The ASP Hollywood Tour, Saison 1 Épisode 3 : Bells Beach

Gabriel Medina est toujours un sale gosse, Jordy Smith est un génie incompris, "Double Jay" va mieux, les Frenchies nettement moins et le papa de Mick est enfin allé voir son fils surfer? Et il a bien fait! Bienvenue dans l'ASP World Tour croqué façon série hollywoodienne par Franck Lacaze !

28/04/2014 par Surf Session

Sa peau d’Irlandais a pris les quelques rides d’une vie passée au soleil et son corps de yogi les kilos d’une musculature savamment travaillée, mais à bientôt 33 ans Mick Fanning a conservé le visage émacié et la même félinité sur une planche qu’en 2001 lorsque ce blond freluquet de 19 ans remportait le Bells Rip Curl Pro en tant que wild card.

 

Treize ans et trois titres mondiaux plus tard, c’est avec la même émotion que Mick Fanning fait tinter sa troisième cloche sur le podium du Rip Curl Pro, troisième étape de l’ASP World Tour 2014 qu’il a juste remporté en disposant de son compatriote Taj Burrow sur le spot de Winkipop. S’il avait dédié sa victoire de 2001 (puis les quinze suivantes) à son frère Sean décédé deux années plus tôt dans un accident de la route, c’est clairement pour son père qu’il a remporté celle de 2014. Son géniteur qui n’avait jusqu’ici jamais accompagné son fils sur la moindre compétition du WCT mais qui a décidé de faire le déplacement jusqu’à Bells beach.

DANS L’ÉPISODE PRÉCÉDENT

Quelques jours plus tôt, en Australie de l’ouest… L’émotion qui envahissait Michel Bourez était probablement aussi intense que celle de “Micktory“ lorsque Rosy Hodge lui tendit le micro pour sa première interview post-victoire à Margaret River. Ses premières pensées furent aussi pour sa famille restée au fenua. Quelques minutes plus tôt, dans les capricieuses vagues de Surfer’s Point, le “Spartan“ venait d’étriller l’Australien Josh Kerr en finale du Drug Aware Pro, deuxième levée du calendrier WCT, après avoir disposé autoritairement de Kelly Slater en demi-finale. Un premier succès sur le World Tour dessiné à grands coups de carves assassins. Sur la route du natif de Rurutu, les “cadavres“ de Nat Young, Adriano de Souza, Kai Otton et Travis Logie…

Quatre ans après l’historique succès de Jérémy Florès au Pipe Masters, le surf français peut à nouveau bomber le torse et nourrir de sacrés espoirs pour la suite de la saison. D’autant que quelques jours à peine après l’ouest sauvage, se présentent déjà les murs verdoyants et familiers de Bells.

HISTOIRE ET TRADITION

C’est donc le Rip Curl Pro Bells Beach, doyenne des épreuves du surf mondial qui conclut la trilogie australienne. Située à une petite centaine de kilomètres au sud-ouest de Melbourne, dans l’État du Victoria, Bells Beach (qui tient son nom de la famille Bell qui possédait les terres alentour) s’enorgueillit d’accueillir depuis 1962 la plus ancienne compétition professionnelle de la planète et voit la caravane du circuit mondial (IPS puis ASP depuis 1983) y célébrer Pâques sans interruption depuis 1976. Et c’est dans la bourgade voisine de Torquay, dans les garages de Doug Warbrick et Alan Green, cofondateurs respectifs de Rip Curl et Quiksilver que sont nées ces deux marques en 1969.

Comme Augusta pour le golf ou Wimbledon pour le tennis, tout ici respire l’histoire et la tradition. À commencer par la fameuse cloche qui a été remportée par tous les plus grands surfeurs de l’Histoire et qui demeure l’un des trophées les plus convoités. D’ailleurs, comme les courts et les bâches de Wimbledon ou les greens et la veste du vainqueur d’Augusta, la nature environnante et les vagues de la réserve naturelle de Bells Beach ont conservé leur vert d’origine.

THE USUAL SUSPECTS

Après sa victoire de 1999 l’Hawaiien Shane Dorian eut cette observation : “Aucun mauvais (kook, NDLT) n’a jamais remporté Bells”, comprenez seuls les meilleurs y triomphent. Le palmarès le confirme. Hormis Trent Munro en 2005 (avec des phases finales surfées sur un spot de repli à Philip Island), seuls des “top 10“ s’y sont imposés ces dix dernières années. Et à mesure que l’écrémage se fait, on retrouve les suspects habituels en quarts-de-finale : le tenant du titre Adriano de Souza qui, avec un style presque soutenable sortira une série d’anthologie face à l’infortuné Brett Simpson (trois éliminations au round 2 en Australie, sic) avant de battre Medina histoire de lui rappeler “qui c’est Raoul !” (et montrer à ce sale gosse qu’il reste aussi le maitre en matière d’interférence contrairement à Gaby qui n’a pas su provoquer la collision avec Bede Durbidge au tour précédent). Les Australiens sont reçus cinq sur huit : les sénateurs Parko, Fanning, Burrow, et les jeunots en quête de rachat Wilson et Owen Wright. Autre revenant, John John Florence qui a jusque-là traversé l’Australie comme un fantôme mais qui reprend des couleurs série après série jusqu’au round 4 où il envoie un cork 540 hypnotique avec le premier 10/10 de la saison pour sceller une qualification directe pour des quarts où l’attend son pire cauchemar (1) : Kelly Slater, codétenteur du record de victoires -4-.

LE FIASCO TRICOLORE

Le sourire de Margaret River a disparu. Brutalement. Faute d’avoir su contenir le retour d’Aritz Aranburu au premier round alors qu’il semblait dans d’excellentes dispositions, Michel Bourez se retrouve au tour suivant opposé à un Glenn Hall arraché à sa convalescence par le forfait d’Alejo Muniz. Impeccable dans son choix de vague, l’Irlandais (de Nouvelle Galles du Sud) assure. Tout l’inverse de Michel qui chute dès la première sur un turn négocié à l’envers. Dans un océan très Pacifique le Tahitien est en quête d’un 7,53 à 19 secondes de la fin lorsqu’il laisse partir son adversaire sous sa priorité pensant qu’une vague suivra derrière. Il l’attend encore…

Confronté à Mitch Crews, rookie australien au stance large et aux mains baladeuses, sorte de Adriano de Souza allégé à la sauce Vegemite (2), Jérémy Florès va s’agacer. En rythme ni avec sa planche ni sur les vagues, le Français vivra un calvaire avec une “saucisse“ sous les pieds. Incapable de tenir une prise de rail sans décrocher ou, pire, sans accrocher, il passera la majeure partie de sa série à ruminer sa frustration… Et, espérons-le, à réfléchir aux retouches à apporter à ses planches pour le Brésil.

Même grimace du côté des filles. Johanne Defay a talonné la quintuple championne du Monde Steph Gilmore au premier tour mais elle n’a pu que constater les dégâts lorsque Tyler Wright, envoyée sans ménagement au round 2 par la rookie Nikki Van Dijk, s’est réveillée avec un 9 et un 8,53. Si proche, si loin… Quant à Pauline Ado, écartée d’une qualification directe pour le round 3 par cette même Van Dijk, elle a livré un combat acharné face à celle qui fut (et sera ?) l’une de ses concurrentes pour la requalification, l’Australienne Laura Enever. L’Hendayaise s’inclinera de… 0,03 points ! Treizièmes ex-æquo après les 3 étapes down under, les deux Françaises n’ont plus de temps à perdre.

AND THE WINNERS ARE ?…

Carissa Moore pardi ! L’Hawaiienne a, comme à Margaret River ou Bells l’an passé, dominé Tyler Wright pour faire résonner sa deuxième cloche successive. Peu de surprises chez les filles avec le carré d’as habituel (Moore, Wright, Gilmore, Fitzgibbons) en demies. À noter la rébellion des rookies australiennes Dimity Stoyle et Nikki Van Dijk qui sont toutefois vite rentrées dans le rang. Un peu brutalement pour cette dernière qui est allée embrasser le reef.

C’est une anomalie chez les garçons : déjà le plus impressionnant l’an passé jusqu’à ce qu’il se fasse éjecter en demies par Mineirinho, chacun voyait cette année encore Jordy Smith sonner la cloche tant son niveau est impressionnant. Acculé au round 5 par un Julian Wilson au surf aussi propre et efficace que sa mèche impeccable, le géant sud-africain devait trouver un 9,97 pour inverser la situation. Sa dernière vague fut juste surréaliste : carves en rupture enchaînés sur des off-the-lips himalayens conclus par un air reverse cristallin au buzzer. Trois juges lâcheront le 10, mais deux rabat-joie poseront 9,7 et 9,80 pour un total médian de 9,93. Si une vague méritait 10 dans ce contest c’était assurément celle-là ! En revanche, d’un point de vue capillaire, y’a toujours pas photo.

Et John John ? Il a vécu sa catharsis en dominant enfin Kelly Slater dans une série à enjeu (1) globalement décevante et marquée par les nombreuses chutes des deux acteurs. “Double Jay“, bien que plus en jambes en demie sur le spot de Winkipop voisin, est tombé sur un os en la personne de Taj Burrow lequel tombera à son tour sur un os en finale en la personne de Mick Fanning. Mais ça vous le saviez déjà.

DANS LE PROCHAIN ÉPISODE

Inscrit au calendrier du WCT depuis 2011, le Billabong Rio Pro, compétition de beach break citadine est une résurgence d’un passé où le surf n’était pas relayé sur Internet ou à la télé et où l’impérativité d’amener le surf professionnel aux foules (et aux marchés commerciaux potentiels) guidait les choix de l’ASP. Seule étape sud-américaine, elle est organisée à Praia da Tijuca au sud de Rio de Janeiro. Spot qui, dans ses meilleurs jours, distille des tubes qui ouvrent parfois. Et dans ses mauvais jours, comme ce fut le cas lors du round 2 l’an passé, offre la pire journée de compétition de l’histoire du World Tour avec des vagues et une visibilité dignes d’une épreuve de windsurf en Mer du Nord. Mais c’est une étape qui a le mérite de questionner épisodiquement le juges sur la notation de manoeuvres elles aussi issues du passé (cf. le floatergate de 2011) et qui récompense des surfeurs au génie parfois incompris : JJ Florence en 2012, Jordy Smith l’an dernier. Coup d’envoi le 7 mai. Le père de Mick Fanning n’a pas précisé s’il ferait le déplacement.

Frank Lacaze*

(1) Jusqu’à Bells, John John Florence n’avait signé sa seule victoire sur Kelly Slater que lors du quatrième tour de brassage du Pipe Master 2011 et avait chaque fois perdu quand ça comptait vraiment : quarts du Pipe Masters 2011, demie du Fiji Pro 2013, Finale du Pipe Masters 2013.

(2) La Vegemite est une pâte à tartiner maronnasse à base de levure de bière. Les jeunes Australiens y ont droit sur leurs tartines dès la crèche et les récalcitrants sont menacés de déchéance de nationalité. Forcés dès lors de l’ingurgiter au risque de se voir renvoyer dans le pays d’origine de leurs aïeux (en Grande-Bretagne pour la plupart), ils gardent une fierté légitime de pouvoir avaler cette texture au goût improbable (pour rester poli). Pour manger de la Vegemite il faut être Australien… Et inversement.

* @francklacaze : ancien surfeur pro, rédacteur en chef du magazine Trip Surf de 2000 à 2007, commentateur de toutes les épreuves de l’ASP World Tour sur la chaine MCS Extrême (Canalsat 127 ou Numéricable 153).


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