The ASP Hollywood Tour, Saison 1 episode 8 : Trestles

Slater grapille, Carissa vacille et Steph et Jordy brillent dans un Trestles qui distille... Les artistes sont de retour sur l'ASP Hollywood Tour ! Par Franck Lacaze.

22/09/2014 par Baptiste Levrier

Jordy Smith est parfois à l’étroit dans son habit de compétiteur. La rigueur et la concentration qu’imposent la gestion d’une série de 30 minutes ne sont pas les principales qualités du fantas(ti)que Sud-Africain. Mais il en possède beaucoup d’autres. Et notamment un répertoire étoffé mariant trajectoires originales, manoeuvres amples et puissantes, une gamme complète de tricks et cette touche d’imprévisibilité qui ont fait du grand Jordy, sinon l’un des mieux coiffés, au moins l’un des surfeurs les plus enthousiasmants de la planète. La même analyse prévaut pour John John Florence, le magicien blond d’O’ahu qui, lui aussi, s’accommode bon an mal an des contraintes de la compétition et dont le palmarès –trois finales, une seule victoire- ne reflète absolument pas l’immense talent. Mais lorsque ces garçons parviennent à maintenir leur niveau de performance une épreuve durant, rares sont ceux qui peuvent rivaliser.

Le spot “haute performance“ de Lower Trestles opportunément éveillé par une longue houle Pacifique ne pouvait offrir meilleur catalyseur du génie de ces deux artistes. La finale de ce Hurley Pro, huitième levée d’un WCT qu’il faudra bientôt appeler (on prend son souffle) “Ligue Mondiale de Surf”, allait donc nous offrir une opposition inédite -même si elle fut décevante sur le contenu- dont rêvaient tous les amoureux de beau surf… qui auront également pu s’enthousiasmer du retour au sommet de la reine Stephanie.

Gilmore et Smith qui gagnent et c’est le surf qui triomphe.

DANS L’ÉPISODE PRÉCÉDENT

Quelques semaines plus tôt à Tahiti, septième étape de l’ASP World Tour

Dans un Tahiti Pro qui restera dans les annales du WCT, Gabriel Medina s’est littéralement baladé dans un Teahupo’o dantesque, dominant tous ses adversaires avec une impressionnante maitrise technique et tactique avant de remporter son ultime duel face à l’absolue référence des lieux : Kelly Slater. Sans la moindre retenue dans les intimidants cylindres de Hava’e, le goofy de Maresias a cloué le bec à certains détracteurs qui l’affublaient il y a peu du sobriquet de « crapaud sauteur », sous-entendant que le surf de Medina ne se réduisait qu’à des envolées, de préférence dans des vagues de petite taille. Plus important, ce troisième succès de Gaby est un pas supplémentaire vers ce qui serait un historique premier titre mondial pour le Brésil.

TRESTLES, TEMPLE DU SURF PROGRESSIF

Après un J-Bay d’exception propice aux “géantistes“ du WCT et un Teahupo’o réservé aux “descendeurs“ au gros coeur, Lower Trestles était attendu par les “freestylers“ du Top 34. Ce pic droite-gauche californien qui s’est substitué aux bancs de l’école pour des générations de new schoolers tels que Christian Fletcher, Matt Archbold, Shane Beschen, Chris Ward ou plus récemment à Kolohe Andino est un véritable temple du surf progressif. Et c’est précisément sur cette approche que le jury scruterait les compétiteurs. La première mèche est justement allumée par une Californienne. Opposée à Carissa Moore au round 3, Lakey Peterson va replaquer un énorme air 180 reverse qui sera fatal à la championne du Monde hawaiienne qui, avec cette piteuse 9e place (son plus mauvais résultat depuis avril 2012), abandonnera son dossard doré de leader à l’Australienne Sally Fitzgibbons, future finaliste malheureuse.

Si le plus gros trick sera l’oeuvre de Filipe “Air“ Toledo : une hallucinante rotation désaxée effectuée à 1,50 mètre au-dessus de la vague qui n’aura pourtant pas eu le 10 mérité, la faute à trois juges qui ne connaissent de progressif que les verres correctifs dont ils ne sont pas équipés, la démonstration majuscule de cette épreuve sera assurément celle de John John Florence. Confronté au King Kelly, sextuple vainqueur de Trestles et à Adriano de Souza au quatrième tour non-éliminatoire, “Double Jay“ va réciter lay back snaps, carves et air reverses pour collectionner cinq scores au-delà de 9 points -sur six vagues surfées. Mahalo(1) John John !

FRENCHIES : LE SOURIRE DEFAY

Bilan mitigé dans le camp tricolore. Nouvelle grimace pour Jérémy Florès (25e) sans réponse face à un Slater qui sembla plus jeune de 10 ans que le Français. Bilan à peine plus réjouissant pour Pauline Ado qui, après avoir disposé de Malia Manuel, sera défaite par l’Australienne Laura Enever au round 3 (9e). Les chances de l’Hendayaise de réintégrer le top 10 fondent comme wax au soleil. Le maintien passera vraisemblablement par le WQS. Grand sourire en revanche pour Johanne Defay qui surfe sur une confiance inébranlable depuis Fidji. Après deux quarts atteints dans des conditions diamétralement opposées dans un Cloudbreak XL puis dans un Huntington Beach XS, la Réunionnaise s’est de nouveau hissée dans le tableau final. Mieux, elle s’est autoritairement offert le scalp de la vice-championne du Monde Tyler Wright pour accéder à la première demi-finale de sa jeune carrière (3e) où elle butera sur Sally Fitzgibbons, celle-là même qui l’avait déjà écartée à l’US Open.

Quant à Michel Bourez, plus que sa défaite face au futur vainqueur Jordy Smith au round 5, c’est surtout l’infime écart de 0,20 points sur Mick Fanning au tour précédent qui peut le frustrer. Une nouvelle neuvième place pour le Tahitien qui l’écarte encore un peu de la course au titre.

COURSES AU TITRE : SLATER ET GILMORE GRAPILLENT

La déception de Bourez sera toutefois atténuée par les résultats de ses principaux adversaires du top 5 mondial. Stoppés en quarts, Fanning, Parkinson et Medina n’engrangent qu’une poignée de points de plus que le “Spartan“ (5200 contre 4000). La seule bonne affaire sera à mettre à l’actif d’un Kelly Slater qui après avoir disposé miraculeusement (d’un) de son (ses) souffre-douleur(s) préféré(s), Taj Burrow, sera le seul membre du top 10 à atteindre les demi-finales. Mais le Floridien sera bien impuissant dans son explication avec JJF, autre de ses souffre-douleurs favoris. Argumentée à coups de manoeuvres résolument modernes, leur explication tournera à l’avantage de l’Hawaiien. Plus fluide que son aîné, “Double Jay“ tiendra sa revanche sur Kelly(2) avant de retrouver Jordy qui avait disposé un peu plus tôt d’un épatant Adrian Buchan.

Du côté des filles, après les éliminations prématurées de Carissa Moore (9e) et Tyler Wright (5e), ce sont donc les deux autres membres du “Fab Four(3)” qui ont profité de l’aubaine. Sally bien décidée à saisir cette nouvelle opportunité de titre mondial qui s’est toujours refusé à elle –trois fois vice-championne du Monde- n’a pas tremblé pour atteindre sa troisième finale de la saison où l’y attendait la Reine Stephanie. Las, face à une Gilmore absolument intouchable (9,50 et le seul 10 de toute la compétition), Sally devra se contenter de sa place de leader nouvellement acquise et qu’elle étrennera en France. Mais attention, Fitzgibbons et Medina doivent commencer à sentir le souffle chaud de leurs adversaires dans leur cou !

DANS LE PROCHAIN ÉPISODE

C’est sur le sol (sablonneux) français que la course au(x) titre(s) s’intensifiera dans les prochains jours. Les Roxy Pro et Quiksilver Pro France, respectivement huitième et neuvième épreuves des calendriers féminin et masculin (la septième commune) seront surfés sur le spot des Gardians à Hossegor. Comme souvent, beachbreaks tubulaires et capricieux seront au menu d’un contest qui n’a quasiment jamais échappé aux têtes couronnées : Gilmore (2011 et 2012 à la Côte des Basques) et Fitzgibbons (l’an passé à Hossegor) chez les filles ou Fanning (2013, 2010, 2009 et 2007), Parkinson (2006) ou Slater (2012) chez les hommes sont les vainqueurs notoires. Seuls succès inattendus chez les garçons : celui de Adrian Buchan aux dépens de Kelly Slater en 2008 et celui, tonitruant, d’un certain Gabriel Medina en 2011.

 

(1) Mahalo : merci en hawaiien.

(2) Lors de leur dernière confrontation en demi-finale à Tahiti qui avait accouché d’une égalité au score, Kelly avait battu John John grâce à un top score supérieur à celui de l’Hawaiien. https://www.surfsession.com/2014/08/30/the-asp-hollywood-tour-saison-1-episode-7-teahupoo/

(3) “Fab Four“ : les “Fabulous Four“, surnom qui fut donné aux Beatles et qu’on pourrait appliquer parfaitement au quatuor qui domine le surf féminin sans partage : Moore, Wright, Fitzgibbons, Gilmore.

> LIRE AUSSI

– La chronique après Teahupo’o

– La chronique après J-Bay

– La chronique après Fiji

La chronique après Rio

La chronique après Bell’s Beach

La chronique après Margaret

La chronique après Snapper Rocks

 

* @FranckLacaze : ancien surfeur pro, rédacteur en chef du magazine Trip Surf de 2000 à 2007, commentateur de l’ASP World Tour sur la chaine MCS Extrême (Canalsat 127 ou Numéricable 153).


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3 commentaires

  • nico
    24 septembre 2014 7h30

    medina a deja obtenu un 10 avec un seul air_trick a hoossegor en 2011 ou 2012 me semble t il???
    et t inquiete pour les juges,ils sont a leur place ,reste a la tienne…

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  • z
    23 septembre 2014 11h08

    « Si le plus gros trick sera l’œuvre de Filipe “Air“ Toledo : une hallucinante rotation désaxée effectuée à 1,50 mètre au-dessus de la vague qui n’aura pourtant pas eu le 10 mérité, la faute à trois juges qui ne connaissent de progressif que les verres correctifs dont ils ne sont pas équipés »…complètement d’accord, en regardant la série je me suis demandé quel aurait été le score si Toledo avait eu une autre nationalité, on dirait bien que les brésiliens ne sont pas éligibles au 10…

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  • Ronus
    22 septembre 2014 16h09

    Merci Franck Lacaze pour vos écrits, toujours palpitants et vivants!

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