Dans cette interview, Nicolas Padois, cofondateur du Surfpark conçue par WaveGarden et implantée à Canéjan, près de Bordeaux, revient sur les étapes clés d’un projet marqué par des contestations environnementales portées par plusieurs associations. Il évoque les échanges menés, les contraintes à respecter et les efforts déployés pour répondre à un cahier des charges exigeant. Il rappelle surtout la vocation première du site : servir d’outil d’entraînement pour les surfeurs professionnels, en partenariat avec la Fédération Française de Surf, tout en restant accessible au grand public, des débutants aux experts. Bien plus qu’une attraction, un véritable projet sportif d’envergure.
Peux-tu présenter rapidement le projet ?
Le Surfpark est ambitieux, presque difficile à résumer en quelques mots. L’objectif est de créer le premier Surfpark de France, un lieu dédié aux vagues artificielles entièrement modulables, pensé avant tout comme un outil d’initiation, de formation et de performance autour du surf, avec un grand S.
On ne parle pas seulement de loisir, mais d’un véritable centre technique, capable d’accompagner tous les publics : débutants, clubs, athlètes de haut niveau et structures fédérales.
Pourquoi construire une piscine à vagues près de Bordeaux ?
Le projet doit être vu comme un centre technique de performance, et non comme une simple attraction. Il fallait donc trouver un équilibre : être proche d’une grande agglomération, tout en restant connecté à l’océan.
Bordeaux s’est imposée naturellement. C’est la plus grande communauté de surfeurs en France, par le nombre de pratiquants et sa situation géographique. On est à 40 minutes des plages girondines, 1h15 de Hossegor, 1h30 du Pays basque : un point central et stratégique.
Certains se demandent pourquoi ne pas l’implanter au milieu de la France. Mais le surf est une culture, une communauté. L’objectif de Canéjan est d’être un Surfpark pour la communauté du surf français, facilement accessible. Être à 15 minutes du centre-ville et 10 minutes de l’aéroport permet d’ouvrir le projet au plus grand nombre.
« Le projet doit être vu comme un centre technique de performance, et non comme une simple attraction »


« Réhabiliter une friche plutôt que de consommer un espace naturel avait beaucoup de sens pour nous. »
Quels sont vos objectifs avec ce projet ?
À l’origine, ce projet est né d’un constat commun. Edouard Algayon (fondateur et propriétaire du terrain)revenait de Californie, où il s’est confronté au localisme et à la saturation des spots. De mon côté, mon métier (Propriétaire d’une école de surf) m’a permis de bien connaître les difficultés d’encadrement et de pratique.
Deux problématiques majeures ressortent : l’accessibilité, car tout le monde ne vit pas au bord de l’océan et, pour une heure de surf, il faut parfois prévoir une demi-journée complète en raison de la distance, des conditions météorologiques et des marées ; et la répétition, puisque sur le plan pédagogique, une bonne session en milieu naturel se résume parfois à une ou deux vagues réellement exploitables, alors qu’en Surfpark, une heure de pratique peut représenter l’équivalent de plusieurs semaines d’entraînement. Le Surfpark ne remplace pas l’océan, il le complète. Il ne remplacera jamais la quête du spot, le sunset entre amis ou les moments passés en pleine nature. En revanche, comme dans de nombreux autres sports, il apporte de la répétition, de l’encadrement et de la régularité, des éléments indispensables au développement et à la démocratisation du surf.
Pourquoi avoir choisi ce site en particulier ?
Le site de Canéjan est une ancienne friche industrielle, un ancien parking pouvant accueillir jusqu’à 5 000 employés par jour. Il s’étend sur 3,8 hectares, déjà bétonnés et imperméabilisés.
Réhabiliter une friche plutôt que de consommer un espace naturel avait beaucoup de sens pour nous. Le terrain était à l’abandon, squatté, avec de nombreux problèmes. Le projet permet de redonner une utilité à un site déjà artificialisé.
Autre avantage : les anciens bâtiments industriels voisins disposent de toitures plates de grande superficie, idéales pour installer des panneaux photovoltaïques et récupérer l’eau de pluie, stockée pour alimenter les bassins.
Quel impact local attendez-vous ?
Le projet générera 50 à 60 emplois à l’année, et jusqu’à une centaine en haute saison. Comme toute activité structurante, il y aura également un effet de ruissellement économique pour les commerces et services alentours.
Même si les chiffres précis restent à affiner, ce phénomène est bien connu : créer une destination, c’est créer de la dynamique locale.
Le projet a été retardé pour des raisons écologiques : pourquoi ?
Certaines associations ont exprimé des inquiétudes, notamment sur la consommation d’eau. Pourtant, notre projet repose précisément sur la récupération des eaux de pluie et une autonomie énergétique via le photovoltaïque.
Un expert indépendant, nommé par le tribunal, a confirmé que nos chiffres et notre approche étaient solides. Le complexe sera autonome en eau et en énergie. Nous sommes fiers du travail réalisé, même si le caractère innovant du projet a cristallisé certaines tensions. Aujourd’hui, le débat est clos et nous attendons la décision finale du tribunal administratif.


Comment fonctionne la technologie des vagues ?
Chaque technologie a ses secrets et ses brevets. Il existe plusieurs systèmes : poussée mécanique, foils, pression, chambres à air…
Nous avons choisi Wavegarden, non seulement pour son statut de leader mondial, mais surtout pour sa capacité de modélisation précise et le nombre de vagues de qualité par heure. À ce jour, c’est la technologie la plus performante pour offrir une répétition fiable et variée.
Quel a été le plus grand défi technique ?
Le principal défi a été de transformer une vision en réalité. Concevoir un projet innovant est une chose, le rendre cohérent, réalisable et fonctionnel en est une autre. Mettre bout à bout tous les éléments techniques, environnementaux et humains a demandé beaucoup de rigueur.
Quelles sont les prochaines étapes ?
À partir de janvier, des études de sol approfondies seront menées. La phase de préparation et de construction s’étale sur un à un an et demi, avec une ouverture prévue en juin 2027.
Comment le projet est-il financé ?
Le terrain est immobilisé depuis cinq ans, ce qui représente déjà un investissement important. Le projet est financé par les fonds propres des quatre associés, complétés par une première levée de fonds en 2024. Nous sommes aujourd’hui dans une seconde phase de levée de fonds et de discussions avec les banques.
Quel est le modèle économique ?
Il est simple dans son principe : une heure de surf = une heure payée, notre vision est de reproduire le fonctionnement d’un club et école que l’on peut retrouver sur la côte.
Pour renforcer cette dynamique nous avons créé le Canéjan Surf club Affilié à la FFS à partir de 2026.
Contrairement à certains Surfparks purement loisirs, nous intégrons le monde associatif, fédéral et la performance au cœur du projet.
À quoi ressemblera l’expérience pour les surfeurs ?
Le surf s’est démocratisé. Il est aux Jeux Olympiques, il concerne aujourd’hui tous les profils : familles, enfants, professionnels, amateurs.
Nous avons travaillé avec de nombreux clubs, écoles et structures de la côte, afin de construire le Surfpark avec la communauté. L’objectif est que les surfeurs eux-mêmes participent à la définition des vagues et de l’expérience.
Sécurité, progression, esprit surf : tout est pensé pour proposer une expérience différente, fidèle à la culture du surf.
Le Surfpark permettra-t-il un entraînement constant ?
Oui, c’est l’un des objectifs majeurs. Le Surfpark permettra un entraînement régulier, mesurable et répétable. Nous souhaitons intégrer un centre de recherche, afin de collecter des données précises sur la performance des athlètes.

« Le projet est réfléchi, maîtrisé, respectueux de son environnement et pensé pour s’intégrer durablement au territoire »
Quel impact sur le niveau des surfeurs français ?
Les exemples anglais et espagnols le montrent : l’accès aux Surfparks élève le niveau technique, physique et global. La France a tout à gagner avec un tel outil.
Ce lieu peut-il devenir un centre de référence ?
C’est clairement l’ambition. Le projet s’appelait à l’origine « l’Académie de la Glisse ». Aujourd’hui, il s’oriente vers un centre technique de performance, en lien avec les instances fédérales, tout en restant accessible à tous, y compris au parasurf et aux débutants.
Comment vois-tu l’avenir du surf artificiel ?
Très positivement. Il est complémentaire au surf naturel et ouvre des perspectives nouvelles : entraînement, démocratisation, compétitions programmées, diffusion télévisée… avec une équité parfaite entre les compétiteurs.
Quel message aux riverains et acteurs locaux ?
Nous travaillons actuellement avec les communes voisines pour apporter un maximum de transparence et de garanties
Le projet est réfléchi, maîtrisé, respectueux de son environnement et pensé pour s’intégrer durablement au territoire.
© Surfpark Canéjan





