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Antoine Quinquis

Rencontre avec un photographe du 44, dont le livre est toujours disponible sur notre site.

10/12/2021 par Rédaction Surf Session

Nous avons récemment échangé avec le photographe Antoine Quinquis à propos de son travail, du matériel qu’il utilise et de son livre « Vagues à l’âme« 
Préfacé par Léa Brassy et Loïck Peyron, avec les mots de Tom Curren en guise de conclusion, c’est le cadeau de Noël idéal. Du bord ou en aqua, le photographe aime photographier les vagues et les surfeurs dans leur grande diversité, en divers endroits de la planète et avec un matériel qui le suit depuis longtemps et qui lui correspond à merveille. Nous avons parlé couleurs, détails, photo de surf parfaite, inspirations et aspirations.
On vous laisse maintenant découvrir Antoine et son univers à travers cette interview. 
Peux-tu nous raconter tes débuts dans la photo, quand et comment as-tu été attiré par la photographie ? 

Antoine Quinquis – « Je suis originaire de la Baule, en Loire-Atlantique. Après avoir beaucoup voyagé je suis revenu m’y installer. J’ai commencé la photo à 19 ans, avec l’aide d’un oncle photographe professionnel. J’ai immédiatement commencé par des photos de mer, de vagues et plus précisément de kite surf avec mon frère. Je me suis mis à la photo de manière autodidacte et plutôt intuitive. Ce qui m’attirait c’était de photographier des choses qui me touchaient et que je trouvais jolies. J’ai pris mes premières photos lorsque je suis parti au Cap-Vert, avec l’argentique de mon père. J’ai commencé comme ça, après avoir fait un petit reportage que j’ai  vendu à un magazine de kite-surf. J’ai ensuite vécu en Martinique puis à Capbreton, c’est là-bas que je me suis vraiment mis à la photo de surf. 


À quoi ressemble ton matos ? 
A.Q –  Je fonctionne assez léger et je le change le moins possible. Je n’ai eu que trois appareils photo dans ma vie, en 25 ans de pratique. J’ai commencé avec un Nikon F-100, puis j’ai eu mon premier numérique, un Nikon D 200, et enfin un D 700 avec lequel je fonctionne depuis 10 ans. Idem pour le caisson étanche de la marque Liquid-Eye qui a bien vécu mais qui fait toujours parfaitement le boulot. J’ai également un jeu d’objectifs assez sobre, mais bien équilibré : un Fish-eye 8 mm que j’utilise principalement en Aqua, un 16/35 que j’utilise dans l’eau également et pour les paysages, un petit 50 évidemment que j’utilise aussi parfois hors de l’eau, un 70 200 ultra polyvalent pour shooter à moyenne distance et enfin un 300 focale fixe qui coûte un bras mais qui permet de faire de belles photos à grande distance. Petite particularité je n’utilise jamais de « pied ». D’une manière générale je n’aime pas la course à l’ « armement », ni à l’innovation même si à petite dose ça a du bon et ça ouvre des possibilités. Mais pour être honnête,  ça me stresse, ça me fatigue, je ne trouve pas ça fondamentalement utile. Je vais même aller plus loin, je ressens ces logiques de surconsommation donc au bout du compte de gaspillage, auxquelles il est difficile d’échapper, comme une très mauvaise chose pour toute l’évolution du monde. 


Sur quels genres de détails et de couleurs est-ce que tu t’arrêtes ? 
A.Q – Dans les couleurs tout me plaît, je ne suis pas à la recherche de quelques chose en particulier. J’aime bien le côté patchwork, dans mon livre comme sur mon site il y a à peu près toutes les couleurs, toutes les ambiances. Je suis assez simple dans mon rapport à la photo et aux détails. Je ne suis pas très calculateur dans mon travail. Je photographie ce que je trouve beau, je ne cherche pas à prendre un axe spécifique. Concernant le cadrage et la focale je marche à l’intuition. 
Quelle est ta conception de la photo de surf parfaite ? 
A.Q – Ce n’est pas une question évidente. Déjà est-ce qu’il existe réellement une photo de surf parfaite ? Je pense qu’il en existe beaucoup de parfaites. La grande majorité du temps, il s’agit d’une vague parfaite, d’une manoeuvre parfaite ou encore d’une vague qui fait rêver, d’une manoeuvre ou d’une attitude particulière. Ça peut être un angle de vue ou une lumière qui met tout cela en valeur. Je pense que cette sensation de perfection se situe au carrefour de tous ces éléments. Il s’agit d’une alchimie entre ces choses : une belle vague, une belle lumière, une belle manoeuvre, un bel angle de vue, un cadrage bien senti. 

Quelles sont tes sources d’inspiration ?
A.Q  J’en ai beaucoup. La première c’est bien évidemment la nature que je photographie principalement. Ce sont les ambiances et les couleurs naturelles qui m’inspirent. Pour ce qui est des photographes, il y en a plusieurs qui peuvent m’inspirer. Le travail que fait Grégory Rabejac sur le détail dans les petites vagues ou en aqua, cette manière qu’il a de mettre en valeur les textures et les formes je trouve ça intéressant. Les photos sous-marines que Ben Thouard prend à Tahiti m’inspirent également. Mais je ne suis pas très calculateur. À partir du moment où une chose m’inspire, me touche, ça provoque en moi quelque chose de différent et ça fait évoluer ma façon de photographier. 
Quelle est la meilleure session que tu aies vécu derrière l’objectif ? 
A.Q – C’était une sessions aux Canaries, à Lanzarote au Quemao, où de bonnes conditions étaient annoncées. Je me suis mis à l’eau le premier au matin pour shooter en aqua. C’est un spot qui se surfe à marée haute et avant que les gars ne se mettent à l’eau c’était encore un peu bas. C’était la première fois que j’allais sur le spot à cette taille là. J’ai été impressionné car je touchais mes limites en terme de taille, de ce que je pouvais encaisser. Mais une fois que tu y es c’est tellement beau ! Ça ne m’arrive pas tous les jours de photographier des vagues aussi jolies. C’était très intéressant mentalement, physiquement et techniquement. Je la garde en mémoire parce que j’ai sorti quelques photos que j’aime beaucoup et parce que ce n’était pas gagner d’avance, il fallait vraiment que j’aille au contact de l’élément. 


Si tu devais choisir un spot en Loire-Atlantique à shooter, lequel serait-il ? 
A.Q – Je ne peux pas en choisir un, tous les spots sont intéressants et toutes les ambiances m’attirent. À partir du moment où je trouve ça beau, où il y a quelque chose à révéler et où il se passe quelque chose ça me plait ! 
Y a-t-il des spots que tu t’interdis de shooter, par peur de révéler des indications géographiques ? 
A.Q – Il n’y a pas de spots que je m’interdis de shooter. Chez moi je surfe des vagues qu’on garde un peu secrètes et que je ne shoote pas. Sur ce sujet là, je pense que la meilleure attitude à avoir c’est de rester relativement discret sur les vagues et les endroits où l’on surfe, que ce soit chez nous ou chez les autres. Pour moi le comportement le plus respectueux, le plus cohérent, le plus censé, c’est de ne pas en faire des tonnes tout en restant discret. Il y a une surpopulation manifeste sur certains spots, qui invite à rester discret. Je pense que c’est à chacun de faire son travail, si les gens ont envie de découvrir des spots c’est à eux de le faire. Dans mon livre j’ai choisi de ne pas mettre de légendes, je n’ai pas indiqué précisément où les photos ont été prises. J’ai juste mis une petite carte pour indiquer la zone, l’endroit de la planète. C’est à la fois pour respecter les locaux mais parce que je pense aussi que c’est bien de garder une part de rêve. Il y a un truc un peu dynamique là dedans, ça pousse les gens à s’interroger, à chercher s’ils en ont envie. 


Comment fais-tu pour innover dans tes prises de vue ? 
A.Q – Je peux citer quelques unes de mes innovations. Pour le livre je suis allé photographier le dessous des vagues. Quand je faisais de la photo en aqua je descendais déjà sous les vagues pour photographier les surfeurs mais là c’était différent, j’ai fait un travail où j’allais dessous spécifiquement pour mes photos. Je me suis aussi payé un shooting en hélico, au cours duquel je suis allé sur des vagues peu connues. Ça a été une bonne expérience ! Sinon j’innove aussi dans mes cadrages. J’ai des habitudes de cadrage desquelles je me pousse à sortir. 
As-tu déjà voyagé pour la photo ? 
A.Q – Oui évidemment, mais je n’ai jamais voyagé seulement pour photographier. J’en profite toujours pour surfer et prendre des photos. Récemment je suis parti deux fois seul, aux Canaries et en Irlande. J’ai pris mes planches, mon matos et je suis allé faire de la photo. 


Y a-t-il des destinations qui te font rêver pour shooter ? 
A.Q – Il y en a plein ! Il y a d’abord les vagues mythiques. Je ne suis pas encore allé à Nazaré, à Teahupo’o et à Hawaii mais j’aimerais bien y faire un tour. Je n’ai encore jamais été au contact de vagues aussi monstrueuses que celles-ci. Et puis c’est un peu à la mode en ce moment mais j’aimerais faire une destination vraiment froide un jour, quand je vois ce que font des gars comme Chris Burkard. Je suis attiré par les récits, le côté aventure, le fait de sortir de sa zone de confort. Je ne suis pas un fou du froid mais j’y prends goût, je surfe en Loire Atlantique où les conditions sont froides. J’aimerais partir avec un ou deux copains, un peu à la dure, dans le but de surfer de jolies vagues dans des conditions pas faciles. À choisir ça me plairait peut être encore plus que d’aller à Tahiti ou à Nazaré. 
Y a-t-il des surfeurs professionnels que tu rêverais de shooter ? 
A.Q – J’ai déjà eu l’opportunité de photographier des surfeurs comme Andy Irons ou Shane Dorian. J’ai également eu la chance d’aller chez Tom Curren il y a quelques années maintenant. J’en profite d’ailleurs pour remercier Tom et sa femme qui nous ont accueilli dans leur maison de Santa Barbara en Californie, où je suis resté trois semaines. J’ai grandi dans le monde de la photo mais aussi dans celui du sport. Être au contact de gars qui ont essayé, qui se sont cherchés comme ça dans leur sport, ça fait partie des choses qui m’inspirent le plus. Aujourd’hui, j’adore le surf de John John Florence, ses mouvements, ses gestes, ses postures. Le photographier est quelque chose qui me fait envie. 


Est-ce que tu as un intérêt pour la vidéo ? 
A.Q – Non je ne fais pas de vidéo. J’adore ça mais il y a beaucoup de matériel à avoir, il faut pouvoir stocker les images, les dérusher, les monter… C’est toute une démarche. C’est un autre boulot, je laisse ça aux autres. (rires)
Peux-tu nous dire quelques mots sur ton livre ? 
A.Q – Il y a plusieurs personnes qui ont vu mon travail et qui m’ont dit que je devrais faire un livre et à l’époque ce n’était pas du tout dans mes plans. Mais sans le savoir ils avaient planté une petite graine et progressivement l’envie de faire un livre a grandi en moi. Je trouvais que c’était effectivement une bonne idée de rassembler mon travail, de mettre les photos en lien les unes avec les autres et de m’exprimer à leur propos. Et ça a pris tout son sens. Et puis l’objet livre d’une manière générale, je le trouve sexy. Le fait d’avoir un livre papier, de tourner les pages, c’est quelque chose qui a du sens dans le monde qu’on nous vend, ultra numérisé et complètement abstrait où les technologies prennent le pas sur des choses qui, pour moi, ont un peu plus d’âme. L’objet livre exerce une forme de résistance face à ce déferlement numérique. » 
Et voici 3 photos de son portfolio décryptées techniquement !

Costa Rica – Mars 2021
Nikon D700 – 50 mm – 1/500 – f8 
Histoire : Je viens d’arriver sur le spot avec ma compagne, ma fille de 4 ans, ma planche, mon sac photo sur le dos et je vois cette scène se dessiner :  l’arbre mort, le vieux vélo, le chien, la fille qui s’apprête à sortir de l’eau et la petite série parfaite qui rentre. En un quart de seconde, je décide de tenter quelque chose mais il faut que j’aille vite, le chien peut se barrer, la fille avance et la série va passer.  Je choisi mon 50 mm, je fais un réglage rapido, je me place et je cadre comme je le sens dans l’instant… Au final les choses se sont alignées : le chien est non seulement resté en place mais il a pris une petite pose sympa avec les oreilles bien dressées, la fille nous a fait une sortie grande classe façon Jenna de Rosnay, le spot a proposé une petite droite/gauche bien symétriques et personne n’est parti dessus juste histoire de rajouter de l’idyllisme à la scène. Tu me demandais la photo de surf parfaite : en terme de photo d’ambiance, de line-up qui fait rêver, là il me semble qu’on est pas loin de la perfection !

Loire Atlantique – Novembre 2021
Nikon D700 – 300 mm – 1/1000 – f 7,1
Surfeur : Arthur Bourbon
Histoire : Arthur était de passage à la maison dans le cadre de son aventure vélo/surf/rencontres dont il va faire un film. Son arrivée chez nous a coïncidé avec une des plus belles houles de l’automne. Je l’ai emmené sur cette vague qui marche très rarement. C’est un slab extrêmement compliqué à surfer qui est uniquement fréquenté par des bodyboardeurs. Ça a été un moment particulièrement sympa. Les gars ont super bien accueilli Arthur. Ils ont tous offert un super spectacle avec beaucoup de tubes surfés et sortis. Il y avait beaucoup de gens de passage qui s’arrêtaient pour profiter du show. C’est ce que j’ai voulu immortaliser avec ce cliché et ce positionnement en recul qui réunit et met en évidence à peu près tous les ingrédients de ce moment réussi.

Irlande – Avril 2019
Nikon D700 – 16 mm –  1/500 – f8
Histoire : J’aime ce cliché d’une part parce que je le trouve réussi : c’est beau, ça me plaît tout simplement. Et d’autre part parce qu’il est l’aboutissement d’une démarche dont je garde un souvenir assez fort. Tout d’abord je me suis offert ce trip en solo en Irlande pour surfer et faire des photos. Je suis parti sur une houle pour la première fois de ma vie (et la dernière à ce jour). J’avais une fenêtre, j’ai vu que les prévisions étaient bonnes pour l’Irlande et j’ai trouvé un billet Ryan Air. Je suis parti. Ce jour là, j’avais déjà fait deux sessions de surf et une session photo. Je suis retourné dans l’eau spécialement pour tenter de capter cette lumière et cette vision là. Il y a 1m20 off shore avec un pic bien tubulaire. Je suis seul à l’eau à la tombée de la nuit. Je donne tout pour ramener ce que je suis venu chercher. Je tremble de froid entre les vagues mais je me souviens éprouver un grand plaisir à faire ce que j’étais entrain de faire. Alors évidemment quand en plus ça marche, je suis particulièrement content, la confiance grandi un peu, ça entretient le plaisir et la motivation pour la suite… Et ça permet de mieux digérer la fatigue. 

>> Par Ondine Wislez Pons 
>> Retrouvez Antoine Quinquis sur son site et sur Instagram 

                       


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