Australie : journal de bord d’un surfeur français à Phillip Island

Le lieu idéal pour votre prochain surf trip en van aménagé ?

23/05/2024 par Ondine Wislez Pons

© Moey Strong, Max au Cat Bay Classic Festival.
© Allan Marescotti, Shelley Beach.
© Alan Marescotti, Max au Cat Bay Classic Festival.

L’Australie est une terre de surf, tant par sa culture que par la qualité, la diversité et la multiplicité des spots que le pays abrite. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien que ce dernier a vu naître certains des meilleurs surfeurs du monde et qu’il attire tant de pratiquants. Toutefois cet immense territoire peut parfois s’avérer difficile à aborder tant les possibilités de surf trip sont nombreuses. Parmi elles figure Phillip Island, une petite île prisée des Australiens comme des voyageurs internationaux qui à l’instar de Max, un surfeur français expatrié en Australie le temps de quelques mois, prennent beaucoup de plaisir à y surfer. L’atmosphère y est douce, accueillante et la petite île semble être l’endroit rêvé pour vivre dans son van et surfer.

Phillip Island et ses quelques 7000 habitants, reliés au continent par un pont, se situe à l’entrée de la baie de Western Port, à 140 kilomètres de Melbourne, dans l’État de Victoria. Cette petite île d’une superficie de 100 km2 possède 97 km de côtes et de nombreux spots. Max y a passé presque 3 mois, de janvier à mars, dans sa voiture aménagée, travaillant et surfant, auprès de la communauté locale et au gré de ses rencontres. Au fil de notre conversation avec le surfeur, nous en avons appris davantage sur ce petit bout de terre imprégné de surf culture, situé à proximité du Détroit de Bass, dans l’océan Indien.

Surf Session – Salut Max, peux-tu nous dire ce qui t’a attiré en Australie ?

Max – C’est avant tout la grandeur du territoire et la diversité des spots qu’offre ce pays. On peut surfer sur la côte Est, dans le Queensland et le New South Wales, comme dans le Victoria et le Southern Australia, mais aussi à l’ouest dans le Western Australia. Je me suis dit que l’étendue de ce pays est telle qu’il devait être un terrain de jeu idéal et infini pour n’importe quel surfeur, qu’il soit longboardeur, shortboardeur, bodyboardeur, kneeboardeur… Il y a plus de 10500 plages en Australie, ce qui reviendrait à passer plus de 29 ans sur le littoral pour pouvoir l’explorer dans son intégralité. Dans mon imaginaire, j’ai toujours vu l’Australie comme l’un des pays pionniers de la culture et du lifestyle surf. Et c’est précisément cette culture et leur approche de l’océan qui m’ont attiré. Quand j’y suis venu pour la première fois, simplement muni d’un visa touriste, je suis resté sur les northern beaches de Sydney, où les gens se lèvent à l’aube pour profiter de l’océan, surfer, se baigner ou pêcher.

Comment t’es-tu retrouvé sur Phillip Island ?

Je m’y suis retrouvé par le plus grand des hasards. Je n’avais jamais entendu parler de cette île avant de venir en Australie. Je travaillais près de Melbourne, dans une petite ville à 1h30 des premiers spots. Je comptais valider mes 88 jours de travail en fermes, nécessaires au renouvellement du Working Visa Holiday, en vue d’une éventuelle seconde année. Un ami français m’a alors parlé de Phillip Island, qu’il avait visitée le temps d’un week-end. Je ne savais pas s’il y avait du surf mais au vu de sa situation géographique, au sud-est de Melbourne, en première ligne du détroit de Bass, je me doutais qu’il y aurait sans doute de quoi faire ! J’ai donc pris la route un vendredi soir après le travail, ma planche sur le toit de mon van aménagé.

Comment s’est passée ton arrivée sur l’île ?

Une fois sur place, j’ai questionné le premier surfeur que j’ai trouvé sur les vagues à surfer au sunset, les prévisions n’annonçant pas un vent très favorable pour les plages du sud. Il m’a conseillé la pointe ouest de l’île, où je risquais de trouver des bouts à prendre en longboard. J’ai donc découvert Cat Bay, qui abrite quatre spots : left point, shelley beach, right point et flynns beach. J’ai aperçu de petites lignes régulières le long de left point. Si les vagues manquaient de puissance et d’épaule, il y avait seulement deux personnes à l’eau, face à un soleil couchant rouge et un plan d’eau glassy. J’ai surfé dans un cadre incroyable aux côtés de deux australiens adorables qui m’ont parlé du spot et de l’île. Je suis ensuite retourné sur l’île les deux week-ends qui ont suivi mon installation, juste après avoir trouvé un travail dans le shop Rip Curl de l’île.

Peux-tu nous parler de l’île et de ce qui t’y a séduit, son ambiance, ses particularités ?

Phillip Island regorge de spots magnifiques, d’une faune et d’une flore variées et protégées. On a l’impression de traverser différents pays en conduisant d’un bout à l’autre de l’île. Le surf a été la motivation première de mon installation et je ne m’attendais pas à l’immense variété des paysages, à tous ces animaux sauvages et à ces rencontres incroyables. L’ambiance est détendue, les locaux très accueillants dans et hors de l’eau. Il y a des familles, des touristes et des jeunes locaux ou internationaux qui travaillent pour la saison. J’ai rencontré des personnes de différentes nationalités, des Australiens, des Espagnols, des Argentins, des Français, des Polonais, des Chiliens… Les sunsets étaient inouïs et leurs couleurs m’ont fait penser à ce que l’on peut voir au Pays basque. Presque tous les soirs nous avions droit à un défilé de couleurs, à la manière d’une peinture mouvante qui passait du jaune au rouge au sud et du bleu au violet au nord. L’île possédant très peu de lumière artificielle, les étoiles sont très facilement visibles. Je n’avais jamais vu de si beaux levers de lune. C’était assez mystique.

© Max Nieto, Cap Woolamai, mi-mars 2024.
© Max Nieto, petites piscines naturelles, Berry Beach.
© Max Nieto, Squeaky Beach, parc national de Wilsons Promontory.
© Max Nieto, grotte d’eau, Woolamai.

Quels sont les animaux que l’on retrouve sur l’île ?

L’île accueille l’une des plus grandes colonies de pingouins du pays. Tous les soirs on peut les voir sortir de l’eau, rejoindre leurs nids près des plages. Ils sont des milliers à vivre sur l’île et il m’est arrivé d’en voir en pleine journée, en sortant de l’eau après une session. Il y a aussi des centaines, voire des milliers de wallabies, différentes espèces d’oiseaux que l’on ne trouve que là-bas, des koalas, des opossums et beaucoup d’autres animaux sauvages. En explorant l’île avec des amis, j’ai découvert des grottes d’eau naturelles pour se baigner.

Pourquoi conseillerais-tu à quelqu’un de s’y rendre, pour un surf trip ou pour s’y installer quelques temps ?

Pour la diversité des paysages et des plages, l’ambiance décontractée et bien sûr pour le surf, autant pour un débutant ou quelqu’un de plus confirmé. L’île est riche en spots, que ce soit des point breaks, des beach breaks, des reef breaks… On trouve autant des petites vagues protégées dans la baie que des spots exposés aux grosses houles du détroit de Bass, semblables aux vagues landaises.

De ton point de vue de surfeur français, comment décrirais-tu la pratique du surf en Australie ? Qu’est-ce qui est différent ?

J’ai surtout surfé à Phillip Island, mais j’ai aussi découvert Byron Bay ainsi que les vagues du nord de Sydney, Curl Curl, Dee Why, Narrabeen et Manly. Ce qui m’a marqué la première fois que j’ai surfé en Australie, c’est le niveau à l’eau, même si ça dépend bien évidemment des spots. À Narrabeen par exemple, sur la vingtaine de surfeurs à l’eau ce jour-là, au moins quinze d’entre eux avaient un excellent niveau. Quand on va sur des spots plus accessibles comme Manly, le niveau est globalement plus hétérogène mais on voit davantage de surfeurs expérimentés qu’en France. Ce qui est normal, le surf en Australie ayant une histoire bien plus ancienne et la population vivant à 85% près des côtes. De manière générale, les Australiens se lèvent très tôt pour profiter de l’océan avant d’aller travailler, que ce soit pour surfer ou se baigner.

En tant que longboardeur, qu’as-tu apprécié à Phillip Island ?

J’ai beaucoup apprécié la communauté des longboardeurs de l’île. L’ambiance est très bonne, bienveillante et les surfeurs, toutes générations confondues, sont curieux de faire de nouvelles rencontres. À l’eau à côté des locaux, je me suis toujours senti le bienvenu, ils sont très disposés à aider lorsque l’on pose des questions sur le fonctionnement des spots. Il y a toujours un sourire à l’eau, surtout à Shelley Beach, un spot de longboard. C’est un reef break situé à Cat Bay, à l’ouest de l’île. Pour qu’il fonctionne, il faut une houle d’au moins deux mètres, orientée sud-ouest. Ça peut donner de jolies vagues de 80cm-1m, qui déroulent en droite et en gauche. Le spot, parfait pour débuter, est souvent saturé mais il y a toujours de la place.

Peux-tu nous en dire davantage sur les différents spots de l’île ?

Il y a tous types de spots et de vagues. Au sud, à Cape Woolamai, on trouve un beach break très étendu semblable aux Landes, davantage adapté pour les petites planches. C’est une belle vague à manœuvres qui peut offrir des barrels, surtout en hiver lorsqu’il y a de grosses houles. Il faut un léger vent d’est nord-est pour que le spot fonctionne. Quand le vent est sud sud-est ou même plein est, l’ouest de l’île (Cat Bay) abrite plusieurs spots tels que Right Point, une gauche (assez paradoxalement) qui peut parfois être surfée sur plus de 100 mètres, lorsque la houle est assez grosse. L’île est super parce que si le vent est sud ou est on peut surfer à Cat Bay, s’il est nord nord-est on peut surfer dans le sud… La plus longue période sans surf que j’ai connue là-bas n’a pas duré plus de trois jours. Les locaux préfèrent surfer l’hiver, de juin à septembre parce que les vagues sont plus consistantes, même si le temps est plus capricieux, que les pluies et les tempêtes sont fréquentes.

© Alan Marescotti, Cat Bay.
© Max Nieto, petites piscines naturelles, Berry Beach.
© Max Nieto, Ventnor Beach.
© Alan Marescotti, Max au Cat Bay Classic Festival.

As-tu fait des rencontres locales marquantes ?

Je dirais que ma rencontre la plus marquante fut Sam, mon manager au shop Rip Curl de l’île. Il m’a immédiatement fait confiance, me montrant beaucoup de spots sur l’île et en dehors. J’ai beaucoup appris en surfant avec lui. Andy McHenry a lui aussi été une belle rencontre. Il est membre du Boardrider Club de Phillip Island ainsi qu’organisateur des compétitions de longboard sur l’île. Je l’ai rencontré à l’eau, c’est un très bon longboardeur et il tient un garage de réparation de voitures vintage. C’est un vrai passionné de log au style unique et c’est d’ailleurs lui qui a lancé le tout premier festival de log sur l’île il y a quatre ans, le Cat Bay Surf Festival auquel j’ai pu participer en mars dernier.

Tu as donc pu participer à des compétitions locales ?

Pour la première fois de ma vie, j’ai participé à une compétition de longboard puis au Cat Bay Classic Festival. Le format de la compétition était classique et il y avait un très bon esprit à l’eau. Ce fut l’occasion pour les familles et les jeunes de se retrouver, le temps d’une journée et de profiter du spectacle. Les kids commentaient la compétition retransmise en live sur YouTube et interviewaient les surfeurs après leurs séries, c’était vraiment fun ! Le Cat Bay Classic Festival est une compétition mixte au format spécial, à laquelle participent généralement 45 surfeurs et surfeuses, issus de différentes régions, Torquay, Point Leo sur la péninsule, Lorne…

Pour quelqu’un qui voudrait passer du temps sur l’île, quels conseils lui donnerais-tu en matière de logement, de surf, de nourriture… ?

Si l’on se trouve dans les alentours de Melbourne, on peut s’y rendre le temps d’un week-end. Ça suffit pour explorer l’île et faire les activités emblématiques, aller voir les pingouins, faire une initiation au surf et la randonnée de Cap Woolamai. Si l’on souhaite y rester plus longtemps pour profiter des vagues, les locations Airbnb ne sont pas très chères hors saison et il y a des campings. Mais l’idéal selon moi reste le van aménagé. Il y a plein de spots où l’on peut dormir et où les contrôles sont rares voire inexistants, notamment du côté de Ventnor Beach.

As-tu eu vent d’anecdotes en tout genres à propos de Phillip Island ?

J’ai appris qu’en 2005 le Bells Beach Pro avait été déplacé à Phillip Island, sur le spot de Cap Woolamai, parce que les conditions à Bells n’étaient pas assez bonnes. J’ai aussi entendu dire par les locaux qu’une année Kelly Slater y avait loué une maison, le temps d’un week-end, pour surfer le reef break d’Express Point, une vague à barrels très engagée où il y a très peu de fond. La vague est assez protégée par les locaux, il faut avoir un très bon niveau et attendre son tour pour espérer prendre un barrel. Si on se lance, il ne faut pas se louper parce que la vague ne pardonne pas. Il paraît que beaucoup de surfeurs s’y sont blessés et certains d’entre eux ont même fini à l’hôpital.

Et une anecdote plus personnelle ?

Un jour j’ai surfé à Cowries, une gauche assez longue tout au bout de l’île. Les conditions étaient vraiment bonnes et je me suis mis à l’eau, surpris d’être seul, mis à part le phoque que j’ai aperçu au large. J’ai passé une super session, j’ai eu toutes les vagues pour moi. Quelques semaines plus tard, j’ai appris que le spot regorge de phoques et que les requins ont l’habitude de les chasser pour se nourrir, ce qui explique sa faible fréquentation. Ça a été une petite frayeur après coup même si, apparemment, les requins ont assez de phoques pour se nourrir…

Peux-tu nous parler de ton mode de vie sur place ?

En partant pour Phillip Island je me suis dit que je vivrais dans ma voiture pendant 2-3 mois. Une chose que je n’avais jamais envisagée. Mon 4×4 aménagé possède un lit, mais je n’ai pas de frigo, ni d’autonomie en terme d’électricité, simplement des tiroirs pour ranger mes affaires et un grand bidon d’eau. J’y suis allé à l’aveugle en me disant que je verrais comment se passeraient les premières semaines. J’ai rapidement pris mes habitudes. Je me douchais sur la plage après le surf et quand j’avais besoin de prendre une bonne douche chaude j’allais dans un centre de sport pour 3 dollars. Je n’avais même pas de table, juste une chaise et un réchaud pour cuisiner, mais je me suis bien débrouillé. Je faisais beaucoup de barbecues avec des gens rencontrés sur place. L’avantage de l’Australie, c’est que les barbecues sont en libre service.

© Alan Marescotti, Cat Bay.
© Max Nieto, Cap Woolamai.
© Max Nieto, Berry Beach.
© Max Nieto, Squeaky Beach, parc national de Wilsons Promontory.

Et côté météo, ça a été ?

Dans l’ensemble j’ai eu de la chance. Pendant les deux mois et demi que j’ai passés sur l’île entre janvier et mars, j’ai eu seulement 3 ou 4 jours de pluie. Mais quand je suis parti, il commençait à faire plus frais. Je pense que faire ce que j’ai fait au cours de la période hivernale aurait été plus compliqué…

Que retiens-tu de ce mode de vie ?

Vivre dans ma voiture m’a procuré un vrai sentiment de liberté. Me réveiller tous les matins à 10 mètres de la plage, avec la vue sur l’océan, à 3 minutes à pieds du premier spot, c’était magique ! Pourvoir surfer le matin dès 6h avant d’aller travailler et y retourner après 17h, c’était un vrai luxe. Certes, le confort est limité et ce mode de vie nécessite de l’organisation, surtout au niveau de la nourriture puisque je n’avais rien pour conserver les aliments et il fallait que j’essaye de cuisiner avant la nuit. Mais l’île étant petite, on peut en faire rapidement le tour en voiture. Elle se traverse en 20 minutes seulement.

Quel est le meilleur conseil que tu donnerais à quelqu’un qui viendrait en Australie pour un surf trip ?

Je n’aurais jamais pu envisager de vivre en Australie sans voiture. En tant que surfeur, c’est indispensable de pouvoir être indépendant à ce niveau-là. Ne serait-ce que pour transporter son équipement mais aussi pour découvrir les spots cachés et parfois difficiles d’accès que ce territoire contient, ou tout simplement pour se rendre rapidement sur un spot avant que le vent ne se lève et que la marée ne soit trop basse. La vie en van ou en voiture aménagée est, pour moi, la meilleure des manières de voyager, lorsque le temps le permet bien sûr.


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