« Never Lose Hope » : Kepa Acero raconte

"Sans la détermination d'Aritz Aranburu, on serait sans doute rentrés chez nous."

02/11/2018 par Rédaction Surf Session

Accompagné de Natxo Gonzales et Aritz Aranburu, Kepa Acero a vécu une drôle de mésaventure sur une île au large des côtes indiennes. En se basant à la fois sur des caractères bien spécifiques, son expérience et son instinct, le free-surfeur basque distingue d’abord un spot au potentiel sans limites sur Google Earth. Après une tentative en solitaire avortée en 2012, les trois hommes retournent sur les lieux six ans plus tard. Mais à nouveau, la quête du spot parfait tourne rapidement au fiasco.

Après un voyage interminable, un fossé culturel qui les sépare des autorités locales et des doutes qui s’installent, les surfeurs espagnols se rendent compte, une fois sur place, que la vague est beaucoup trop rapide pour être surfable. Une désillusion que Kepa nous raconte :


Surf Session : En premier lieu, Kepa, combien de temps on passe sur Google Earth avant de trouver une vague comme celle-ci ?

Kepa Acero : Beaucoup de temps (rires) ! En fait je ne connaissais pas cet outil avant 2009. Puis notamment grâce à Cory Lopez, qui a été partisan de la découverte de Skeleton Bay via Google Earth, j’ai pris conscience du potentiel de l’application et de l’usage que l’on pouvait en faire. Mon premier trip initié par Google Earth a eu lieu en 2010.

Vous vous basez sur la découpe de la côte, la capacité à capter la houle…?

Je ne vais pas révéler tous mes secrets (rires) ! Mais un des paramètres à prendre en compte, c’est la profondeur, en plus de la direction du swell, du vent. Avec tous ces outils, on se rapproche petit à petit de l’excellence technologique et ça facilite la découverte de nouvelles vagues quand on sait se les approprier.

En 2012, vous vous rendez là-bas une première fois, seul, mais une fois sur place on vous refuse l’accès. Vous renoncez.

J’étais vraiment claqué, ça faisait longtemps que j’étais en trip et j’avais atteint un niveau de fatigue important. Un tsunami avait frappé les côtes indiennes et les avaient partiellement détruites. Alors quand j’ai demandé aux militaires si je pouvais accéder à l’endroit, et qu’ils ont refusé, j’ai décidé d’en rester là.

Le choc culturel a été difficile à appréhender ?

Complètement, la barrière de la langue était déjà un obstacle, mais le problème c’est que les autorités n’arrivaient pas à comprendre que c’est justement parce qu’il y avait de la houle que je voulais me rendre à cet endroit. Pour eux c’était trop dangereux, ils n’avaient jamais entendu parler de surf.


Et six ans après vous décidez d’y retourner, comment ce trip a vu le jour ?

D’abord les outils se sont améliorés, ce qui permettait mieux d’anticiper ce qui pouvait se passer avec l’arrivée d’un swell. Quand la houle est rentrée, on s’est dit : « Il faut y aller ». Aritz a une personnalité forte, il peut mener une troupe. Et mêlé à la patience de Natxo, c’était l’alliance idéale. Honnêtement, avec le recul, je pense que si Aritz n’avait pas été là, on serait sans doute rentrés chez nous. Une nouvelle fois, on bataillait dans le vide avec la police, on était fatigués. Alors quand on est retournés à l’hôtel après de longues négociations difficiles, on se disait : « Les gars, on ne va jamais pouvoir y aller… » Mais la houle était là, Aritz a dit : « On s’en fiche, on fonce. »

Vous parvenez à atteindre la destination finale, qu’est-ce que vous ressentez ?

La côte était très longue. En arrivant en bateau, on se trouvait à trois kilomètres de la vague et au loin, on voyait déjà quelque chose dérouler. Plus on se rapprochait, plus elle grossissait. Et puis est venu le moment où un set est rentré. On a vu la vague démarrer de très loin, puis ces longues lignes passer devant nous comme des trains lancés à pleine vitesse… On était complètement dingues.

À quel moment vous prenez conscience qu’elle est insurfable ?

J’observais sur la plage, Aritz et Natxo étaient déjà à l’eau. Aritz est parti sur une première vague, et a chuté. Jusqu’à ce moment on vivait un rêve éveillé, mais si les vagues semblaient à première vue parfaites, quelque chose clochait. Instinctivement je sentais que ça n’allait pas le faire. Aritz est très bon dans ce genre de vague, alors quand on l’a vu désespérément lutter contre le barrel, on a rapidement compris qu’elle était trop rapide.

Personne ne peut la surfer ?

Non personne, elle est vraiment trop rapide.

Dans un article pour Surfer Magazine, vous évoquiez le fait que : « l’échec est une méthode d’apprentissage remarquable ».

Quand tu prends un peu de recul sur cette expérience, tu te dis que c’était quand même dingue. Et vivre cette aventure ensemble nous a permis de nouer des liens forts avec Aritz et Natxo. 

C’est votre plus grande désillusion ?

Non j’ai vécu une expérience encore pire en Antarctique. On a passé un mois sur un voilier, mis beaucoup d’engagement dans ce voyage, puisé loin dans nos ressources, pour finalement ne pas surfer une seule vague. Mais une fois encore, cet « échec », ça reste pour moi un super souvenir.

S’il y avait une leçon a retenir de cette expérience en Inde, laquelle ce serait ?

Que si l’ambition ultime c’est de trouver une vague « World Class », le chemin pour y arriver, l’engagement collectif que l’on a mis au profit de ce voyage, les valeurs qui en ressortent et la dimension humaine, c’est ça qu’on est réellement venus chercher. À ce moment-là, tu te rappelles de chaque instant du trip, et pas seulement du moment où tu surfes. 

Photo à la une : Jon Aspuru

           


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