Shea Lopez :  »2018 sera l’année de Julian Wilson »

L'ancien surfeur pro, commentateur sur le MSP, nous livre ses pronostics et son regard sur l'évolution du CT.

22/03/2018 par Rédaction Surf Session

« Pardon, qu’est-ce que je disais déjà ? » Perché sur une terrasse surplombant la longue plage de galets de Basse-Pointe en Martinique, nous perdons l’attention de Shea Lopez dès qu’une série de vagues lève. Le regard du Floridien, juché sur un tabouret, se porte alors vers l’horizon, ses yeux sont rivés sur les surfeurs à l’eau et il ne prononce plus un mot. Silence total. Puis l’océan se tranquillise et la conversation reprend son cours.

Shea est un surfeur respecté de tous. Sur le site, chaque compétiteur le salue. Jason Apparicio, directeur de compétition et ami de longue date, parle de lui comme une « f****** legend« . Cet habitué du Top 16 sur le Championship Tour dans les années 2000 a longtemps écumé les océans du monde entier sous le statut de surfeur professionnel. Tapis dans l’ombre d’un autre Floridien, un certain Kelly Slater, Lopez a mené une carrière météorique, mais n’a jamais connu le succès dans l’élite. Le kid du Sunshine State a essuyé les échecs mais s’est toujours relevé. Sauf cette fois à Backdoor, en 2003, où il s’est démoli le genou droit lors d’une tentative de floater stratosphérique.

Contraint de quitter le « Dream Tour », l’Américain rebondit dans le shape. Rédige des chroniques pour Surfer Magazine dans lesquelles il pronostique chaque étape du CT, où il explique sur quel surfeur « parier » selon sa forme et les conditions prévues. Puis, il se replie sur une carrière de commentateur, la raison de sa venue sur le Martinique Surf Pro, où on le retrouve tous les jours derrière le micro. Nous l’avons rencontré.

Surf Session : Shea Lopez, que faites-vous exactement à Basse-Pointe ?

Shea Lopez : Un jour je suis tombé sur le live de la compétition, et j’ai eu envie de découvrir la Martinique et ce spot, Basse-Pointe. Mon ami Jason Apparicio m’a sollicité pour venir ici et je lui ai parlé ma volonté d’apporter ma pierre à l’édifice et d’aider au développement du contest. Mon job ici est d’être commentateur sur le live-stream. J’analyse les performances des surfeurs et je les explique aux spectateurs.

Vous faites partie de cette petite poignée de surfeurs reconvertie en commentateurs, comment cela est-il arrivé ?
J’ai commencé par commenter des épreuves en Floride et puis j’ai continué avec le Nike Lowers Pro en Californie, la Sunset Triple Crown à Hawaii, des contests à Puerto Rico… Tout s’est enchaîné. Mais là, c’est la première fois que je viens sur un événement international. Tout le monde parle Français, c’est différent de ce que j’ai connu par le passé.

Vous suivez donc le Championship Tour de près, quel regard portez-vous sur son évolution ?

Plus les années passent et plus il y a de bons surfeurs. La rivalité est vraiment forte et ce dès le premier tour. Les kids arrivent en force qu’ils viennent d’Hawaii, d’Australie ou des États-Unis. Tout le monde vient pour gagner.

Qu’est ce qui a fondamentalement changé ?
Il y a beaucoup plus de stress, puisque tout le monde peut gagner. Les surfeurs envoient des manœuvres de plus en plus engagés, des airs de plus en plus radicaux. Il y a beaucoup de nervosité, le choix des vagues est crucial et chaque erreur peut être fatale.
Malgré cette rivalité persistante, l’atmosphère est-elle restée la même ?
Peut-être un peu oui, tout est devenu beaucoup plus sérieux. L’équipement est devenu un élément non-négligeable et auquel on accorde une importance fondamentale. Aujourd’hui, on s’entraîne avec de nouvelles technologies, comme le video-coaching que tous les meilleurs surfeurs utilisent. 
Regrettez-vous l’époque ? 
Non, c’est bien que le surf aille dans ce sens-là. Les jeunes entretiennent toujours cette passion pour le surf et, finalement, c’est ça le plus important. Ils n’agissent pas que pour la notoriété et regardent les meilleurs surfeurs du monde en se disant que ce rêve n’est pas être pas si inaccessible. Ils désirent tous être à leur place, comme Kelly Slater en a rêvé, comme moi j’en ai rêvé. 
« Julian Wilson attend ce titre depuis longtemps et cette année sera la sienne s’il ne se blesse pas. »
Avec votre statut de shaper, quels changements avez-vous remarqué au niveau des planches ? 
Avec l’arrivée des machines numériques, la donne a changé. Chaque planche est pensée pour la vague que tu vas surfer, selon sa taille, sa pente… Et pour ta manière de la surfer. Tu peux corriger chaque défaut avec la conception par ordinateur aujourd’hui, chaque board est conçue au millimètre près.
Cela a-t-il influencé votre manière de shaper ?
Oui, ça m’a vraiment fait réfléchir, je m’aide de la technologie tout en m’appuyant de mon expérience personnelle, ce que j’ai ressenti à partir de mon matériel tout au long de ma carrière. J’ai pris conscience du l’importance des cotes, concernant le rocker, le volume… Et de tous ces paramètres et ces petits détails qui te permettront de devenir meilleur.
Avec votre réputation de pronostiqueur, vous pouvez nous dire qui remportera le titre de champion du monde cette année…
Julian Wilson attend ce titre depuis longtemps et cette année sera la sienne s’il ne se blesse pas. Il vient d’avoir un enfant et il revient de blessure (touché à l’épaule droite après une chute à vélo, ndlr). Il a parfaitement entamé sa saison avec cette victoire sur la Gold Coast. Il est au moins aussi talentueux que des gars comme John John Florence et Gabriel Medina. Et sa force c’est qu’à 29 ans, il a acquis une expérience que les autres n’ont pas forcément. Julian a ce savoir que peu de surfeurs possèdent.

Pensez-vous que John John peut régner sur le Tour comme l’a fait Kelly ?
Si les conditions sont très bonnes, John John est imbattable. Il est vraiment talentueux, mais sa grande faiblesse réside au niveau de sa consistance. Ce sera difficile pour lui. Pour le comparer à Kelly, le principal atout qu’il avait, c’était sa régularité. Et c’est ce qu’il lui a permis de remporter tant de titres. Et puis, Kelly c’était Kelly. Il était vraiment au-dessus de tout le monde.
Quelle est votre étape favorite ?
Tavarua à Fidji, sans hésitation. La vague est juste parfaite et l’endroit est incroyable. J’ai atteint la deuxième place en 2002 face à Michael Lowe sur le Quiksilver Pro Cloudbreak (4ème étape du CT en 2002, ndlr), j’y ai surfé mes meilleures vagues, j’ai vécu mes expériences les plus drôles. C’est un endroit à part.
Et vous continuez à explorer les spots du monde entier…
Quand tu es surfeur, tu le restes toute ta vie. Ce n’est pas comme le football où quand ta carrière s’arrête, une partie de ta vie s’arrête aussi. Je continue à devenir dingue à chaque swell, à chaque nouvelle vague, à me lever aux aurores pour avoir les meilleures conditions, à apprécier chaque moment avant la tombée de la nuit… Je n’ai besoin de rien d’autre.
Photos Jean-Marc Alexia pour Surf Session.

                               


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