« Session engagée » : Laura Coviella raconte…

"J'ai réalisé que tu devais être en pleine forme, à 100% de tes capacités, quand tu t'attaques à ce genre de vague."

24/05/2023 par Ondine Wislez Pons

Moins de 24 heures, c’est le temps dont Laura Coviella disposait pour rejoindre un slab auquel elle s’est attaquée aux côtés de Benjamin Sanchis et de Jonathan Gonzalez il y a quelques semaines. La surfeuse rentrait tout juste d’un QS au Maroc tandis qu’une grosse houle était sur le point de s’abattre sur l’Europe de l’Ouest et l’Afrique du Nord, réveillant cet énorme slab canarien. Si, pour la surfeuse du team Volcom, la houle semblait bien trop grosse pour le spot, elle n’a pas baissé les bras et y est allée, avec l’aplomb qu’on lui connait.

Originaire des Canaries, la surfeuse espagnole nourrit une addiction pour les grosses vagues. Ceci est bien la preuve que toutes les addictions ne sont pas nocives, mais la sienne comporte tout de même sa part de danger et pas des moindres. Une chose dont Laura a d’ailleurs pris conscience, plus que jamais. La Canarienne fait partie de ces quelques femmes qui surfent du gros et si l’on a tendance à accorder le mot « chargeur » au masculin, la surfeuse fait bouger les lignes. Son surf est engagé et son engagement semble encore loin de se heurter à ses propres limites, même si, au cours de cette session la surfeuse a pris conscience de l’importance de la préparation et de la forme nécessaire avant de s’attaquer à ce genre de vagues.

Retour sur la session la plus engagée de sa vie.

Surf Session – Salut Laura, pour cette chronique « session engagée » tu as choisi de nous parler d’une session en particulier, c’était où et quand ?

Laura Coviella – « C’était il n’y a pas très longtemps, début mars, aux Canaries. C’est un secret spot très local, donc je ne peux pas dire où c’était exactement, mais c’était un énorme slab.

Surf Session – Connaissais-tu le spot ?

Laura Coviella – Oui je le connaissais, je l’avais déjà observé de loin, quand je me trouvais hors de l’eau, mais je ne l’avais jamais surfé et surtout, je ne l’avais jamais vu touché par une si grosse houle. C’était ma toute première fois à l’eau là-bas.

Surf Session – Et comment étaient les conditions ce jour-là ?

Laura Coviella – Les conditions étaient absolument énormes quand on est arrivé, très tôt le matin, au moment où l’un des plus gros sets de la journée a fait un close-out tout le long de la baie. C’était tellement gros et effrayant ! Mais on était super motivé et on voulait y aller, on était venu pour ça. C’était ma première fois sur le spot et dans des conditions pareilles, et je me disais « oh mon dieu qu’est-ce que je fais ici ? » Mais les gars ont dit qu’on y allait et comme je leur faisais confiance, je les ai suivis. Mais eux-mêmes disaient qu’ils n’avaient jamais vu une si grosse houle sur le spot. Très rassurant ! (rires) Je me demandais sur quoi j’allais tomber, j’étais effrayée et une fois que j’étais à l’eau, je l’étais encore plus. C’était vraiment particulier, parce que j’ai l’habitude des grosses vagues, mais je n’avais jamais surfé un si gros slab. Ceux que j’avais surfés auparavant étaient petits et ils me paraissaient déjà très gros.

Surf-Session – Raconte-nous comment s’est déroulée la session !

Laura Coviella – On y est allé doucement au début, on n’avait pas envie de commettre des erreurs. On a commencé par faire du tow-in et les garçons se sont d’abord lancés avec le jet ski, l’un surfait et l’autre conduisait. Le troisième d’entre nous attendait son tour dans le chenal, ce qui était mon cas au début. Ils ont pris des vagues, Sancho en a pris de très grosses et en a eu de très bonnes, Jonathan en a pris lui aussi, mais c’était très difficile ce jour-là. Puis j’y suis allée et j’ai pris l’un des plus gros sets de la journée sur la tête alors que je me trouvais au pire endroit possible, c’était vraiment effrayant et les garçons ont même eu du mal à croire que j’étais à cet endroit là au moment où il est arrivé. Mais heureusement, il ne m’est rien arrivé et c’était plutôt drôle. C’était vraiment difficile, mais j’étais heureuse de me lancer aux côtés de Sancho et de Jonny, j’ai beaucoup appris à leur contact. J’ai pris le plus gros barrel de ma vie, mais je ne suis pas sortie. J’ai été la première de la journée à en prendre un et les garçons étaient comme des fous après ça, ils ont absolument voulu en prendre un eux aussi parce qu’ils ne voulaient pas que le photographe, Manu Miguelez, les charrie parce que j’en avais eu un avant eux (rires). Ils ont continué à surfer et ils ont enfin eu des barrels.

Surf Session – Dirais-tu qu’il y a eu un avant/après cette session pour toi ?

Laura Coviella – Oui, je dirais que cette session a changé quelque chose pour moi, dans ma perception du surf de grosses vagues. J’ai réalisé que ce sport et ce spot étaient dangereux, que tu pouvais vraiment te blesser et mettre ton corps en danger. J’ai pris conscience de l’importance de la préparation en amont, du matériel, du gilet gonflable… Le jour suivant, je n’ai pas surfé mais les garçons y sont allés et Jonathan a vécu l’un des plus gros wipe outs de sa vie. Il a pris un énorme set sur la tête et il a vraiment regretté de ne pas porter de gilet gonflable. Et j’ai aussi réalisé que tu devais être en pleine forme, à 100% de tes capacités quand tu t’attaques à ce genre de vague.

Surf Session – Où dirais-tu que tu te situais ce jour-là, par rapport à tes propres limites ?

Laura Coviella – Comme je l’ai dit, c’était la première fois que je surfais sur ce spot et je n’étais pas au maximum de mes capacités. Je revenais tout juste d’un QS au Maroc et je m’étais levais à cinq heures du matin pour cette mission. J’ai ensuite attendu deux heures dans l’eau avant de surfer et il faisait très froid. Entre ça et la fatigue, je n’étais pas à 100% de moi-même. J’ai quand même voulu essayer mais j’avais très peur de me blesser, c’est ma plus grande crainte. J’ai fait plusieurs tentatives mais j’ai ensuite décidé que c’était assez pour la journée parce que je ne voulais surtout pas me faire mal. En plus, compte tenu de la taille qu’il y avait ce jour-là, ce n’était peut être pas le meilleur jour pour moi, j’aurais préféré que ça soit un peu plus petit. J’ai donc décidé d’arrêter avant la blessure parce que j’ai senti que cela pouvait arriver. Mais cette vague est un vrai challenge et j’adore les challenges, donc j’aimerais y revenir à 100% de mes capacités !

Surf Session – Quel matériel as-tu utilisé ce jour-là ?

Laura Coviella – Tout le matériel que j’ai utilisé ce jour-là, c’est Sancho qui me l’a prêté. Je rentrais du Maroc et tout mon matériel était sur l’île voisine. J’ai d’ailleurs une anecdote marrante à ce sujet. Le gilet que je portais était aussi à lui et il était bien évidemment beaucoup trop grand pour moi. Sancho fait le double de moi, je suis toute petite à côté de lui (rires). Sur mon premier wipe out, le gilet gonflable est complètement remonté au dessus de ma tête et, en plein milieu de l’océan, j’ai dû enlever ma combinaison pour le rentrer à l’intérieur et la remettre ensuite avant de me remettre à surfer. »


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