The ASP Hollywood Tour, saison 1 épisode 2 : Margaret River

Gentils, méchants, winners, losers, suspense, sang, larmes et coups de théâtre... Bienvenue dans l'ASP World Tour croqué façon série hollywoodienne par Franck Lacaze !

15/04/2014 par Baptiste Levrier

Il s’en était fallu de 122 secondes et 1,19 points, le temps et les points manquants à Michel Bourez pour empocher son premier succès sur l’ASP World Championship Tour. C’était il y a dix mois au large de la plage de sable noir de Keramas, à Bali, où Joel Parkinson venait de priver au buzzer le Tahitien d’un succès que beaucoup lui prédisent depuis son arrivée dans l’élite du surf professionnel en 2009. L’injustice a enfin été réparée : le “Spartan“ vainqueur de l’Australien Josh Kerr en finale de la deuxième étape du WCT à Margaret River, tient enfin sa victoire…

DANS L’ÉPISODE PRÉCÉDENT

Quelques semaines plus tôt sur la Gold Coast… En disposant successivement et méthodiquement de ce que l’Australie propose de mieux depuis 15 ans dans son pré carré de Snapper RocksFanning, Burrow, Parkinson-, Gabriel Medina est devenu le premier Brésilien vainqueur du Quiksilver Pro. Surtout, il semble avoir retrouvé la flamme qui l’habitait fin 2011 lorsqu’il remportait à 17 ans seulement deux contests du WCT, signant l’arrivée la plus tonitruante jamais vue au sommet de la hiérarchie mondiale. Les larmes de Peniche 2012 ont été séchées, la déception d’Hossegor 2013 digérée, les doutes de deux saisons ponctuées de (quelques) hauts et de (beaucoup) de bas (provisoirement) envolés ; drapé d’une nouvelle ambition presque exclusivement cantonnée au strict cadre de la vague, le Gaby nouveau serait-il arrivé ? Ne lui restait plus qu’à confirmer en Australie de l’ouest…

THE WILD WILD WEST

Seulement voilà, la côte occidentale australienne ne s’offre pas au premier Brésilien venu, fut-il aussi doué que le bambin de Maresias. Qui que l’on soit, la côte ouest ne s’offre pas, elle se mérite ! De retour au calendrier WCT masculin pour la première fois depuis 24 ans (les filles s’y étaient déjà donné rendez-vous en 2013), le Drug Aware Pro a pour cadre Margaret River, sorte de Far West du surf professionnel où les fragiles certitudes de Snapper Rocks sont confrontées à des éléments plus rudes. L’antithèse de l’exubérante et surpeuplée Gold Coast : ici, point de buildings ou de hordes de surfeurs bruyants et bigarrés se disputant des vagues semi-tropicales et accessibles. À l’extrémité sud-ouest d’un grand désert ocre, la nature est presque intacte, les habitants plus policés et les surfeurs ont depuis longtemps adopté le profil bas de ceux qui sont quotidiennement confrontés à un environnement à peine domestiqué qui peut rapidement devenir sauvage… voire hostile.

Et ce vaste Océan Indien qu’une armée de radars balaye encore inlassablement en quête d’un Boeing mystérieusement disparu va effectivement s’avérer hostile durant cette dizaine. Rétif plutôt : le spot de Surfers Point, comme piqué par une mystérieuse mouche tsétsé, jouera avec les nerfs des organisateurs, les obligeant à attendre l’ultime journée pour couronner un vainqueur. Surtout, là où on espérait une gauche massive, c’est une droite fuyante et inégale qui se révélera insaisissable pour une majorité de surfeurs qui se demandent encore aujourd’hui comment l’aborder.

NO ROOKIES, NO GOOFIES, NO KIDDIES

Si les observateurs aguerris avaient opportunément misé sur les performances des power surfers, peu avaient imaginé les défaillances de quelques cadres et notamment celles d’un champion du Monde Mick Fanning, d’un gendre idéal Julian Wilson, ou d’un joyau toujours trop brut John John Florence. Fanning qui avait validé son titre mondial en disposant de son compatriote Yadin Nicol en quarts du dernier Pipe Masters n’est pas tombé ici sur un ingrat. Invité des organisateurs, Nicol, local qui a grandi dans le bled voisin de Cowaramup a d’abord battu Slater au premier tour avant de prendre une cinglante revanche sur Fanning en livrant le meilleur heat de son éphémère carrière sur le WCT avec un air 3.6 stratosphérique à la clé. Hors rythme, le “White Lightning“ n’était de toutes façons pas sur le bon courant. Même constat pour “Double Jay“ dans la série la plus attendue du troisième tour face à Gabriel Medina, malgré une belle envolée, l’Hawaiien ne put rivaliser avec le Brésilien. Deuxième désillusion australienne pour JJF pourtant ancien vainqueur ici en 2012.

Fer de lance des goofies, Medina n’irait pas beaucoup plus loin sur cette droite qui s’avérait encore plus insaisissable backside même pour les meilleurs d’entre eux : exit dès les quarts pour Medina et Nat Young. Quant aux rookies, pas un seul ne parvint à franchir le cap du troisième tour (Jadson André 13ème, tous les autres sortis dès le round 2).

Que dire de la mésaventure de l’autre local de l’étape Taj Burrow ? Il se demande encore comment il a pu perdre deux fois la même série du 3ème tour face à Bede Durbidge (1).

AND THE WINNERS ARE ?…

Cette étape était donc promise aux patrons et/ou aux maîtres du carving et il ne fut donc pas anormal de retrouver Parko, Slater, Smith en quarts. La résurrection de Durbidge et le parcours de Josh Kerr, vainqueur ici en 2010, étaient à peine moins surprenants. Mais il était écrit que cette compétition serait celle de Michel Bourez. Cet environnement sauvage et ces vagues indomptables offraient le support idéal au surf surpuissant de l’enfant des Australes. Après Adriano de Souza défait autoritairement dans les tubes compacts et carrés de The Box (le slab voisin qui a accueilli les 4 séries du cinquième tour et a permis de sauver les apparences d’une compétition globalement calamiteuse), c’est bien Kelly Slater qui a été la victime la plus spectaculaire de Bourez. Le Floridien qui ne cessait de répéter candidement qu’il n’avait pas trouvé les clés du spot (on sourit) semblait pourtant en balade sur son quad vierge de stickers face à des adversaires encore plus perdus que lui. Le “Spartan“ était parti pour subir le même sort lorsqu’à 7 minutes du terme de leur demi-finale, en quête d’un 9,17, il démarra sur une droite qu’il allait littéralement dépecer à la manière d’un baleinier japonais avec le lay-back snap le plus ahurissant de la semaine : 9,37 points et rideau sur les ambitions du “divin chauve“.

L’ultime affrontement face à un Josh Kerr qui promena sa nonchalance et son choix de vague incomparable jusqu’en finale fut presque une formalité pour Michel Bourez. Le Queenslander sembla à court de carburant, contrairement au Tahitien. Même si ce dernier savait qu’il pouvait craindre à tout moment une fulgurance de l’ancien champion du Monde des “airshows“. Qui n’arriva jamais…

ET LES FRANÇAIS ?

Le grand sourire de Michel qui dédiait sa victoire à sa chérie Vaimiti, leur fils Kaoriki et plus largement à tout le peuple tahitien fut le grand rayon de soleil de cette étape australienne qui fut par ailleurs sombre dans le camp tricolore. Jérémy Florès qui était jusque-là le seul vainqueur français sur le circuit WCT (2) fut défait sans gloire dès le second tour par un Kolohe Andino qui n’eut pour seul mérite de replaquer un air reverse pour décanter une série tendue dans des conditions là encore difficiles.

Constat à peine plus réjouissant chez les filles avec une Johanne Defay sortie au quatrième tour (9ème) par Malia Manuel mais qui a toutefois battu la demi-finaliste de la Gold Coast Lakey Peterson au second tour. De quoi rebooster la confiance de la Réunionnaise qui a toutes les raisons de croire en son surf. Quant à Pauline Ado, battue d’entrée (13ème), elle n’a pu rivaliser avec une Paige Hareb qui a proposé plus de radicalité backside. Vivement Bells beach !

Côté compétition féminine, contrairement aux garçons, pas la moindre surprise avec dès les quarts de finale, les suspectes habituelles (le top 8 de 2013) et la même finale que l’an passé pour un résultat identique : Carissa Moore devant Tyler Wright. Il y a fort à parier que l’on retrouvera ce même duel australo-hawaiien tout au long de la saison tant ces deux surfeuses semblent au-dessus du lot…

DANS LE PROCHAIN ÉPISODE

On reste down under pour le fameux Bells Rip Curl Pro qui conclura pour les filles comme pour les garçons le triptyque australien. Concourue depuis 1962 sur les longs murs verdoyants de Bells ou de Winkipop, deux droites de point-break propices au carving (ou en dernier recours sur les spots de replis lointains de Woolamai ou Philip Island), la doyenne des épreuves du World Tour revendique son statut de plus vieille compétition professionnelle au Monde. Elle n’a pour ainsi dire couronné que des grands noms du surf mondial dont Carissa Moore et Adriano de Souza, les tenants du titre. Coup d’envoi dès ce mercredi si les conditions le permettent.

Franck Lacaze*

(1) En démarrant avec la priorité sur une vague dans les dernières secondes de sa série à la recherche d’un 7 pts synonyme de victoire, Taj Burrow s’est pris accidentellement le bras dans le leash de son adversaire Bede Durbidge et a chuté dès le take-off. Conformément à une nouvelle règle de l’ASP (n° 135.05) le jury -estimant que Burrow aurait pu obtenir la note sur cette vague- a décidé de faire resurfer la série à la fin du round 3. Amer mais fair-play comme toujours, Bede a accepté de resurfer… Et a remporté une nouvelle fois la série.

(2) Le Pipe Masters 2010 en dominant l’Australien Kieren Perrow en finale, et en ayant battu Kelly Slater en demies.

* @francklacaze : ancien surfeur pro, rédacteur en chef du magazine Trip Surf de 2000 à 2007, commentateur de toutes les épreuves de l’ASP World Tour sur la chaine MCS Extrême (Canalsat 127 ou Numéricable 153).


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