chercheurs seront à la hauteur du combat. Je suis aussi certain qu’on est capable de beaux élans de solidarité.

Cette situation va nous amener à réfléchir différemment. Il y aura un avant et un après coronavirus. La fragilité de notre système saura nous faire prendre conscience qu’il faut être plus près des choses essentielles comme le respect de l’environnement, la solidarité, la citoyenneté ». 

>> Lire aussi le témoignage d’un surfeur, soignant au CHU de Bordeaux

               


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