‘Le souvenir que je garde d’Andy’ : l’hommage de Kelly Slater à A.I

Dans un billet sincère et émouvant, le Floridien a rendu hommage il y a quelques jours à son ancien rival devenu ami au fil des années...

06/11/2011 par Romain Ferrand

Un an après la disparition d’Andy Irons, Kelly Slater, son ancien rival devenu ami au fil des années, lui a rendu hommage il y a quelques jours sur le site américain theinertia.com. Un texte vrai et émouvant dans lequel le décuple (eh oui…) Champion du Monde se livre avec sincérité, revenant sur la nature parfois compliquée de leurs rapports.

Le souvenir que je garde d’Andy :

« On m’a demandé à de multiples reprises de donner mon opinion et de faire des interviews à propos d’Andy Irons et des situations et décisions qui ont mené à son départ prématuré de notre monde. Ça n’est pas quelque chose que je prends à la légère. J’ai mes propres opinions, pas seulement à propos des choix d’Andy et de la façon dont il en est arrivé là, mais aussi à propos de la façon dont ces choses sont traitées de tous les côtés de l’histoire. Mais quelle est la vérité ? Quelles opinions comptent vraiment en dehors de celles de sa famille et de ses amis les plus proches à propos de qui ils connaissaient et comment ils se sentent intérieurement ? Qu’est-ce que chacun d’entre nous espère retirer de l’histoire d’Andy Irons ? Et qu’est-ce que nous voulons apporter à l’histoire de sa vie ?

J’ai été confronté, de façon étrange, à la mort de mon père à travers Andy. Même si il était de 6 ans plus jeune que moi, il me rappelait un frère ainé et pour cette seule raison, nous avons eu une relation de confrontation. Nous voulions la même chose et nous savions que l’autre était en passe de l’avoir.

Mon père est décédé en avril 2002, et j’ai fait des t-shirts avec une photo de lui dessus. Andy et moi n’étions pas encore proches donc il n’en avait aucune idée. Pendant les quelques mois qui ont suivi, je titubais comme un zombie, profondément attristé du fait que je ne reverrais jamais mon père. Andy avait commencé l’année en gagnant deux compétitions et en prenant la tête du Tour. Je venais de revenir sur le Tour mais je n’avais pas le sentiment de me préoccuper de gagner quoi que ce soit, à l’exception peut-être d’une guerre de mots ou d’une bagarre avec quelqu’un. Andy était juste le mec.

Je vais partager une histoire, mais par souci de brièveté, je dirai juste ceci : Nous avons fini vraiment bourrés lors d’un trip à Tavarua et nous avons eu des échanges un peu virulents. J’ai dit quelque chose à propos du fait qu’il était le mec du moment après avoir gagner deux contests. Il s’est mis à me crier dessus et à rigoler, « Tu deviens chauuuuuuveeee, hahahaha. » Je lui ai dit qu’il saurait comment je me sentais quand son père serait mort, et il a commencé à me frapper au visage (je l’avais déjà frappé quelque temps plus tôt au visage dans un combat de catch complètement fou à 10 dans un taxi). Shane Dorian l’a alors plaqué et l’a éloigné de moi en lui disant que mon père était mort quelques semaines avant. Andy a commencé à pleurer hystériquement et à me prendre dans ses bras en s’excusant pendant près d’une demi-heure avant d’aller au lit, et de s’excuser à nouveau le jour suivant. D’une certaine façon, bizarrement, je pense que je voulais juste qu’il sache que j’étais blessé parce qu’il y avait des chances qu’il devienne vraiment rude, même si c’était le gars le plus sensible du monde. Il y avait juste cette sorte d’étrange et maladroite dynamique entre nous. Quelques mois plus tard, il gagnait son premier titre et tout ce que j’ai réussi à faire, ça a été de lui donner un de ces t-shirts que j’avais fait avec une photo de mon père dessus, et de le féliciter. Il m’a donné une accolade, m’a remercié et s’est senti un peu gêné que je lui donne un t-shirt avec une photo de mon père. D’un côté, il savait pourquoi je l’avais fait, et d’un autre il n’allait pas me laisser fendre son armure en portant ce foutu truc. Tout ce que je sais, c’est qu’il a aussi bien pu le brûler que le cacher. Je me le suis souvent demandé.

Les années qui suivirent ont été plutôt bien documentées sur notre histoire. Pas toujours correctes ou dans le mille, mais souvent assez justes. La presse a peut-être des fois dit des choses que nous pensions mais que nous n’avions jamais dit. J’ai aimé et haï ce mec, mais je l’ai probablement haï uniquement parce que j’admirais et j’enviais ce dont il était capable.

Une année et demi avant qu’il ne meurt, lors de la première compétition de l’année, il m’a dit qu’il faisait un documentaire sur les changements et les leçons qu’il avait tiré sur sa vie, et qu’il voulait aider des gamins qui l’admiraient et qui luttaient dans leurs vies, parce qu’il savait maintenant ce qui était possible. Il était clair dans sa tête, heureux, confiant et positif. Nous sommes restés à l’écart des autres et nous avons eu notre première et seule vraie discussion l’un envers l’autre, de coeur à coeur. Mes larmes ont fini par monter tellement j’étais fier de lui, c’était insensé et incroyable qu’Andy me regarde droit dans les yeux et me parle franchement. Il m’a alors dit qu’il m’avait toujours admiré et m’a demandé si je travaillerais avec lui sur son documentaire. Puis, il a ajouté qu’il ne pouvait pas croire à quel point la vie était fantastique et m’a parlé de ses peurs, de ses buts, de ses combats et de sa famille. C’était la vraie épiphanie dans la vie d’Andy : le moment où il était prêt à tout nettoyer et à mettre de côté tout ce qui le retenait loin de son vrai potentiel en tant qu’être humain. Et c’est ce qui est excitant : il avait vraiment beaucoup plus d’habilités et de connaissances à plein de niveaux. J’ai gagné des heats contre Andy lors de cet événement et celui d’après, à Bells. La seule raison pour laquelle je partage cela, c’est parce que les deux fois, il a souri et m’a dit « bien joué » même si il était énervé d’avoir perdu. Je pouvais voir qu’il appréciait le processus d’apprentissage de l’acceptation des choses, même de celles qu’il haïssait vraiment, comme perdre… qui plus est face à moi !

La dernière fois que j’ai vu Andy c’était au Portugal il y a un an. J’étais tout proche d’emporter le titre, et lorsqu’il m’a vu à la compétition, il m’a pris dans ses bras en me disant qu’il était vraiment fier de moi et qu’il espérait que je gagne ce titre à Porto Rico. J’ai pensé « mec, si seulement je t’avais battu à Tahiti, ça serait probablement déjà fait », je lui ai en quelque sorte mentionné ça et nous avons rigolé. Il m’a donné une bonne accolade et un high five, et je ne l’ai jamais revu.

Deux semaines plus tard à Puerto Rico, certaines personnes disaient qu’il était malade tandis que d’autres disaient qu’il faisait la fête. D’autres disaient aussi qu’il n’avait jamais quitté sa chambre d’hôtel. Martin Potter et moi étions vraiment soucieux du fait qu’il ait raté son premier heat. Je me rappelle me sentir vraiment bizarre lorsqu’ils ont appelé son nom et que son heat à trois s’est surfé sans lui. Nous avons alors convenu que nous devions aller le voir à son hôtel pour voir si il allait bien, parce que ça n’était pas possible qu’il vienne jusque là pour rater son heat. On nous a alors dit qu’un docteur l’avait vu, qu’il était malade et qu’il se reposait. J’étais mal à l’aise avec le fait qu’il soit absent, mais au moins nous avions eu des nouvelles.

Quand il a manqué son heat suivant et que j’ai appris qu’il était parti, j’étais vraiment inquiet. Un ami qui était avec lui la nuit précédente à Miami m’a appelé et m’a demandé pourquoi Andy n’était pas resté à Puerto Rico, me disant alors qu’il avait pris un avion pour rentrer chez lui en passant par Dallas. J’ai appelé Andy sur son téléphone sans avoir de réponse. Je lui ai envoyé quelques textos sans retour. C’était pendant les quelques 30 minutes avant qu’il ne soit retrouvé dans sa chambre d’hôtel à Dallas. Deux ou trois heures plus tard, j’apprenais la nouvelle de sa mort. Je me suis alors assis sur la plage avec un chien abandonné et les gens ont commencé à m’appeler.

L’histoire d’Andy Irons nous laissera probablement un goût amer, que l’on soit son ami et qu’il nous manque, ou que l’on ait un fort jugement sur ses travers et que ça nous mette en colère. Quoi qu’il en soit, ça n’a aucun sens que quelqu’un d’aussi doué et en contact à tant de niveau, meurt seul dans la chambre d’hôtel d’un aéroport, loin de tout ce qui comptait pour lui. Mais, se rappeler d’une personne peut parfois signifier se rappeler des moments les plus durs que vous n’ayez jamais eu avec elle, en ayant le sentiment que votre vie est meilleure grâce à l’expérience que vous avez partagé avec elle. Si cela peut alors vous faire rire ou sourire, vous honorez sa vie et sa mémoire, je crois.

Je me suis demandé si quelque chose dans notre relation ou nos combats avait pu avoir un quelconque impact sur le cours de sa vie, où si j’avais pu apporter une différence d’une façon ou d’une autre. Peut être est-ce ma propre forme de déni, mais une chose est claire : je ne peux toujours pas croire qu’Andy est parti. Bordel, je ne peux toujours pas croire que Todd Chesser est parti ainsi que Donnie Solomon, Malik Joyeux et tout un groupe de potes qui sont partis. Un anniversaire est au mieux utilisé pour se rappeler des bonnes choses et laisser un peu plus couler le tout afin que la tristesse disparaisse et que les bons souvenirs restent. Si nous devions apprendre quelque chose de tout cela, ce devrait être que l’impacte positive d’Andy et de tous nos amis disparus doit nous rapprocher des choses et de ceux que nous aimons ici, aujourd’hui.

Je vous laisserai sur une dernière pensée à Andy. L’autre jour, j’étais avec un ami qui avait donné à Andy des jantes pour sa voiture. Dans son bureau, il avait une board signée d’Andy. L’autographe disait, « Picture me Rollin’! » (Imagine moi en train de rouler : titre d’une chanson de 2pac ndlr). Je le ferai, mon pote.

Avec amour et respect,

Kelly »

Retrouvez ce texte dans sa version originale sur le site theinertia.com.

Pour aller plus loin :


Tags:



Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*
*
*