Jacques Lajuncomme : "C’est complètement grotesque comme règle, je suis révolté"

Le nouveau Président de la Fédé revient sans mâcher ses mots sur cette règle des 10 et 30km et répond par la même occasion à ceux qui trouvent que la Fédé n'en fait pas assez.

14/04/2021 par Marc-Antoine Guet

Décidément, surf et Covid ne partiront pas en vacances ensemble cet été car la relation entre les deux reste compliquée.
Si l’année dernière, la préoccupation était dans un premier temps de savoir si oui ou non on pouvait (légalement) surfer sans risquer d’amende, on a ensuite essayé de comprendre le concept de la plage dynamique, avant que n’apparaisse le feuilleton de réouverture des plages. 

Cette année, en 2021, la saga continue. Car si le Ministère des sports a annoncé la semaine dernière qu’il était à présent possible d’accéder à un équipement sportif de plein air n’importe où dans votre département ou bien dans un rayon de 30km autour de chez vous, cela n’est pas valable pour la pratique du surf.  Sont concernés donc : les courts de tennis, les piscines en extérieur, les stades, les golfs… mais pas l’océan !

La pratique du surf reste donc possible uniquement pour les personnes résidant à 10km ou moins d’un spot. Les écoles elles, ont l’autorisation d’exercer dans un rayon de 10km, avec des adhérents habitant eux aussi dans ce rayon des 10km. Tout en respectant bien évidemment les horaires du couvre-feu (19h-6h).

Une situation vécue par beaucoup comme une injustice, Jacques Lajuncomme en tête. Joint ce matin par téléphone, le nouveau Président de la Fédération Française de Surf, élu en décembre dernier, a bien voulu répondre à nos questions. Sans mâcher ses mots. 

Entretien réalisé ce matin. 

C’est quoi exactement cette règle des 10/30 km ?

Pourquoi le surf n’est pas concerné comme peuvent l’être le tennis, les stades, les golfs… ? 

Jacques Lajuncomme – « Je ne comprends pas cette mesure de restriction d’accès aux sports en pleine nature. Je ne la comprends absolument pas. Pour être précis, le Ministère des Sports ne dit pas qu’il y a une limitation de 30km. Pour eux, au sein d’un même département, il n’y a pas de limite de kilomètre. Les 30 km s’appliquent uniquement en cas de changement de département et ils ne parlent que de la pratique encadrée, c’est à dire les cours donnés dans les écoles ou les clubs. Pour pouvoir suivre ces cours, ils prennent un référent administratif qui est « les établissements recevant du public en plein air ». Et ils disent que « tous les autres, vous n’êtes pas concernés ». Voilà la règle pour eux. Donc sont concernés d’après eux, les stades, les golfs, etc mais pas l’océan. Nous, on n’est pas considéré comme des établissements recevant du public en plein air. Donc pour nous c’est 10km ».


Pourquoi le surf ne fait-il pas partie des « établissements recevant du public en plein air » ?

J.L – « Je conteste ça ! Je suis révolté. On est en plein air et on sait que la pratique du sport en plein air ne génère pas de risque pour la santé, bien au contraire. Mais pour eux, il y a des critères. Il y a un dispositif administratif dans lequel on ne rentre pas et ça, ça me révolte. Je demande juste un traitement d’égalité. Toutes nos écoles de surf ont des professionnels formés aux premiers secours. Ils ont la capacité d’intervenir. Mais j’ai le sentiment que comme l’activité se déroule sur la plage ou au bord d’une rivière, le Ministère considère qu’on est sur l’espace public. Et comme on est sur l’espace public, il ne considère pas que nous sommes un établissement recevant du public. Pour eux on n’est pas dans un espace clos comme le golf ou les courts de tennis peuvent l’être. Faut pas déconner ! Mais on n’est pas les seuls à être traité comme ça. C’est incompréhensible. Surtout que dans le même temps, on nous dit qu’il faut lutter contre la sédentarité et que le sport de plein air c’est bon pour la santé. Nous on a des gosses qui, parce qu’ils vivent à plus de 10km de leur club, ne peuvent pas y aller. J’ai des parents qui nous écrivent en nous expliquant qu’ils ne comprennent pas par exemple que leur enfant ne puisse pas rejoindre son club de Capbreton parce qu’ils habitent à Dax alors que ses camarades eux, peuvent continuer de surfer. C’est très injuste et ce n’est pas acceptable. Dans les Landes, en Gironde, en Loire-Atlantique, en Bretagne… il y a quand même des zones rurales fortes ! C’est complètement grotesque comme règle. »


Quels sont les moyens de la Fédé aujourd’hui pour lutter contre ce que beaucoup considèrent être une injustice ? 

J.L – « Il y a deux moyens et ils sont déjà en marche. Le premier c’est de s’allier à d’autres. Parce qu’on est plusieurs Fédé dans le même cas et à plusieurs, il sera plus facile d’aller faire du lobbying auprès du Ministère des Sports. On a activé aussi le réseau du Comité national olympique et sportif français (CNOSF). On est dans une démarche commune avec d’autres Fédé.

Et l’autre moyen dont nous disposons c’est de renforcer nos effectifs pour peser plus. Aujourd’hui, il y a environ 680 000 surfeurs en France. Nous, avec les gens qui prennent des cours, on représente 80 000 personnes. Voilà le gap. Si on veut que la Fédé défende l’ensemble des pratiquants, il faut que ces derniers nous rejoignent. On est d’ailleurs en train de réformer la licence pour que ce soit plus facile. On a aussi un autre handicap, c’est que la pratique du surf est loin des centres de décision qui pour l’essentiel sont à Paris. Et à Paris, on doit se battre pour faire reconnaître le surf comme un sport et pas comme un simple loisir de plage. Les J.O. prennent toute leur place dans cette histoire. Et honnêtement, je ne pense pas que ce que je demande nuise à l’effort national pour lutter contre la pandémie. On demande juste qu’au sein même d’un département, l’ensemble des licenciés puissent rejoindre leur club de surf. Même s’ils habitent à plus de 10 kilomètres. » 

Qu’est-ce que vous répondez à celles et ceux aujourd’hui qui trouvent que la Fédé n’en fait pas assez ? 

J.L – « Certaines personnes nous reprochent de ne pas travailler mais c’est parce qu’elles ne savent pas ce que l’on fait. Parfois, ce qu’il faut comprendre, c’est que l’on ne peut pas communiquer instantanément sur ce que l’on fait parce qu’il y a un ordre pour faire les choses. Dans un premier temps, quand l’annonce nous est tombée sur le coin du nez, on se devait d’informer et de s’en tenir aux faits afin de ne pas laisser dans l’ignorance les adhérents. D’abord tu dois dire ce qui est. Ensuite, en interne, tu prends des décisions. Là par exemple, on a rencontré d’autres Fédérations, on a fait un courrier à la Ministre des Sports, un autre au Président du CNOSF. Mais tant que tout le monde au sein de la Fédé n’est pas d’accord sur ce que l’on va écrire, tu ne peux pas le faire. Je sais, c’est chiant et c’est difficile à expliquer. Mais quand tu discutes à plusieurs, il y a forcément des sensibilités différentes, il y a donc des compromis à trouver, et ça peut prendre du temps. 

Mais du coup, il y a forcément un décalage entre le moment où tu fais et le moment où tu dis que tu fais. Et dans cet espace là, tu te fais engueuler.  Et il faut que les gens comprennent aussi que nous ne sommes pas une énorme usine. On est 8 salariés, 8 cadres d’Etat et 14 bénévoles qui ne sont pas là à 100% car ils ont d’autres activités à côté. On bosse tous, mais il y a beaucoup de boulot ». 

Quel est le message de la Fédération aujourd’hui ? 

J.L – « On a des clubs et des écoles sur toutes les côtes et les plans d’eau intérieur. L’accueil est fait par des professionnels, on sait recevoir du public dans le respect du protocole sanitaire et par conséquent, on ne comprend pas qu’il puisse y avoir une différence de traitement. Il y a ce qu’on peut faire et ce que l’on ne peut pas faire. Aujourd’hui, on ne peut pas ne pas tenir compte du contexte actuel. On ne peut pas revendiquer le fait d’ouvrir tout à tout le monde. Par contre, ce que l’on peut faire et ce que l’on fait déjà, c’est faire du lobbying auprès du Ministère des Sports, du CNOSF… Mais ça demande du temps et des moyens. Personnellement, je réponds à tous les gens qui écrivent à la Fédé.

Aujourd’hui, la Fédé de Surf n’est pas impuissante, elle commence à être reconnue parce que des gens mouillent et ont mouillé la chemise. Mais il faut que l’on soit plus nombreux à parler d’une seule et même voix. Notre champ d’action aujourd’hui c’est de faire assouplir ces règles et faire que notre sport soit reconnu au même titre que les autres sports de pleine nature. Et ça passe par des alliances avec d’autres Fédérations avec qui on partage nos espaces de pratique. On pourrait décider de faire les cow-boy, mais on n’en sortira pas gagnant ni grandi. Il faut avoir une démarche responsable et être droit dans ses bottes. Nos convictions à la Fédé c’est que tout le monde doit pouvoir pratiquer dans son club tant que c’est dans le département. »     

Photo à la une : D.Pernaud                                


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