Entretien : Vahine Fierro, les JO en ligne de mire

"J'ai commencé à surfer Teahupo'o à seulement 17 ans. Avant je ne trouvais aucun plaisir à me mettre à l'eau là-bas".

16/12/2021 par Rédaction Surf Session

Sourire enjoué et regard déterminé, Vahine sait où elle va.
On a profité de la présence de la surfeuse tahitienne à Hossegor en octobre dernier, pour la rencontrer, elle qui était dans les Landes pour disputer le 3e et avant-dernier Challenger Serie de l’année. 
Nous l’avons retrouvée entre deux séries à la Roxy House, au beau milieu des dunes landaises. Elle nous a gentiment ouvert les portes de cette belle maison perdue dans les pins. Nous nous sommes installés sur une terrasse de bois spacieuse, jonchée de longboards estampillés Roxy sous le regard des derniers oiseaux de la saison. Les yeux pétillants, souriante et discrète, Vahine s’est confiée.
Nous lui avons posé des questions sur Teahupo’o et les JO. La présence prochaine de cette compétition sur son île divise l’opinion et nous lui avons aussi demandé son avis sur la question. 
Entretien. 

Les prochains JO doivent se tenir à Teahupo’o en 2024, est-ce que c’est une bonne chose pour toi ?
Vahine Fierro – Je n’étais pas surprise qu’ils aient choisi ce spot parce que les conditions en juillet, ailleurs en France, ne sont pas fameuses ! Alors que Teahupo’o est la vague parfaite pendant cette période. C’est sûr qu’il y a beaucoup d’enjeux environnementaux. Il y a beaucoup de gens qui sont contre et beaucoup de gens qui sont pour. Je vais y participer, mais si les gens sont contre j’accepte aussi leur décision et j’espère que si les Jeux se passent là-bas, le comité fera tout pour que l’endroit reste intact et qu’il n’y ai pas de séquelles. Ils comptent faire beaucoup d’aménagements et j’espère que ça n’impactera pas trop Teahupo’o parce que c’est vraiment un endroit mythique. S’ils ont choisi ce lieu c’est qu’ils ont ressenti le Mana, c’est une énergie que tu ressens quand tu es là-bas.


Est-ce une inquiétude pour les locaux que la vague soit encore plus mise en avant que ce qu’elle n’est déjà ? 
V. F – C’est sûr que Teahupo’o a un grand impact sur les réseaux sociaux. Ça amène beaucoup de gens. Mais je pense que tout le monde connaît Teahupo’o donc je ne crois pas que cela puisse ramener encore plus de monde… Peut-être quelques personnes mais je pense qu’elle est déjà assez connue. 
Est-ce que tu trouves que c’est bien de continuer de partager la vague ? Ou au contraire, penses-tu que ça serait préférable de la garder pour les Tahitiens ?
V. F – Le Covid fut une année assez spéciale parce qu’il n’y a eu aucun étranger à l’eau. Le line-up était assez vide et je n’avais jamais connu ça. C’était assez cool, tous les locaux se poussaient les uns les autres, il y avait une bonne ambiance. Mais je pense que tant que les étrangers respectent les locaux ça ne peut que bien se passer. 


Tu dis que tu ne loupes aucune des houles à Teahupo’o, tu étais donc présente le 13 août dernier. C’était comment ?
V. F – Oui, j’étais là pendant la plus grosse houle de l’année à l’heure actuelle et j’étais sur le jet ski. Ma petite soeur a filmé la vague de Kauli qui a été diffusée partout sur les réseaux. C’était la vague la plus effrayante que j’ai jamais vue de ma vie ! J’étais sur mon jet ski un peu en bas et la vague a failli renverser tous les bateaux. J’ai dû foncer à toute vitesse ! Toute la journée c’était des énormes vagues qui passaient. Je pense que les gens ne savent pas à quel point c’était gros, tu ne te rends pas compte avant d’y être. 

Pour les surfeuses qui n’ont jamais été sur la vague, quelles difficultés penses-tu qu’elles pourraient rencontrer ? 
V. F – C’est une vague très impressionnante, surtout quand tu la surfes pour la première fois. J’espère que les filles qui comptent se qualifier viendront s’entraîner parce que c’est une vague sur laquelle il faut passer du temps pour s’y habituer. Une fois que tu chopes le pic, la seule envie que tu vas avoir c’est de prendre des vagues. J’ai vu ici beaucoup de filles du CT, du top 5-6. Elles y ont passé du temps et elles ont pris de très belles vagues pendant deux semaines. Il faut juste y passer du temps.


Peux-tu nous parler de tes spots préférés en Polynésie ? 
V. F – En Polynésie, j’adore les vagues chez moi sur mon île, elles sont assez parfaites. Je ne les nommerais pas mais elles sont belles. Puis il y a Teahupo’o, qui est une vague mythique, dangereuse. Mais quand tu en prends une et que tu réussis c’est le meilleur sentiment au monde ! C’est une vague sur laquelle tu ressens beaucoup d’émotions. La première fois que j’y ai surfé c’était au cours d’une compétition locale, j’ai perdu dès le round 1. Après ça je n’ai pas aimé cette vague et je n’y suis plus allée pendant au moins un an et demi. Je pense que beaucoup de gens ne le savent pas mais j’ai commencé à surfer Teahupo’o à seulement 17 ans et demi. Avant je ne trouvais aucun plaisir à me mettre à l’eau là-bas et je n’aimais pas les conditions. Mais j’ai commencé à y aller petit à petit et c’est seulement quand j’ai commencé à aimer la vague que j’ai eu envie de me pousser plus. En 2019 j’ai gagné le meilleur tube de l’année mais je peux compter sur les doigts de la main les sessions que j’ai faites là-bas. J’y suis très peu allée et quand j’ai gagné ce prix je me suis dit ok, en 2020 je ne louperai aucune houle ! C’est ce que j’ai fait et en 2021 pareil. Dans l’eau tous les locaux sont super gentils, il y a Matahi, Michel, Kauli… Il y a un groupe de très bons surfeurs là-bas, ils m’ont toujours accueillie et poussée. Ça m’a motivé et je me suis sentie à l’aise avec les gens qui m’entouraient dans l’eau. Maintenant j’y vais toute seule mais j’attends toujours qu’il y ait quelqu’un dans l’eau ! 


Le surf est très ancré dans l’histoire et la culture de ton archipel, comment le ressens-tu dans ta pratique du surf ? 
V. F – La culture est très importante pour les Tahitiens. Au niveau de la langue, ma mère depuis que je suis petite m’a toujours dit qu’il fallait qu’on sache parler le tahitien parce que beaucoup de jeunes de notre âge ne le parlent plus. Je suis contente qu’on puisse parler notre langue, qu’on ait gardé ça. Puis le surf ça vient des Polynésiens, des Hawaiiens, de toutes ces îles. Il fait partie de notre culture et je suis contente de représenter un des sports de notre culture. 


Depuis cette interview, Vahiné a participé au quatrième et dernier Challenger Serie de la saison qui avait lieu à Haleiwa et qui aurait pu lui permettre de se qualifier sur la saison du CT 2022. Malheureusement la surfeuse est sortie en demi-finale et a loupé de peu la qualification. Son prochain objectif est déjà clair : les JO 2024 qui auront lieu chez elle à Tahiti. Le surf français tout comme la Polynésie française n’ont jamais cessé de placer beaucoup d’espoir en cette surfeuse aussi travailleuse que talentueuse. 

>> Interview réalisée par Maia Galot 

>> Par Ondine Wislez Pons


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