En septembre 2017, l’ouragan Irma s’était abattu sur plusieurs îles des Caraïbes, dont Barbuda, qui avait été complètement dévastée. Les habitants de l’île s’étaient alors réfugiés un temps sur l’île d’Antigua. Des promoteurs étrangers ont profité de leur absence pour s’approprier une partie de leurs terres au profit de leurs intérêts économiques.
Depuis l’abolition de l’esclavage en 1834, les habitants ont partagé leurs droits communaux sur la terre selon un système foncier unique en son genre, qui a su protéger l’environnement social et biologique de l’île. Toutes ses terres appartenaient à la communauté et elles ne pouvaient être achetées ni vendues.
La nouvelle législation de 2017 a introduit la vente en pleine propriété des terres, mais elle fait toujours l’objet d’une bataille judiciaire. Ces promoteurs se sont donc appropriés une partie des terres qui ne leur appartiennent pas pour y construire des infrastructures destinées à un tourisme de luxe. Les Barbudiens ont tenté de résister devant les tribunaux, mais ils n’ont pas été écoutés.
L’un de ces projets immobiliers est en train de voir le jour là où déroule une vague de classe mondiale et la menace terriblement. Les surfeurs sont nombreux à avoir rejoint la cause des Bardubiens et à se mobiliser contre le projet. Nous avons échangé avec l’un d’eux.
Arthur Bourbon, est originaire des Caraïbes et il est très impliqué dans la défense de l’île et de la vague : « C’est une réserve naturelle, mais c’est aussi l’un des plus grands sanctuaires caribéens pour les oiseaux. Tout le tour de l’île est constitué de lagons et de réserves maritimes préservées.«
Arthur connait bien la vague : « J’ai eu l’occasion de surfer plein de fois cette vague. J’ai même fait une couv de Surf Session dessus ! C’est un endroit magique où le sable est à moitié rose et la vague bleu turquoise. Quand j’ai appris qu’elle risquait d’être détruite j’ai été très touché. Très touché aussi par le désastre écologique que ces constructions pourraient entraîner et par cet espèce de colonialisme moderne. »
Pour lutter contre ces projets immobiliers qui mettent en péril l’ensemble de l’île, une résistance s’est organisée sous le nom de Save Barbuda et sa devise est la suivante :
« Les milliardaires détruisent Barbuda au bulldozer, notre mission est de défendre l’île avant qu’il ne soit trop tard. »
Des promoteurs tels que PLH Partnership privatisent l’île. Le Barbuda Ocean Club à Palmetto Point, est un projet de résidence de luxe. Une fois achevée elle ne comportera pas moins de 450 résidences privées ainsi qu’un parcours de golf, le tout construit sur une zone humide protégée. Il y a aussi le Barbuda Ocean Club à Coco Point,un complexe privé qui a déjà ouvert ses portes et dont la construction se poursuit. Le Barbuda Ocean Club a également vendu plusieurs parcelles destinées à la construction de résidences privées, malgré que ses droits à le faire soient largement contestés.
Un projet de piste d’atterrissage internationale doit également sortir de terre. Ses initiateurs avaient profité de l’absence de la population pour entamer le défrichage du terrain où la piste doit être construite. Elle acheminera des voyageurs internationaux vers ces nouvelles stations de luxe. La construction de la piste suit son cours sans avoir attendu l’approbation locale et sans les études scientifiques nécessaires. Elle est d’ailleurs financée par le propriétaire du Barbuda Ocean Club.
dont les conséquences sont multiples et néfastes
Ces stations de luxe et tout ce qu’elles vont générer (et génèrent déjà) menacent l’île tout autant que ses habitants. En plus de voir leurs droits fonciers bafoués leurs droits humains sont menacés. Les Nations Unies ont d’ailleurs exprimé leurs inquiétudes à ce sujet.
Les écosystèmes, la faune et la flore de l’île sont en danger eux aussi. La vie et la culture de l’île dépendent de la terre et ses habitants ont toujours veillé à ce qu’elle soit protégée. Depuis 2005, le parc national de Codrington Lagon est classé « zone humide d’importance internationale » et protégé par la convention RAMSAR. PLH construit ses infrastructures ainsi qu’un golf sur ces zones. Sans parler du fait que ces constructions augmentent l’exposition de l’île aux phénomènes météorologiques violents. Les modifications du littoral suppriment les défenses naturelles de l’île.
Pour finir, la construction du Barbuda Ocean Club menace la qualité des vagues que le littoral abrite. Un point break de classe mondiale, constitué de sable délicat pourrait disparaître si la morphologie du littoral est modifiée.
Arthur – « Ces constructions risquent de changer gravement la morphologie de cette pointe de sable et de détruire la vague. Ils construisent très près de l’eau sur la plage. Mais dès qu’il y a une grosse houle toute la zone est inondée. C’est là où ils construisent le golf, dont certaines parties ont déjà été submergées. Ils ont donc détruit les petites dunes, qui sont des protections naturelles, pour en construire des plus solides qui ne sont pas forcément plus efficaces. Le risque c’est qu’au bout d’un moment, pour protéger leurs investissements, ils construisent des murs et des digues qui achèveront définitivement le spot. Même si pour le moment on ne peut pas savoir si la vague va être détruite partiellement, complètement ou pas du tout… »
Face à ces menaces, la résistance s’organise
De nombreuses actions en justice ont été menées contre les promoteurs privés et le gouvernement d’Antigua-et-Barbuda. Des défenseurs locaux et internationaux ont soutenu les enquêtes menées par des experts de l’ONU sur ces questions. En juillet 2021 l’ONU a publié une déclaration à l’intention du gouvernement de l’archipel, exprimant sa profonde inquiétude. Plus tôt, en décembre 2020, le Conseil de Barbuda et le Global Legal Action Network (GLAN) ont déposé plainte auprès du secrétariat Ramsar, concernant la destruction du parc national de Codrington Lagoon. Cette plainte avait pour objectif d’obliger l’État et les investisseurs à respecter les droits en vigueur à propos de la protection de l’environnement.
Arthur – « Mais malgré tout cela il ne se passe pas grand chose. C’est assez hallucinant ! Ces mecs ont tout faux mais personne ne dit rien. Il faut qu’il y ait une vraie pression médiatique pour qu’un terme soit mis au projet. Pour le moment il y a eu des articles dans de gros journaux internationaux tels que The Guardian ou National Geographic mais rien n’y a fait. Le surf est un bon moyen de faire parler du problème, tous les magazines de surf relayent la news et c’est grâce à eux que les surfeurs s’unissent, se font passer le mot. Mais certains surfeurs restent un peu frileux. Ils pensent qu’on est en train de griller spot et que dans tous les cas on ne pourra rien changer. Ils préfèrent espérer que le spot ne sera pas abîmé plutôt que de le révéler, mais on est beaucoup à ne pas être de cet avis.«
Les surfeurs s’impliquent et vous aussi pouvez le faire !
L’objectif premier des surfeurs qui se mobilisent est de faire du bruit.
Arthur – « On a du réseau dans le monde du surf. Les surfeurs, les magazines et les marques de surf sont déjà nombreux à avoir relayé l’info et il faut que cela continue. L’idée est de se servir de notre pouvoir pour communiquer. On veut faire éclater la vérité aux yeux du monde et on espère qu’un jour la pression médiatique sera assez importante pour stopper le projet. Il n’est pas trop tard ! »
Si vous souhaitez prendre part à cette résistance, vous pouvez suivre l’évolution de la situation et partager l’actualité de Save Barbuda et les actions qu’elle mène sur les réseaux sociaux. Vous pouvez également vous manifester et faire entendre votre voix en envoyant un mail au gouvernement de l’île et aux promoteurs. Dans votre message vous pourrez exprimer votre soutien au Conseil de Barbuda et indiquer les raisons pour lesquelles vous vous opposez au projet. Toutes les infos et les adresses mail sont à retrouver ici.
Arthur – « Il faut partager un maximum et impliquer les gens dans cette histoire ! Ils peuvent également faire des donations pour aider aux financements des frais juridiques. Une pétition ne devrait pas tarder à se mettre en place. »
> Si vous souhaitez participer à la cagnotte c’est ici.