Ainhoa Leiceaga : rencontre avec une jeune surfeuse engagée

"Le surf a participé à mon intérêt pour la protection de l'environnement mais je pense que c'est surtout lié à mon éducation"

20/08/2021 par Rédaction Surf Session

Ainhoa Leiceaga surf
© Thibault Luxembourger
Ainhoa Leiceaga environnement
© Sandrine Leiceaga

À 19 ans seulement, Ainhoa Leiceaga est une jeune surfeuse qui a la tête sur les épaules. Native d’UrrugneAinhoa a grandi au Pays-Basque. De son enfance sur les plages basques est née sa passion pour le surf. Talentueuse et prometteuse, elle rentre au Pôle Espoir surf de Biarritz et évolue depuis sur le QS. Aujourd’hui, son objectif est d’atteindre les finales du circuit QS en open. À plus long terme, la surfeuse espère atteindre le CT et connaître le rêve olympique.

En plus d’une vie bien occupée par le surf, Ainhoa rentre en deuxième année de licence de physique-chimie avec pour ambition de travailler dans le domaine de la protection de l’environnement. Malgré son jeune âge, la surfeuse est particulièrement engagée en faveur de l’écologie. C’est l’occasion pour nous de discuter surf et environnement avec une jeune femme investie.

Entretien !

Est-ce que tu penses que ton intérêt pour l’écologie est venu de ta pratique du surf, qu’il y a un lien ?

À la base mes parents sont aussi sensibles à l’écologie. Ma pratique du surf a sûrement joué un rôle là-dedans parce qu’on y est directement confrontés, on est face à la pollution quand on est à la plage avec le plastique et tout le reste. On pratique notre sport dans ce milieu riche en poissons donc ça nous touche de voir comment ils peuvent être affectés par les actions de l’homme. On a envie de les protéger quand on voit comme ils sont beaux et à quel point l’humanité a besoin de l’océan. Ça donne envie d’y contribuer, de protéger ça. Il y a l’océan mais il y a aussi tout ce qu’il y a autour, les plages, les montagnes, etc. Le surf a participé à mon intérêt pour la protection de l’environnement mais je pense que c’est surtout lié à mon éducation.

Est-ce que tu penses que ton intérêt pour l’écologie est venu de ta pratique du surf, qu’il y a un lien ?

Tout d’abord avec les plastiques. Le nombre de fois où tu rames et où tu mets la main dans un déchet plastique…c’est abusé ! Et puis quand tu sors de l’eau, sur la plage c’est la même chose. Même si la plage a été nettoyée le matin tu trouves encore beaucoup de déchets, des brosses à dent, des tampons, des filets, etc. Il y a vraiment de tout ! C’est impressionnant.

L’eau chez nous au Pays-Basque est aussi souvent hyper polluée par les stations d’épuration qui débordent. Quand tu rentres chez toi tu te sens malade ou du moins tu es mal à cause de cette eau ultra sale. Il y a la pollution visuelle mais aussi chimique. On est plein de surfeurs à être malades l’hiver à cause de l’état de l’eau. Ça m’arrive au moins une fois chaque d’hiver.

En France c’est quand même mieux qu’à d’autres endroits. Il y a deux-trois ans je suis allée aux Maldives, c’est des pays qui sont malheureusement moins sensibilisés. On ne voyait même plus la plage, c’était que du plastique. Certains habitants dépités par la situation ramassaient les déchets pour les brûler ensuite, ce qui n’est pas forcément beaucoup mieux avec les particules que ça dégage dans l’atmosphère…Ils ont envie d’aider mais ne savent pas forcément comment s’y prendre. Le problème c’est qu’ils n’ont pas les mêmes aides, les mêmes infrastructures, les mêmes ressources qu’on a la chance d’avoir chez nous. Ils sont généralement dans des situations plus précaires que les nôtres. C’est évident que leur préoccupation principale de s’en sortir et non pas la situation environnementale.

C’est là où on voit que la sensibilisation et l’action sont essentielles dans ce combat. Même quand on a les ressources nécessaires pour diminuer la pollution, ne serait-ce que les déchets, comme en France, si à l’échelle individuelle on n’est pas sensibilisé, ça ne sert à rien. Si on ne jette pas son déchet dans une poubelle, celle-ci ne sert à rien.

La sensibilisation c’est le plus important. Ça passe vraiment par là. Si tout le monde arrêtait d’acheter des produits qui polluent, des produits toxiques qui après ta douche  se retrouvent dans l’océan, du plastique, ce serait un grand pas. Je trouve ça génial que des associations comme la Water Family sensibilisent les enfants dans les écoles primaires. C’est ça qu’il faut faire maintenant. Sensibiliser les jeunes pour qu’ils disent à leurs parents : « Faut pas acheter ça, c’est pas bien! ». Beaucoup d’adultes se disent que ça ne sert pas à grand à chose mais je ne pense pas qu’il faille penser de cette façon.

Comment rends-tu ta pratique davantage éco-responsable ?

C’est vrai que le surfeur pollue. Rien que par les trajets. J’essaie de grouper mes déplacements. Quand je vais surfer j’en profite pour faire mes courses, etc. Ou alors d’aller surfer avec d’autres potes, de faire du covoiturage. En gros de rentabiliser au maximum mes trajets. J’aime bien aller dans les Landes mais j’essaye de ne pas y aller trop souvent parce que c’est loin de chez moi.

J’essaye aussi de travailler avec des marques éco-responsables. J’utilise des combinaisons en néoprène qui n’est pas issu du pétrole (par exemple en limestone) comme celles de Deeply. En crème solaire j’utilise celle de SeventyOne. C’est un fléau les crèmes solaires, ça pollue tellement l’eau, pour les coraux, etc. Au lycée, en première dans le cadre des TPE (Travaux Personnels Encadrés, des travaux qui sur des domaines ciblés doivent répondre à une problématique choisie par le groupe d’élèves) avec un pote on avait travaillé sur la création d’une crème solaire écologique à faire soi-même mais c’est beaucoup de boulot. Celle de SeventyOne est donc un super compromis parce qu’elle utilise moins d’emballages. En plus le packaging est en plastique recyclable et en plus déjà recyclé. Faire ses produits soi-même permet d’utiliser des produits naturels et de diminuer les déchets. Le problème c’est que ça demande du temps donc c’est pas évident…

Et puis quand je sors de l’eau, automatiquement avec ma mère qui m’accompagne souvent on récupère les plastiques qu’on rencontre sur notre chemin pour ensuite les jeter. C’est pas grand chose mais c’est déjà ça. Parfois on a les mains tellement pleines qu’on ne peut pas ramasser tous les déchets qu’on rencontre.

As-tu l’impression que ta conscience écologique te limite dans ta pratique ? Tu t’empêches certaines choses ou certains voyages ?

Non, parfois j’hésite à aller dans les Landes ou plus loin mais je me dis qu’on a déjà de bonnes vagues ici donc je ne vais pas aller là-bas pour avoir un tout petit peu mieux. Je ne dirais pas que ça me limite tant que ça dans ma pratique, c’est juste que c’est réfléchi.

Tu utilises beaucoup les réseaux sociaux pour sensibiliser, as-tu l’impression que c’est un devoir ?

Pour moi la sensibilisation c’est vraiment de là que ça doit partir. Aujourd’hui on sait quasiment tout, on sait comment y arriver. Maintenant ce qu’il faut c’est agir. Même si c’est à une petite échelle, j’essaie de sensibiliser mon entourage, d’utiliser les réseaux sociaux dans ce but. Je le vois pas vraiment comme un devoir, ça me tient tellement à cœur ! Je donnerais tout pour que ça marche. J’ai de plus en plus des retours positifs et je vois que ça intéresse les gens. Je trouve ça top !

Trouves-tu que l’industrie du surf est assez éco-responsable ou du moins impliquée dans cette démarche ?

À la base non… Mais de plus en plus oui parce que les entreprises essaient d’être éco-responsables. Par exemple, ma sœur a eu un Gromsearch il n’y a pas longtemps et dans les prix il y avait des pousses de chênes. Elle en a gagné un qu’on a planté dans notre jardin. Je trouve ça génial. Un surfeur dégage beaucoup de gaz à effet de serre avec tous les trajets qu’il fait. C’est super de leur offrir des arbres qui pompent ces gaz.

L’industrie du surf s’améliore de plus en plus en créant de nouvelles combinaisons avec du néoprène plus écologique et un impact plus faible. C’est pareil pour les crèmes solaires et les planches. Il existe aussi des sites de revente de combinaisons d’occasion pour leur donner une seconde vie.

La WSL aussi s’est améliorée. Avant elle n’était pas du tout écolo. Pour le circuit il fallait aller en Australie, à Bali, etc. pour avoir des points et se qualifier. Aujourd’hui ils ont recentralisé sur chaque continent ce qui permet de rester en Europe et de réduire son impact.

Qu’est-ce que tu aimerais qu’elle change ?

C’est encore compliqué de trouver des planches fines et éco-responsables quand on a un certain niveau de surf. On arrive pas à avoir les mêmes sensations avec. J’utilise encore des planches en résine, c’est pas génial mais je n’ai pas le choix. Pour compenser, je les vends ensuite pour prolonger leur utilisation. J‘ai encore du mal à trouver, de la wax éco-responsable. J’en ai essayé plusieurs mais certaines noircissent vite. Beaucoup de choses s’améliorent mais il faut que ça continue à évoluer.

As-tu peur de ne plus pouvoir surfer à cause de l’impact humain sur l’océan et de la pollution (algues toxiques, débordement des stations d’épuration, changement des courants marins, etc.) ?

Au-delà du surf, j’ai peur qu’on détruise complètement notre planète. Si je ne peux plus surfer ça voudrait dire que la situation est devenue encore plus dramatique. J’ai vraiment peur qu’on détruise tout à cause de notre égoïsme. On peut encore agir, il ne faut pas se décourager ! 

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Ainhoa-Leiceaga surf environnement
© @surfshot/ Laura Hebbel

Article par Flora Etienne.


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