The ASP Hollywood Tour, Saison 1 épisode 5 : Cloudbreak, Fidji

Michel brille (enfin) dans le Pacifique, les jeunes mènent la révolution et Kelly cède sa place à Gaby sur les trônes fidjien et mondial. La monarchie est en danger ! Le Fiji Pro décrypté par Franck Lacaze.

10/06/2014 par Romain Ferrand

La révolte gronde sur le World Tour et deux “minots“ mènent la fronde : Michel Bourez, 28 ans, et Gabriel Medina, 20 ans, ont trusté presque toutes les victoires de ce début de saison. Ce dernier avait déjà créé la sensation en devenant le premier Brésilien vainqueur sur la Gold Coast, voilà qu’il sévit à nouveau en faisant flotter le drapeau auriverde pour la première fois à Fidji après avoir écrasé en finale Nat Young, Poulidor californien de 22 ans et ses trois finales perdues.

Medina dont Slater disait dans une interview donnée à aspworldtour.com avant le coup d’envoi du Fiji Pro « qu’il était promis à un grand avenir » n’imaginait sans doute pas que le gamin de Maresias le bouterait quelques jours plus tard hors du trône d’une épreuve qu’il a dominé jusque-là sans partage, lui reprenant au passage le lycra doré du leader du classement.

Dans l’épisode précédent

Quelques semaines plus tôt, à Rio de Janeiro au Brésil…

Michel Bourez a su déjouer tous les pièges de l’insaisissable beach break de Barra da Tijuca pour se défaire successivement de Joel Parkinson, Jordy Smith et Taj Burrow avant de dominer l’inattendu Kolohe Andino en finale. Les bras levés au ciel tel le Christ rédempteur, Michel vient de remporter le Billabong Rio Pro, quatrième levée de l’ASP World Tour. La deuxième victoire du Tahitien en un mois après un succès initial à Margaret River !

Pour trouver trace d’un surfeur double vainqueur lors des 4 premières épreuves il faut remonter à 2009. Cette année-là, après avoir remporté les deux manches inaugurales en Australie, Joel Parkinson connaîtra un trou d’air en milieu de saison pour échouer à la seconde place mondiale en fin de saison. Jusqu’ici sur courant alternatif, Michel Bourez qui avoue penser au titre mondial le matin en se rasant, sait que tout espoir de titre restera vain s’il n’enclenche pas le courant continu en phases finales. Et cela passe par Fidji où, paradoxalement, l’enfant du Pacifique n’a jamais franchi le moindre tour en deux participations.

 Le Dream Tour commence ici

Après les calamiteuses vagues de Margaret River et Rio qui n’auront eu pour seul mérite de couronner le “Spartan“, voilà le “Dream Tour“ qui se profile enfin. Ce fameux circuit de rêve imaginé dans les années 90 et qui ambitionnait d’emmener les meilleurs surfeurs de la planète sur les meilleures vagues subsiste encore épisodiquement en 2014. Et il démarre maintenant à Fidji avant de se prolonger à Jeffrey’s Bay en juillet puis à Tahiti en août.

Surfé sur les vagues de Cloudbreak ou Restaurants, au milieu du Pacifique sud, le Fiji Pro est assurément la plus spectaculaire et la plus attendue des épreuves du WCT. Ces deux gauches (les premières cette saison) de récif qui distillent tubes interminables et murs à manoeuvres sont la représentation la plus fidèle que l’on peut se faire de la perfection… l’antithèse de Rio en quelque sorte. Et l’ASP, conscient du rôle de “têtes de gondole“ qu’ont les épreuves fidjiennes et sud-africaines, les a maintenues (ou ressuscitée dans le cas de J Bay) au calendrier sur ses propres deniers malgré l’absence de sponsors majeurs.

 Cloud(beach)break

Seulement voilà. Cloudbreak -comme tous les spots de la planète- a besoin de carburant pour fonctionner. Faute de houle, cette compétition habituellement si sélective avec ses tubes béants et son vaste line-up qui ont tôt fait d’engloutir les velléités d’une impertinente jeunesse va s’apparenter à un contest presque ordinaire. Presque car Cloudbreak à 1,20m restera toujours plus qualitatif que le champ de patates océanique de Barra da Tijuca.

Bouclée en quatre jours, cette cinquième étape va toutefois sérieusement ébranler la hiérarchie. Et c’est le contingent australien qui va payer le plus lourd tribut à ce Cloud(beach)break taille XS.

Avec le seul Mick Fanning en quarts et zéro représentant en demies, les aussies vont vivre leur pire déroute depuis 2010 au Brésil. Une aubaine dont va profiter la nouvelle garde emmenée par Medina, 20 ans, et Young, 22 ans. Accompagnée des deux finalistes de Rio : Kolohe Andino, 20 ans, et Bourez qui fera office de vieux grognard du haut de ses 28 ans.

Michel dompte (enfin) le Pacifique 

Vous l’avez compris, Michel a enfin enchaîné deux performances de haut vol. En remportant sa série du 1er tour, il assurait déjà son meilleur résultat à Fidji. Seul hic, le seeding qui accoucha d’un affrontement Bourez/Florès dès le round 3. Ayant disposé autoritairement au round 2 du rookie australien Mitch Crews dont le style backside est aussi seyant que la tapisserie de la chambre à coucher de vos grands-parents, Jérémy retrouvait enfin le goût du succès. Goût qui allait rapidement se dissiper face au Spartan. Incapable de trouver la moindre sortie de tube contrairement à son adversaire qui signait lors de cette opposition le meilleur total de l’épreuve (18,60 pts) avec des lignes hallucinantes et une attaque backside ébouriffante, Jérémy mesura le gouffre qui sépare un surfeur qui traine ses doutes comme un boulet (lui) d’un autre dont la confiance semble inébranlable (Michel). Les supporters de Bourez qui l’ont vu triompher dans l’océan Indien puis dans l’Atlantique vont dès lors rêver d’une victoire dans le Pacifique qui l’a vu naître. Surtout après sa victoire en quarts face à Kelly Slater qui fera de lui le premier surfeur à battre le quadruple vainqueur de Fidji depuis Fred Patacchia en… 2004.

And the winners are ?

Mais l’élan du Tahitien sera stoppé net en demi-finale par Nat Young, le goofy de Santa Cruz dont le sourire enjôleur cache un carnassier des line-ups. Véritable aimant à vagues, tel un Justin Timberlake en boardshorts, il a le talent d’attirer les bombes qu’il honore avec autant de gourmandise qu’un Rocco Siffredi aquatique au milieu d’un océan de vagues vierges. Compétiteur hors pair, Young se dirigera sans encombres vers la finale –sa troisième en 14 mois- où l’attend un autre compétiteur acharné et surdoué : Gabriel Medina.

Le Brésilien déjà finaliste à Fidji en 2012 dans des conditions à peine plus grosses avait donc décidé d’étriller l’opposition. À l’exception d’un Freddy P. accrocheur au round 3, aucun adversaire n’entravera la marche irrésistible de Gaby : Parko au tour 4, John John Florence (par deux fois, au round 4 puis en quarts), Andino en demie et donc Young en finale… tous « éparpillés façon puzzle » (©Audiard) par les trajectoires inspirées du Pauliste qui enchainera doubles tubes et turns frontside avec une fluidité et une variété hypnotiques. Mieux, à l’exception d’un alley-oop en finale il ne proposera pas la moindre de ses fameuses envolées grâce auxquelles il assurait ses victoires jusque récemment.

Seul surfeur avec Michel Bourez à compter deux victoires cette saison, Gaby a donc récupéré le lycra doré du leader du classement général dont il avait été brièvement dépossédé par le “divin chauve“ après Rio et devance d’un souffle le Spartan. Suivent Slater 3ème et Parko 4ème.

Dans le prochain épisode

On oublie les rivages tropicaux de Fidji, on enfile la combinaison intégrale et on met le cap vers les murs verdoyants et glacés de Jeffrey’s Bay. Absente du calendrier masculin depuis 2011 en raison du retrait de son sponsor historique, la compétition sud-africaine revient grâce à la seule volonté de l’ASP, et peut-être aussi la pression des surfeurs qui se sentaient orphelins de l’une de leurs épreuves préférées. Tubes, carves, airs… selon les conditions, tout est possible sur les différentes sections de cette vague infinie qui, comme Cloudbreak, a fait rêver des générations de surf trippers.

Jordy Smith, double tenant du titre, sera l’un des favoris aux côtés des suspects habituels : Parko, Slater, Burrow, Fanning, seuls anciens vainqueurs encore en activité… Mais il ne serait pas inopportun de parier quelques rands sur Michel Bourez. Reste l’inconnue Medina qui n’y a jamais surfé.

Coup d’envoi le 10 juillet.

* @FranckLacaze : ancien surfeur pro, rédacteur en chef du magazine Trip Surf de 2000 à 2007, commentateur de l’ASP World Tour sur la chaine MCS Extrême (Canalsat 127 ou Numéricable 153).

> LIRE AUSSI

La chronique #4 de Franck Lacaze après Rio

La chronique #3 après Bell’s Beach

La chronique #2 après Margaret

La chronique #1après Snapper Rocks



4 commentaires

  • bubz
    10 juin 2014 18h20

    Nice ! Et les articles « ASP Hollywood Tour » sont géniaux !

    Répondre

  • Romain
    10 juin 2014 16h19

    @ Bubz : on a eu un petit souci d’organisation pour prendre le relais sur le site pendant mes quelques jours de congés. Mais ça y est, on est repartis 🙂

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  • rai
    10 juin 2014 15h27

    Oui espérons un gros J-Bay et un gros Teahuppo…

    Répondre

  • bubz
    10 juin 2014 12h22

    Très bon article et compète très intéressante, on regrette seulement le manque de réactivité du mag après les journées On.

    Répondre

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