Mathias Maallem : un Landais sur le WCT

Interview du team manager Quiksilver et Roxy Mathias Maallem. Le conseiller particulier discret de certaines des meilleures surfeuses du monde.

11/02/2015 par Surf Session

Son nom ne vous dit peut-être pas grand chose, mais si vous suivez les compétitions de surf, vous l’avez forcement déjà entr’aperçu sur les webcasts, dans la zone compétiteurs. Discret, silencieux, mais pourtant omniprésent, Mathias Maallem, 26 ans, est le team manager Monde chez Roxy. C’est vers lui que se tournent certaines des meilleures surfeuses du monde quand il est temps de prendre les bonnes décisions, quand il faut calmer les doutes et choisir précautionneusement les délicats ingrédients qui composent une victoire.

Le Landais a fait ses gammes à l’Hossegor Surf Club aux côtés notamment de Jérémy Flores (quand il vivait en Métropole), Marc Lacomare, Joan Duru et les frangins Paul Loup et PV Laborde. Une émulation qui le conduira une année à terminer dans le Top 15 Pro Junior Européen.

Avide de connaissances, il n’a eu cesse pendant toutes ces années de compétition de vouloir tout comprendre sur l’univers dans lequel il évoluait : Pourquoi ce turn mieux que celui-là ? Pourquoi ce score, pourquoi cette planche, cette droite, ce peak… ? En cas de défaite, là où la majorité des compétiteurs laissait parler les insultes et la colère, Mathias finissait toujours par venir et essayer de comprendre, analyser, savoir.

De sa maturation au sein de l’illustre club landais, Mathias aura assimilé et tenté de reproduire tout ce qu’il voyait. Inspiré par la passion et l’humilité de Jérôme Barets (coach, pilier historique et âme du H.S.C) Mathias commencera à transmettre son savoir aux plus jeunes sociétaires du club, s’intéressant aussi au jugement et n’hésitant pas à passer ses weekends de bonnes vagues à coacher les petits du club et juger ses pairs dans les compétitions, plutôt qu’à se gaver pour son propre plaisir.

Mathias est ainsi devenu coach, entendez un « consigliere ». Avant l’ouverture de saison pour le Quiksilver / Roxy Pro Goldcoast, il revient sur son rôle, son parcours et surtout cette incroyable ascension qui, en moins de 4 ans, l’a vu passer de l’encadrement des débutants de son club dans les mousses landaises, à celui de conseiller particulier de Bianca Buitendang, Sally Fitzgibbons et Stéphanie Gilmore, avec toujours la même discrète passion…

INTERVIEW :

> Vico : Mathias, peux-tu nous présenter ton parcours sportif / pro ?

Mathias Maallem : j’ai 26 ans, je suis Team Manager pour Roxy et Quiksilver, je travaille avec Stephen Bell (Belly), Micky (Picon) et le reste du global team comme Jake « Snake » Patterson. Je m’occupe plus particulièrement du team féminin (Roxy) et des Young Guns (les plus jeunes). J’ai fait pas mal de compétitions plus jeune, mais me suis rapidement rendu compte que même si j’étais confiant techniquement, je n’avais peut être pas ce qu’il fallait mentalement pour avoir la carrière que je visais sur les circuits de compétition.

J’ai donc laissé mon lycra aux vestiaires rapidement après mes années Pro Junior car je savais que je ne pourrais pas me réaliser pleinement en devenant l’un de ces énièmes surfeurs au « ventre mou ».

Je voulais par contre travailler dans le surf, et j’ai eu la chance d’avoir le soutien de l’Hossegor Surf Club et de mon sponsor Quiksilver pour continuer à surfer et me former. J’ai commencé à juger, coacher, passé ma licence de Management du Sport à la FAC de Bayonne, et Jérôme Barets comme Quiksilver m’ont fait de plus en plus confiance, travaillant avec toujours plus de surfeurs de bon niveau, m’intégrant dans l’équipe d’encadrement.

J’ai beaucoup écouté, appris, ai essayé de rassembler peu à peu toutes les connaissances sur le surf de compétition, pour ensuite avoir réponse à toutes les questions de mes athlètes.

> Comment on en arrive à coacher des surfeuses du WCT ? Qui as tu encadré avant d’accéder à une Stephanie Gilmore ?

Tu sais que j’ai toujours été intéressé par le partage des connaissances, des avis. On s’est toujours un peu coachés les uns les autres durant nos sessions de freesurf au Club ou même pendant les compétitions. Quand j’ai vraiment commencé à m’y mettre, j’avais pas mal de petits du club, sur les Crevettes Tour, les Championnats d’Aquitaine, puis les Coupes et Championnats de France. À l’époque, en marge de mon contrat de rider, Quiksilver/Roxy m’avait confié Johanne (Defay) et Maud (Le Car).

L’objectif était de les aider à bien performer sur leur saison Pro Junior et se qualifier pour les World Juniors : mission accomplie car Johanne et Maud se classèrent première et seconde pour l’Europe, et Johanne était dans la course au titre mondial jusqu’au dernier jour de compétition sur la dernière étape (à Burleigh Heads).

La surfeuse avec laquelle j’ai le plus travaillé est Bianca Buitendag (Afrique du Sud). Elle est un peu devenue ma petite soeur avec le temps. Avec elle, on a bossé sur toutes les connaissances obligatoires pour gagner, et finalement se qualifier. De la technique, aux planches en passant par la stratégie, on a mutuellement nourri notre progression, de ses victoires en Pro Junior, en passant par le WQS, sa qualification sur le WCT et son titre de Rookie of the Year, et nous continuons à travailler ensemble, maintenant qu’elle est confortablement assise dans le Top 8 du WCT.

“une fois sur le site de compétition, je ne pense pas que la technique ait sa place”

> Comment décrirais-tu ta façon de travailler, qu’est ce qui fait, selon toi, la différence ?

J’apprends tous les jours ! Dans ce milieu il faut savoir rester à sa place, et comme tu le dis, se méfier des certitudes, et des gens qui en ont. Je suis arrivé sur le WCT très rapidement, c’est sûr, mais toujours sur la pointe des pieds, et toujours dans l’intérêt du surfeur.

Mon travail est d’observer, d’analyser, et ensuite de donner mon avis, si on me le demande. Le travail de coaching à ce niveau est beaucoup moins technique que d’offrir une oreille attentive et éclairée, une opinion étayée, une observation, un oeil extérieur impartial.

Bien sûr, je continue de travailler hors saison, avec Bianca particulièrement, sur la partie technique de son surf. Mais une fois sur le site de compétition, je ne pense pas que la technique ait sa place. Cela peut instaurer le doute et ruiner une compétition. Je reste la plupart du temps silencieux durant les séries (sauf conditions météo compliquées ou urgence tactique). Je briefe avant série, débriefe après. Je suis là pour aider la surfeuse, pas pour l’embrouiller.

Je ne pense pas « faire la différence », je crois juste que j’ai développé un bon relationnel avec les surfeuses, j’ai leur confiance et je dialogue avec elles, les conseille, mais toujours en me nourrissant à la fois de leur feedback et de mon expérience et bagage technique.

Pour être honnête, j’étais un peu complexé quand je suis arrivé sur le Tour, mais je pense que d’avoir accompagné Bianca depuis ses années Pro Junior jusqu’au WCT m’a apporté une certaine légitimité, et c’est clair que quand Steph (Gilmore) est venue me demander avis et conseils pour la première fois, je t’avoue qu’au début j’ai eu du mal à trouver mes mots, un peu “sur le cul” même ! (rires) mais cela m’a aussi montré que je travaillais dans le bon sens.

Il faut valider les choix, conforter et alerter l’athlète, tout en respectant leurs individualités.

“On ne parle pas à Steph comme on parle à Bianca, ou Sally

> Quelles sont pour toi les qualités obligatoires pour un bon coach ?

Je pense qu’il faut être humble, savoir se remettre en question en permanence; sans pour autant perdre la face. Il faut inspirer confiance, donc donner l’impression d’être sûr de soi et d’elles, même si parfois tu doutes ! (rires). Être un bon technicien, un bon stratège, connaître les critères de jugement et le rule book de la WSL par coeur. Il faut être pointu sur le matériel, savoir ce qui fonctionne et comment et surtout pour qui et dans quelles conditions.

La qualité la plus importante est de savoir lire : lire les conditions, les marées, les scores, les émotions et savoir les traduire avec aplomb et concision, pour que la surfeuse reparte du briefing avec 2, maximum 3 consignes qui vont l’aider.

Il faut valider les choix, conforter et alerter l’athlète, tout en respectant leurs individualités. On ne parle pas à Steph comme on parle à Bianca, ou Sally. Chaque athlète a sa vision, son mental, ses limites et il appartient au coach de s’y adapter pour qu’à terme, la surfeuse s’apprivoise la consigne comme sienne.

“Tout le monde ne peut pas gagner”

> Ton meilleur et ton pire souvenir ?

En travaillant avec de tels athlètes dans de pareilles conditions, j’ai la chance de ne pas trop avoir de mauvais souvenirs. Bien sûr, la qualification puis le titre de Rookie pour Bianca on été une consécration. Sa seconde place derrière Steph sur la Goldcoast reste pour l’instant le moment le plus énorme !

Et parfois effectivement il y a des déconvenues, mais il y a toujours un côté positif, tout comme à Rio, où Steph et Bianca se font faites sortir direct et ont terminé dernières, mais c’est Sally qui remporte l’épreuve; ou comme partager le line-up lors de la dernière épreuve à Honolua Bay avec Steph, qui se fait sortir en quarts, mais Bianca éliminant définitivement Sally de la course au Titre offrant le sacre à sa collègue de team. Tout le monde ne peut pas gagner et c’est clair que c’est doux-amer, notamment pour Sally.

> Quel est ton programme maintenant ?

Je vais partir dans pas longtemps pour la Gold Coast où on va faire un training camp avec les meilleurs Young Guns mondiaux avant le WCT, puis viendra le début de saison donc je vais être un peu partout !

Je tiens à remercier tout particulièrement Quiksilver (Pierre, Daz, Belly et Miky) pour m’avoir mis “le pied à l’étrier” et me soutenir en permanence, et des filles comme Maud, Johanne, Bianca, Steph pour m’avoir fait confiance et me permettre d’en apprendre toujours plus chaque jour”.

Interview : Julien “Vico” Hamel


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4 commentaires

  • Deeper
    14 février 2015 3h48

    Bravo Mathias, belle culture sportive, et toujours bien deep à la piste…Bien joué Vico pour l’ITW

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  • Jerome Guibert
    12 février 2015 14h33

    S’il n’a pas mentionner ton sacro-saint Patrick Flores il a peut être une raison non? Faut arrêter de vouloir croire que tout lui est dû aussi ! À ce que je lis dans l’interview Mathias est complètement à son opposée car il reste discret et à l’écoute de l’athlète, pas à lui faire de l’ombre. Pour moi il est bien plus dans la ligné des Philipe malvaux, Didier Piter et Vico. Le gars a la tête sur les épaules et n’en fait pas des tonnes, un exemple à suivre pour les aspirants coachs !
    Bravo pour ton parcours Mathias, tu mérites tout ce qui t’arrive aujourd’hui!

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  • Sanchez
    12 février 2015 13h58

    Et Merci FOIRAK aussi ..nonnnn????? !!! hahaah!! Les filles progressent c est bien la l’essentiel! GooD JOB.

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  • theoooo
    12 février 2015 10h57

    il y a aussi lee ann curren sur la photo! Bref.

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