Portrait : Pierre Frechou, un vidéaste aventurier entre montagne et océan

Quand un projet audiovisuel engagé de qualité voit le jour son nom y est souvent associé.

13/02/2024 par Ondine Wislez Pons

Madère © Remi Blanc
© Jeremy Bernard

Pierre est un vidéaste outdoor installé au Pays Basque. Il capture des moments provoqués de toutes pièces par l’envie d’explorer des régions du monde que beaucoup considèreraient comme trop hostiles pour y mettre un pied. C’est une impression qui n’en est sans doute pas une, lorsqu’un projet audiovisuel engagé de qualité voit le jour, lié à la montagne ou à l’océan, le nom de Pierre y est souvent associé. Wave of Change, Odisea, Less is More, L’Albatros, Le Cercle, Rame pour ta Planète… Il collabore avec des sportifs et des marques de sports outdoor telles que Picture ou Oxbow. Après quelques années passées à Montréal il revient sur ses terres, l’océan étant trop loin. Le Pays basque, d’où il est originaire, façonne des individus de la trempe de Pierre tout en créant des synergies.

Des rencontres déterminantes

Dans l’existence, il y a les rencontres que l’on fait et celles que l’on provoque. Elles peuvent être belles, mais si on n’y met pas de soi, il y a moins de chance pour que quelque chose se passe. Pierre a non seulement su provoquer ces rencontres, mais il les a aussi investies. Tout commence par la Water Family, qui lutte depuis des années pour la préservation de l’eau, et sa rencontre avec Bernard Crépel. Les valeurs que cette association défend résonnent en Pierre. Depuis qu’il s’en est rapproché, en 2016, il a enchaîné les rencontres et les voyages d’exploration. Celui qui marque le début de ses aventures, il le fait en Patagonie aux côtés de Damien Castera, de Mathieu Crépel – le fils de Bernard Crépel, le cofondateur de l’association du Flocon à la Vague – et de Grégory Rabejac.

« En 2016, ils m’ont parlé d’Odisea, un projet entre montagne et océan pour suivre et comprendre le cycle de l’eau du flocon à la vague et les problèmes environnementaux qui y sont liés. La Patagonie chilienne a été le lieu de mon premier projet outdoor avec eux, qui a donné lui au le film documentaire « Odisea, des Andes au Pacifique ». C’est un voyage inoubliable et marquant, qui m’a permis de comprendre ce qui me faisait vraiment vibrer. Être entre la montagne et l’océan, lier ma passion et mon travail tout en permettant, au travers de films documentaires, de diffuser des messages écologiques et inspirants. Depuis, je travaille régulièrement avec Oxbow, comme ça a été le cas pour « L’Albatros », « Le Cercle », « Hono », grâce à ma rencontre avec Greg Rabejac sur le projet Odisea, ainsi qu’avec Picture Organic Clothing sur des projets en montagne comme « Zabardast » avec la production Almo Film. Je prends aussi part à des projets autour du surf et de l’océan, comme « Wave of Change » que j’ai co-réalisé avec Damien Castera. » raconte le vidéaste.

Depuis, Pierre multiplie les expéditions en marge des circuits classiques. Le Chili, l’Alaska, le Pakistan. Il a aussi passé du temps en Indonésie et à Hawaii. En 2016 il vivra d’ailleurs en Indonésie une mésaventure qui aurait pu tourner à la catastrophe et qu’il voit aujourd’hui comme une seconde chance. Pierre avait embarqué sur un bateau avec des potes pour un boat trip du côté de l’île de Panaitan, au large de Java et leur embarcation a coulé après avoir été percutée par une succession de vagues. « On a tous vraiment eu peur au moment de l’impact. Le bateau s’est brisé en deux en quelques minutes et nous étions à l’eau, seule la proue du bateau de pêcheur sur lequel nous étions dépassait de l’eau. On s’est retrouvé dans une situation digne de Koh-Lanta, avec un blessé, sans nos affaires, sans nourriture et sans eau. Mais on est tous rentrés sain et sauf et depuis, je vois la vie différemment, un peu comme une seconde chance. J’essaie de ne plus m’arrêter sur des choses futiles, de positiver, d’avancer et de ne garder que le bon » nous confie Pierre.

© Pierre Frechou

Un vidéaste engagé

Curieux de son travail et de son engagement, tant physique que moral, nous avons questionné Pierre sur les motivations qui le poussaient à choisir un projet plutôt qu’un autre. Ce à quoi il nous a répondu ceci. « C’est un mélange de choses. Parfois j’essaie de démarcher des marques ou des projets dont les valeurs, notamment écologiques ou éco-responsables, m’intéressent. Au bout de huit ans à mon compte, il y a aussi un effet boule de neige. Au fil des tournages et des missions que j’ai réalisé, je suis contacté pour des projets documentaires et des expéditions, autour de l’océan et de la montagne. C’est génial parce que c’est vraiment sur cet axe-là que je voulais orienter mon travail ces dernières années.« 

Sa mission est de documenter ces expéditions, d’en capter les moments de vie et les échanges qui se produisent, de filmer les paysages dans lesquels ils évoluent pendant plusieurs semaines. Il saisit la nature dans ce qu’elle a de puissant, vertigineuse. Pierre ressemble à ceux sur qui il pose sa caméra, c’est sans doute pour cela qu’il filme ses sujets avec tant de justesse. Ces expéditions sont longues, difficiles, souvent glaciales et nécessitent une condition physique élevée. Cependant, sortir de sa zone de confort, se dépasser, sont des choses qui motivent Pierre dans ce qu’il entreprend. Il va chercher ses images là où elles sont parfois difficiles à attraper et n’hésite pas à passer ses nuits dehors aux côtés de Grégory Rabejac lorsque celui-ci prend ses photos, il multiplie les initiatives qui enrichissent toujours les films dont il fait les images. « Il ne se contente pas de poser sa caméra, il est sensible à l’environnement dans lequel il évolue. Il y a un vrai travail de réflexion derrière sa prise d’images » affirme Greg. Le photographe se souvient d’une session au sud de la Patagonie. Au moment de rentrer dans une eau qui ne devait pas faire plus de dix degrés, Pierre se rend compte que la fermeture éclair de sa combinaison est impossible à zipper. Face à cet incident, il ne se démonte pas. Il se met à l’eau et ne tarde pas à ramener des images qui figurent parmi les moments les plus forts du film.

Odisea © Will S. Touitou
© Helias Millerioux
© Pierre Frechou

Il suffit d’échanger avec lui et ses compagnons d’expédition pour que certains traits de sa personnalité sautent aux yeux. Pierre est curieux, polyvalent, volontaire et décidé. Son implication dépasse d’ailleurs souvent son travail de vidéaste. Epris de captation vidéo, il a réussi à allier cette passion à celle qu’il nourrit pour les sports de glisse. À l’origine ce n’est pas son milieu et comme le souligne Mathieu Crépel, c’est une force. En plus d’apporter un regard neuf à ce microcosme (de la glisse) qu’il documente, cela renforce sa curiosité, sa soif d’apprendre est permanente.

Avec Grégory Rabejac comme mentor, Pierre a été élevé à bonne école. Celui qui est aujourd’hui son ami lui a beaucoup appris. Pierre s’inscrit dans le sillage de ces photographes qui ont été les premiers à faire corps avec l’élément qu’ils photographient. Il possède les codes d’une génération de photographes et de vidéastes qui travaillaient déjà à une époque où les réseaux sociaux n’existaient pas. S’il est marqué par la génération qui le précède, ça ne l’empêche pas d’être de son temps, avec peut être même une longueur d’avance.

Son engagement est écologique et commence dans le choix des projets sur lesquels il décide de se lancer, souvent en équipe. C’est impensable pour lui aujourd’hui de ne pas avoir de conscience écologique. Pierre l’a compris, ce ne sont pas les discours moralisants qui vont changer quoique ce soit. Comme il le dit lui-même « on ne naît pas éco-responsable, on le devient« . Conscient qu’un retour en arrière est impossible, c’est à travers ses images qu’il souhaite provoquer l’envie de consommer et de vivre différemment. C’est en prenant conscience de la richesse de ce qui nous entoure, de la beauté de la nature et de l’urgence dans laquelle elle se trouve que chacun doit réagir et le travail de Pierre y contribue.

Aujourd’hui, Pierre continue de travailler régulièrement pour des marques comme Oxbow et Picture, aussi bien sur des projets liés à l’océan qu’en montagne. Il a travaillé sur des films tels qu’Hono, à Tahiti ou Chronoception, qui résulte d’une expédition dans les montagnes reculées du Kirghizistan, où il était cadreur et pilote de drone. Le vidéaste travaille également avec des riders, comme ce fut le cas sur le dernier documentaire de Mathieu Crepel, Vinhamala, réalisé par Walid Berrissoul traitant du devenir de nos glaciers des Pyrénées. « Un prochain projet dans le froid est d’ailleurs prévu pour cette année d’ailleurs avec Mathieu » nous a confié Pierre.

Belharra © Pierre Frechou
© Greg Rabejac
Tahiti © Pierre Frechou

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