Hayden Cox : "Oui je me suis réveillé un matin avec la solution miracle"

Entretien avec le shaper à l'origine de la célèbre Hypto Krypto, vendue à des milliers d'exemplaires.

09/01/2019 par Marc-Antoine Guet

Hayden Cox, c’est le créateur de la marque HaydenShapes, une signature reconnue mondialement dans l’univers du shape. C’est aussi l’inventeur de la technologie brevetée Future Flex, succès mondial vendu aujourd’hui dans plus de 70 pays à travers sa marque. Une technologie qui combine un pain de mousse sans latte EPS à double densité à une structure en fibre de verre biaxiale, à laquelle s’ajoute une fibre carbone parabolique sur les rails, le tout recouvert d’une résine epoxy.

Cet Australien de 36 ans, originaire de Sydney, est réputé pour l’utilisation novatrice de matériaux conçus sur mesure, mais également pour ses méthodes de construction moderne et son sens des affaires. Son plus gros coup ? La fameuse Hypto Krypto, l’une des planches les plus vendues et convoitées à travers la planète. Elle fut même élue planche de l’année en 2014 et 2015.

Entretien avec un shaper autodidacte qui a réussi à transformer une frustration liée à une planche cassée en un succès mondial. 

Tout a commencé pour toi quand tu avais 15 ans et que tu as cassé ta planche, c’est bien ça ?
Oui, j’ai cassé ma planche pendant les vacances d’été quand j’avais 15 ans. Je me suis alors dit que la meilleure des manières d’en avoir une c’était de me construire la prochaine. Je suis allé dans le shop du coin, fait un stage et j’y ai construit ma première planche. J’ai adoré.

Comment as-tu appris à shaper ?
Par moi-même. Je n’ai jamais travaillé chez un shaper. Mais j’apprends tous les jours. Personne dans ma famille ne shapait, j’ai tout appris tout seul. Personne ne m’a vraiment appris. Mais ma première planche ne ressemblait pas vraiment à grand chose (rires). Je suis mon premier client et ma première critique. 
L’un des grands progrès dans l’industrie du surf aujourd’hui, c’est de pouvoir regarder ces nouveaux composites et ces nouveaux matériaux et voir comment on peut les adapter dans le processus de construction. Pour ma part, j’ai développé il y a 11 ans la technologie Future Flex, que l’on a emmené ensuite sur le marché. Et c’est super excitant car j’ai l’impression que ça a lancé un peu les nouvelles technologies d’aujourd’hui. Maintenant, on utilise beaucoup plus le carbone, l’epoxy… Aujourd’hui, beaucoup de shapers utilisent de l’epoxy avec la technologie du carbone à l’intérieur. Et beaucoup de gars sur le Tour surfent des planchent qui utilisent cette technologie.


Concernant la Hypto Krypto, t’es-tu réveillé un matin avec la solution miracle ?
Oui ! Je me suis réveillé un matin après y avoir pensé toute la nuit. Et je me suis dit, il faut que je fasse ça. À savoir mettre le carbone sur le rail de cette planche car ce que je faisais avant n’était pas assez solide.


Quelle est ta relation avec Tom Carroll ? La légende raconte qu’il serait le premier à avoir surfé tes planches…
C’est le premier à avoir surfé une Future Flex ! J’ai rencontré Tom sur une compétition en Indonésie. On a toujours été très proche. Il est très méticuleux sur ce qu’il aime et il a beaucoup d’expérience et beaucoup d’énergie. Il a toujours envie d’essayer de nouvelles choses. 

Que t’a-t-il dit sur ta première planche ? Son premier retour ?
Sur la première Future Flex qu’il a surfé, sur sa première vague, j’ai vu une connexion électrique. Il a fait un gros hack à la Tom Carroll et la planche a magnifiquement répondu. Il a beaucoup apprécié le carbone sur le rail de la planche qui permettait d’être super réactif. Ce fut une belle réponse à ceux qui pensaient que ma technologie ne collerait pas avec des surfeurs plus old school. J’avais 24 ans à l’époque, j’étais super heureux de le voir surfer mes planches. J’ai eu beaucoup de chance avec cette opportunité.

Va-t-il y avoir une nouvelle révolution dans l’industrie du shape comme on a pu le connaître avec le thruster par exemple ?
J’ai l’impression que nous sommes au milieu de la révolution de l’epoxy. L’avenir aujourd’hui passe, je pense, par des techniques de fabrications plus durables. On doit essayer de générer moins de déchets, c’est l’objectif principal de l’industrie des planches de surf. Je ne pense pas que la question soit de trouver des matériaux plus écologiques, mais plus comment pouvons nous améliorer et recycler ce que nous avons fait en de nouveaux produits. Parce qu’aujourd’hui, malheureusement, beaucoup trop de déchets issus de la fabrication de planches de surf partent à la déchèterie. Mais pour revenir au début de ta question, je pense que le marché commence tout juste à s’habituer à la révolution de l’époxy. Je pense que cela va durer encore une décennie ou deux le temps de vraiment s’y habituer.


As-tu une idée de combien de board tu shapes à l’année ? 
Beaucoup trop ! On ne parle pas de nombre mais on en shape beaucoup. Je pourrais te dire exactement combien on en fabrique, mais on ne fait pas ça dans le but d’en shaper le plus possible.

Les vagues artificielles vont-elle changer la manière dont tu shapes ou pas ?
Je n’ai jamais vraiment surfé une vague artificielle. Donc pour l’instant je ne peux me baser que sur ce que l’on me raconte. Ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. De ce que l’on m’a dit, le choix de planche n’est finalement pas si important. Parce que la vague est juste parfaite. Elles sont rapides et consistantes donc les planches ne font pas une grosse différence. Mais à force de surfer ce genre de vagues, le niveau de tous va augmenter et les gens vont vouloir tenter de nouvelles choses. Nate Tyler, un de nos surfeurs, surfe le modèle Untitle. Et pour moi, il a réussi les plus gros airs à Waco. Avec la vague de Kelly, c’est différent. C’est plus comparable à J-Bay. Et pour moi le meilleur surfeur que j’ai vu là-bas c’est Michael February. Mais être un bon surfeur, c’est pouvoir tout surfer sur tout type de vague.

T’arrive-t-il de surfer des planches d’une autre marque ? 
Oui, même si à part les 2 premières quand j’étais petit, celles que j’ai aujourd’hui sont des Hayden Shape. Quand j’ai l’opportunité, j’en emprunte une pour voir ce que tu peux ressentir. C’est toujours bon de voir ce qui se fait à côté. 

Quelle est la chose la plus compliquée quand on travaille avec des surfeurs pro ? 
C’est quand ils nous appellent et qu’ils veulent une planche pour dans 3 jours. C’est parfois difficile pour eux de me dire vraiment ce qu’ils veulent, de mettre des mots sur leur ressenti. Et avoir des retours de leur part, c’est ce qu’il y a de plus compliqué également. Pour moi, c’est peut-être encore plus compliqué parce que je shape beaucoup pour des free surfeurs et non des surfeurs du Tour. Comme ils ne font pas de compétition, ils sont moins pressés.

La partie importante du métier, c’est de comprendre pourquoi ça ne marche pas et de réussir à voir ce que l’on peut changer en fonction du ressenti de personnes qui n’arrivent pas toujours à mettre des mots sur ce qu’ils ressentent. Les regarder surfer m’aide beaucoup. Peut-être même plus que de surfer la planche moi-même. Car même si je sais claquer un air reverse, je suis très loin de leur niveau. 


Est-ce que tu penses qu’une partie de ton job c’est d’éduquer les surfeurs au shape ?
Pour des marques comme la mienne, l’éducation se fait sur notre site internet. On essaye d’expliquer nos designs, pourquoi on le fait. Il faut juste écouter les gens en qui vous avez confiance et qui ont de l’expérience. 

Tu n’as pas peur qu’avec le succès de la Hypto Krypto les line-up s’uniformise ?
Je ne vois pas une seule de mes planches à l’eau en ce moment (rires). Sans blaguer, il y a tellement de planches différentes aujourd’hui… C’est comme les voitures. Mais le plus important, ce n’est pas le nombre. A la fin de l’année, si je dois juger de mon succès, ce n’est pas le nombre de planches shapées qui compte mais si les gens qui surfent mes planches sont heureux. C’est ma définition du succès. Ce n’est pas l’argent mais le « stoke ». 

Malgré tout ton business, as-tu le temps de surfer ?
Oui. Je le trouve le temps. Même si c’est 20 min. 


Quelle planches aimes-tu surfer en ce moment ?
La Hypto Krypto Holy grail (rire). On sort tout juste de l’hiver en Australie, nous avons eu de bonnes vagues et elle était parfaite.

Comment vois-tu le surf dans 10 ans ? 
Presque comme aujourd’hui. 

Photo à la une : Simon Upton

          


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