CT 2024 : le point avec Johanne Defay à J-3 du lancement de saison

Pipeline et ses conséquences, l'absence de Gilmore et Moore, la nouvelle génération et son objectif de médaille aux Jeux, la représentante de la France au plus haut niveau nous dit tout !

26/01/2024 par Maia Galot

La WSL a orchestré hier son rituel media day, à quelques jours du lancement de la saison WSL, qui commencera sur le spot de Pipeline avec une waiting period qui s’étend du 29 janvier au 10 février. L’occasion pour nous d’échanger avec Johanne Defay à J-3 de l’événement. La Réunionnaise est la seule tricolore sur le Tour cette année, et si elle avait raté le début de saison en 2023 pour cause de blessure, elle est cette fois « bien arrivée à Hawaii » et en forme. Dans quelques jours, elle se mettra à l’eau pour sa première série de la saison, en heat 6 face à Lakey Peterson & Sawyer Lindbald. Interview.

Surf Session – Pipeline est une étape que tu as loupée l’an dernier à cause de ta blessure, est-ce que ça ajoute un stress d’avoir un expérience de moins que les autres sur cette vague de conséquence ?

Johanne Defay – Ça ne me fait pas stresser d’avoir eu « une expérience de moins« , je ne me suis pas vraiment dis ça parce que je pense que c’est très dur de toute manière d’acquérir de l’expérience ici. Les filles ont peut-être quelques pourcentages de plus mais honnêtement en échangeant avec tout le monde je sais que c’est encore le stress à l’eau pour chacune. Carissa m’expliquait qu’elle galérait autant, que ça fait quelques hivers qu’elle essaie d’aller surfer, de s’entrainer, de progresser et que les récompenses sont quand même vraiment minimes comparé à l’effort qui est mis. Parce qu’on dépend de l’océan, clairement, et qu’on ne peut pas s’entrainer tant qu’on le veut. Depuis que je suis arrivée, depuis 4 jours, je n’ai pas surfé Pipeline parce que sur le forecast il y a 10-15 pieds (3m à 4m50), qu’il y a du vent et juste que c’est énorme. Même des mecs comme Jordy Smith qui checkait hier choisissent leur session.

Johanne Defay Pipeline Backdoor
Johanne Defay lors du Billabong Pro Pipeline en 2022. © WSL

Carissa m’a donné une statistique assez marrante hier, elle m’a dit que ça fait 3-4 saisons qu’elle s’entraine à devenir meilleure ici, sachant que c’est quand même la meilleure mondiale et qu’elle habite à Hawaii. Sur ces 4 saisons, des sessions qui soient biens, avec une taille correcte c’est à dire qui nous challenge sans nous terrifier, qui soit abordable psychologiquement et personnellement, il y en a 5-6 dans l’hiver généralement. Avec 300 personnes à l’eau tu prends en fait 2 vagues par session donc sur ton hiver tu as pris 10 bonnes vagues. Comment s’entrainer en prenant 12 vagues par an ? Je lui ai dis « si tes statistiques sont celles-ci j’imagine pas les miennes » (rires). J’ai fait un choix car je ne vois pas trop l’intérêt à mon age, dans ma partie de carrière et encore plus dans l’année des Jeux de venir passer des semaines ici au risque de se blesser. Cette saison les lifeguards ont déjà sortis 12 personnes inconscientes de l’eau et l’hiver n’est pas terminé, il y a aussi des gens qui se blessent sans parler de perdre connaissance.

Ce n’est pas ma priorité et tant pis si j’ai l’air un peu ridicule parfois à Pipe si c’est trop gros ou autre et que je n’arrive pas à gérer. Une chose est sûre c’est que je n’ai pas envie de me blesser cette année et en plus tous les efforts que cela demanderait me ferait gagner 1 ou 2% de mes capacités, les récompenses sont trop faibles au vu de l’implication que ça demande. Pipeline c’est compliqué donc je me suis un peu détachée de tout ça. Également, ce n’est pas ce qu’on nous demandait à l’époque. Effectivement il y a des jeunes filles qui ont chargé sur le spot dernièrement mais c’est la nouvelle génération, on est passé par là nous aussi, à 16 ans on a tout à prouver, on a pas le même rapport à la vie, pas la même expérience, ce ne sont pas les mêmes objectifs qui se jouent et ce ne seront pas les mêmes carrières. Elles vont devoir surfer là-bas tous les ans (rires), nous on surfait Huntington Beach, il fallait savoir quelles planches marchaient dans les petites vagues alors que là on se retrouve sur des 6’2, 6’4, 6’6… ce n’était pas ce qu’on faisait jusqu’à présent.

Outerknown Tahiti Pro Johanne Defay
Johanne Defay lors du Outerknown Tahiti Pro 2022, Teahupo’o © Damien Poullenot/World Surf League

Tu parles de ne pas risquer la blessure, l’un de tes gros objectifs de l’année étant une médaille aux JO, comment est-ce que tu compartimentes l’année à venir avec ces différentes échéances ?

Je pense qu’il y a une constante, car les progrès que je peux faire à Teahupo’o et l’envie que j’ai de progresser là-bas est principalement pour les Jeux mais ça me construit aussi en tant que surfeuse et je m’améliore. Il y a des limites que je repousse en ce moment qui sont importantes pour moi en tant que surfeuse donc j’en profite forcément pour le circuit WSL et mes étapes de coupe du monde donc c’est cool. Je vois cela dans son entièreté mais effectivement Teahupo’o c’est très spécifique donc j’ai fait des choix, j’y suis restée un mois en août et j’y suis retourné un mois avant la saison.

L’un des gros sujets du moment c’est l’annonce de retrait du Tour de Carissa Moore et Steph Gilmore, qui étaient les deux seules surfeuses entre toi et un potentiel titre mondial lors de ta dernière saison complète, est-ce que ça augmente tes chances ?

Clairement statistiquement elles ont dominé les 10 dernières années donc oui ça fait de la place pour les autres mais il s’est passé tellement de choses : je me suis blessée, le format est différent, les vagues sont différentes… pleins de choses qui font que la situation est différente. Donc je ne me dis pas « cool, elle sont parties je vais pouvoir faire mon truc« , vraiment pas. Effectivement ça laisse de l’espace mais les choses ont évolué et ce sera tout aussi difficile. Même si c’est vrai que dans ma carrière il y a pleins de fois en quarts où Carissa m’a sortie et mes statistiques sont bien moins comme ça avec d’autres filles. À voir, mais je ne me dis pas « nickel c’est moi la patronne » (rires).

Il y aura du coup plus de surfeuses plus jeunes cette année sur le Tour, est-ce que cela va te pousser à jouer tes séries différemment, à t’adapter, sachant que toi tu as l’expérience mais qu’elles peuvent proposer un surf différent ?

Oui j’imagine, c’est vrai qu’on les connaît moins, qu’on connaît moins leur façon de faire à l’eau donc ça va nous demander un peu d’adaptation. Mais effectivement avec l’expérience ça devrait bien se passer, je vais me reposer sur ça mais aussi m’adapter et évoluer un peu, c’est un tout et « tu fais ton cari » comme on dit à La Réunion (rires). Je ne sais pas encore ce que ça va donner, l’année dernière il y avait déjà quelques nouvelles, cette année encore plus, on va voir.

Y a t-il un événement du Tour que tu as hâte de surfer ?

Je dirais Fidji sur le circuit pro, c’est le dernier de l’année mais ça va être cool et c’est clairement ma motivation pour passer le cut. »

  • À noter que Johanne Defay avait remporté le Fiji Women’s Pro en 2016, l’une de ses premières victoires sur le Tour et encore aujourd’hui l’un de ses meilleurs souvenirs en compétition. Cette année, Johanne a dans ses objectifs une victoire sur Tour après sa blessure la saison passée et une médaille aux Jeux.

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