Après quoi court Adrien Toyon ?

Rencontre avec le Réunionnais de 26 ans qui, discrètement, gère sa carrière comme il l'entend, entre compétition et free surf.

02/09/2015 par Romain Ferrand

Présent dans le paysage surf français depuis quelque temps déjà, Adrien Toyon gère sa carrière en volant sous le radar, avançant ses pions lentement mais sûrement. Une discrétion – toute relative – qui tranche avec sa personnalité atypique. A l’eau en revanche, le Réunionnais de 26 ans laisse parler sa fougue et son style. Un style apprécié de tous qu’il continue d’affiner sur toutes les vagues de la planète.

Pour sa sixième saison sur le circuit QS, Adrien semble avoir trouvé son rythme entre la compétition et le free surf, et continue de mener sa barque comme il l’entend. Rencontre :

Quoi de neuf Adrien ?

Tout va bien écoute, niveau compétitions j’ai enfin fait mon retour dans les Prime après mon quart à Lacanau, et c’était mon principal objectif cette saison. Ce quart n’est pas un résultat en soi, mais il me permet de revenir là d’où je n’aurais jamais dû partir. Mon objectif maintenant est de me concentrer sur les deux Prime européens : les Azores et le Portugal. Sinon je travaille sur mon quiver pour sélectionner les bonnes planches pour les épreuves à venir. Je les re-surfe un peu toutes pour être bien calé. J’apprécie aussi d’avoir pu passer mon été en France. Je suis rarement là à cette période de l’année, ça fait du bien.

Quel est ton objectif désormais pour la fin de saison ?

J’ai déjà atteint mon objectif, donc le but est maintenant de passer des tours. Je surfe bien en ce moment, je sais que je peux prendre des scores facilement. Et j’ai cette énergie nouvelle depuis que je suis de retour dans les Prime, ça donne envie de ne plus en sortir et de vraiment apprécier d’y être. Dur d’envisager une quelconque qualification avec cinq Prime restants, mais j’ai hâte d’être à Hawaii pour les derniers de la saison. Haleiwa et Sunset sont les deux épreuves du circuit que je préfère.

Mais je me sens bien cette année parce qu’au début de la saison en Australie je n’ai pas fait de bons résultats mais je décrochais de bons scores, des 8, des 9. Et quand tu sais que tu peux faire de bons scores, et surtout comment les faire, c’est là que les résultats apparaissent. J’ai eu un moment à vide l’an dernier où j’avais du mal à passer des séries. Mais cette année les scores sont là. Faut juste que j’arrive à en faire deux dans chaque série et tout ira bien.

“Je suis un peu plus vieux, plus mature aussi. C’est un tout je pense”

Qu’est-ce qui a changé d’après toi entre l’an dernier et cette année ?

Je dirais la confiance. Les planches aussi, j’ai vraiment de bonnes planches en ce moment et ça te rend confiant. Je suis aussi un peu plus vieux, plus mature c’est un tout je pense. Et je ne suis plus blessé, c’est évidemment important.

Comment vois-tu aujourd’hui la suite de ta carrière ?

J’ai envie de continuer à faire du free surf, travailler sur des projets vidéos etc – je trouve ça super important – tout en faisant les meilleurs résultats possibles en compétition et bien commencer l’année prochaine. Si on commence bien l’année tout est possible, et c’est top pour la confiance.

Tu envisages donc toujours une qualification sur le Tour ?

Si tu les fais, c’est pour ça. Tu n’y vas pas juste pour passer un tour. A chaque fois que tu pars en série, tu as envie de gagner. Il n’y a plus de séries impossibles. Regarde à l’US Open, ce n’est pas du tout lui (le Japonais Hirota Ohhara, ndlr) qu’on attendait. Tout est possible.

Tu as fait tes premiers QS en 2008…

Oui, et je m’y suis mis plus sérieusement en 2010 en participant aux épreuves européennes et à quelques autres au Brésil. C’était encore l’époque du One World Rankings mais j’étais rentré facilement dans les WQS Prime (désormais QS 10 000, ndlr) . Du coup je ne réalisais pas vraiment la chance que j’avais d’y être. Je m’en suis rendu compte après, quand j’en suis sorti et que j’essayais d’y retourner.

“Je pense que mes meilleures années, celles où je vais le plus progresser, sont maintenant, de 25 à 30 ans”

Ca va faire 5 ans que tu es sur le circuit QS. Tu t’es fixé une échéance au-delà de laquelle tu raccrocheras le lycra ?

Non pas du tout. J’ai repris les études l’année dernière. J’ai commencé une école de commerce à Bayonne. Je n’ai pas le temps de me poser, ça m’occupe bien, et je vais continuer en parallèle de ma carrière. Mais je n’ai pas vraiment d’échéance. Je pense que mes meilleures années, celles où je vais le plus progresser, sont maintenant, de 25 à 30 ans. C’est celle où tu peux allier l’expérience à la forme physique.

Ca te parait jouable de concilier les études et une saison intensive sur le QS ?

Oui carrément. J’ai un emploi du temps aménagé pour les études, qui me permet de voyager, faire les compétitions, en travaillant à distance. Il y en a plein qui l’ont fait, je ne vois pas pourquoi je n’y arriverais pas. Surtout que l’école est top, l’encadrement m’aide beaucoup aussi, ils comprennent ma situation.

Comment tu t’en sors niveau sponsors ? De quoi tu vis aujourd’hui ?

C’est un peu compliqué, il y a de moins en moins d’argent, mais on essaie de de faire comme on peut. Mais perso ça va, je n’ai pas trop à me plaindre. Aujourd’hui je suis sponsorisé par Globe, Creatures, Sex Wax, Narval Wetsuits, Matt Biolos (Lost…) pour les planches et un autre sponsor hors surf qui m ‘aide et me supporte pour que je puisse continuer à faire le Tour. Il faut aussi que je passe des tours en compétition pour obtenir des prize moneys, qui sont assez conséquents maintenant. Je suis aussi managé par les gars de Wasted Talent, des potes de Kai Neville basés à Hossegor qui vont m’aider.

Damien Chaudoy est un super pote à toi et vous vous étiez lancés ensemble sur les QS. Puis il a décidé de mettre fin à sa carrière pour devenir pilote de ligne. Que penses-tu de ce choix ?

Au début, je pensais qu’il aurait dû continuer le surf. C’est probablement le meilleur job au monde. Sa décision soudaine m’a un peu choqué. Mais il est heureux comme ça je respecte ses décisions et je suis content pour lui, il a eu toutes ses licences, il faut juste maintenant qu’il trouve une compagnie. Il pourra voyager et surfer.

Tu ne t’es pas dit : « c’est lui qui a raison, je devrais moi aussi assurer mes arrières » ?

Je ne vais pas faire du surf toute ma vie. Enfin, pas professionnellement. Il y aura forcément un moment où mes centres d’intérêt évolueront. Mais pour le moment je m’éclate bien là-dedans donc je continue a fond.

Tu bosses moins de temps à travailler ton image que d’autres sur les réseaux sociaux ou ailleurs, mais tu es un surfeur super apprécié, tu ne te fais jamais dégommer dans les commentaires des vidéos qu’on publie sur www.surfsession.com, ce qui n’est pas le cas de tout le monde. Comment tu expliques ça ?

Je ne sais pas. Même sur Stab, je ne me fais pas défoncer. Je ne regarde pas trop les commentaires sur les sites, mais c’est des potes qui m’en ont fait la réflexion. Sinon tu trouves pas que je bosse pas trop mon image ? (il réfléchit) Ouais c’est vrai, je publie pas très souvent, mais je n’ai pas de grosses marques qui me poussent derrière. J’ai pas trop de followers sur Instagram, mais je fais beaucoup de vues sur les vidéos, ça m’importe plus pour le moment. Je filme beaucoup avec Manuel, on a fait pas mal de trips ensemble, j’ai vraiment envie de faire de bons clips, montrer que je suis là, que je progresse. J’en ai d’ailleurs qui doivent sortir avant la fin de l’année !

“J’ai l’air d’être à la cool, mais j’ai un vrai mental de compétiteur”

Quelle image tu veux que les gens aient de toi ?

Une image qui me corresponde, comme je suis. Ce n’est pas à moi de le dire. J’ai l’air d’être à la cool, mais j’ai un vrai mental de compétiteur. Je n’aime pas perdre, peu importe le sport. Quand on part faire du vélo ou du tennis avec Joan (Duru), c’est la guerre. Dans le surf, c’est pareil. J’avais pris la mauvaise habitude de perdre, mais je me suis repris et ça va mieux. J’aimerais bien avoir l’image d’un mec compétiteur qui passe des tours, sait gérer son stress et des séries, et aussi un mec qui sait prendre du plaisir en free surf et balancer des gros airs. Polyvalent quoi.

Comment tu décrirais ton surf ?

J’ai gagné en puissance depuis le début de l’année, je suis content. Avant, mon défaut était d’être un peu light, de garder la même vitesse du début à la fin de la vague. Et ça en compète, ça peut te coûter des points. Et là j’arrive à casser mon rythme, à faire des courbes un peu plus agressives. J’ai travaillé là-dessus avec Matt Griggs en Australie, ça a vraiment fait du bien à mon surf. Malheureusement il n’a pas beaucoup de temps vu qu’il entraîne Owen (Wright) et des kids à Cronulla, mais comme on s’entend bien il se libère du temps pour moi. On a travaillé ensemble avant l’épreuve de Manly, je l’ai ressenti et continue encore à travailler là-dessus : les changements de rythme, être plus compact dans les petites vagues…

Mais tu vois, j’ai capté depuis peu plein de petits détails au niveau technique, sur les turns, surtout sur le carve frontside, des manoeuvres dans le pocket. Faut encore que je travaille ces petites choses.

Tu t’aides beaucoup de la vidéo pour t’entraîner ?

Quand je peux. Mais ce n’est pas toujours le cas. Pourtant, chaque session devrait être filmée. C’est comme ça qu’on progresse, qu’on voit ses défauts. Ce qu’on pense être un gros move sur lequel on a eu un bon feeling peut s’avérer être tout naze, alors qu’à l’inverse un petit turn peut super bien ressortir à l’image !

“j’ai capté depuis peu plein de petits détails au niveau technique”

Tu regardes d’ailleurs les vidéos d’autres surfeurs ? Tu t’inspires de quelqu’un d’autre en particulier ?

Je mate tous les clips qui passent en général, ça motive de voir ce qui se fait. J’aime bien Toledo en ce moment, toute l’énergie qu’il met sur la vague, sa façon de tout donner. Comme c’est un peu ce qui me manquait ça fait du bien.

En quoi consistent tes entraînements ?

Beaucoup de surf bien sûr, mais j’ai aussi repris l’entraînement en salle cette année. Ce n’est pas de la muscu, mais davantage de la prio, de la PMA, du cross-training. On privilégie la rapidité et l’intensité de l’entraînement aux poids qu’on soulève. Et ça commence à se sentir dans mon surf. Grand merci  d’ailleurs à Laurent et Maryline de Musclub anglet qui m’a entrainé ces 9 derniers mois. Merci aussi à Tonton pour être derrière moi et me pousser.

C’est dur de se tenir à un tel rythme quand on est en voyage, mais je m’y tiens quand je suis ici et qu’il n’y a pas de vagues. Parce que bon, il n’y a quand même rien de mieux pour le surf que le surf. Ma mère et Simon un ami m’aident aussi énormément dans toute la partie confiance en soi, la famille et les proches jouent un rôle primordial je pense.

Quel genre de vagues tu aimes le plus ?

J’aime les vagues creuses put***, les barrels j’adore ça. D’ailleurs là ça commence à me manquer un peu. J’aime bien me faire peur aussi. près des rochers, ou bien deep dans des vagues solides. C’est peut-être pas là où je suis le meilleur, mais j’adore ça.

Parle-nous de l’ambiance sur le QS. Entre Frenchies, mais aussi avec l’ensemble des compétiteurs…

J’ai fait mes premiers QS en voyageant avec Eric Rebière en Ecosse, aux Canaries. Ca fait du bien de partir avec les plus vieux, qui ont l’expérience. Maintenant je voyage surtout avec Joan. On s’amuse bien tout en étant sérieux. Il est bien parti cette année et je suis vraiment content pour lui. C’est sincère. Il y a parfois Maud aussi, quand il y a des compétitions de filles en parallèle, et ça m’a manqué un peu de faire des Prime avec lui en début d’année. Mais ça se passe bien. Parfois on partage aussi nos maisons avec les Espagnols comme c’était le cas à Newcastle quand tu es passé. Il y avait Gony (Zubizarreta), Jonathan (Gonzalez)… Mais normalement on est à deux avec Joan. Il est ultra motivé et me tire vraiment vers le haut, ça fait du bien de surfer ensemble. Il y a aussi eu l’époque où on voyageait avec Charly et Marco, c’était des bons souvenirs. Depuis, Marco s’est mis à voyager avec Yann Martin, et Joan voyage pas mal avec Manu (Portet) cette année…

Tu vis à Biarritz depuis quand ?

Deux ans et demi. J’ai passé 4 ou 5 ans dans les Landes, mais c’est pas plus mal d’être ici. Au moins je rate plus mes avions (rires), je peux aussi surfer à pied c’est top. Ou alors l’hiver je pars en combi chaussons dans ma voiture, je surfe, je saute en combi dans la caisse et hop, direct dans la douche. C’est trop bon. J’adore les sessions d’hiver ici. T’as personne à l’eau et y’a des top vagues.

Quel regard tu portes sur ce qui se passe actuellement à la Réunion ?

C’est triste d’avoir connu la Réunion avant et voir de que c’est devenu. C ‘était un petit coin de paradis avant. Lors de la dernière attaque, la victime était un pote à moi. Il m’avait écrit sur Facebook deux semaine avant pour me dire qu’il venait ici en septembre et qu’il fallait qu’on surfe ensemble… C’est tes potes qui se font bouffer et ça fait mal. Et puis, il n’y plus de surf, presque plus de vie autour de l’océan. J’y rentre très peu mais ce serait hyper dur si je vivais là-bas. Je suis parti avant que tout ça n’arrive et j’ai toujours ce bon souvenir de la Réunion. J’y suis pourtant rentré en janvier dernier, j’y ai surfé tous les jours pendant 6 jours, c’était parfait, 2m parfait glassy à St Leu. Mais ce ne sera plus jamais comme avant pour l’instant. J’espère qu’ils vont trouver des solutions. Il y a pas mal de personnes qui travaillent pour que ça avance, j’espère qu’ils vont y arriver. J »ai une grosse pensée pour les victimes et leurs proches.

Tu te vois où dans cinq ans ?

Je vis au jour le jour, et dans cinq ans je serai là où mes pieds m’auront trainé. J’essaie de faire ce que je fais aujourd’hui du mieux possible, et on verra bien ce que la vie nous réserve. Peut-être en France, j’adore vraiment être ici. A chaque fois que je rentre de trip et que je passe la frontière je me sens bien. Pour le moment je ne me vois pas changer, tout roule.

 

Interview : @RomainFerrand



11 commentaires

  • ManuPortet
    19 septembre 2015 22h04

    T as rien compris à rien toi, petit petit garçon et surement tres tres aigris de tout ! positif un peu, sa fait pas de mal, je te jure c est pas mal d’etre gentil de temps en temps……

    Répondre

  • clo
    14 septembre 2015 20h31

    De toutes façons, on est tous le con de quelqu’un, ou bien le roi des faux-cul…

    Répondre

  • Cracotte
    14 septembre 2015 18h28

    En même temps ça vous fait un peu la bi.. à Labenne !

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  • andy
    14 septembre 2015 10h21

    Ce surfer, au don certain, a certes un caractère bien affirmé mais je peux dire qu’il a le coeur sur la main.

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  • lilou
    12 septembre 2015 3h42

    Ce portrait me parait simple ,sincère et pertinent.

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  • nadine
    11 septembre 2015 16h26

    Un bon surfeur peut-être mais je confirme pour l’attitude détestable.

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  • guillaume michel
    9 septembre 2015 11h09

    quel gros blaireau ce moundir du surf
    il ferait mieux de se mettre au diabolo ou de cracher du feu
    avec son look de surfer saouel hippie
    arrete de polluer nos plages et retourne a la reunion

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  • mika29
    7 septembre 2015 20h50

    Pour l’avoir cotoyé il y a une dizaine d’années avec son pote Chaudoy à trois bass je confrme le caractère arrogant et particulièrement insupportable même si à l’époque ils n’étaient que des marmailles

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  • yann
    7 septembre 2015 17h30

    eh ben, pas envie de le connaître. faut dire qu’on en fabrique pas mal de C… chez nous

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  • Tourmente
    5 septembre 2015 8h15

    Super portrait !
    J’ai 45 ans, ça fait 25 ans que je surfe à Labenne.
    Ce type, du haut de ses vint ans, avec sa tête de mec cool, est arrivé un jour à l’eau avec ses potes de La Réunion, et s’est installé au pic comme s’il était chez lui. Je lui ai fait une réflexion parce qu’il prenait toutes les vagues et en moins de temps qu’il faut pour l’écrire, il m’a insulté et a voulu me sauter dessus en m’expliquant qu’il faisait des arts martiaux et qu’il allait m’en coller une.
    Alors, soyez mignons, révisez un peu vos jolis portraits et vos interviews parce que ce gars-là est hyper agressif dans l’eau.
    En espérant ne jamais le recroiser dans le sud des Landes.
    Bien à vous,

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  • z
    3 septembre 2015 19h01

    Un surfer de classe mondiale.

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