Leilani McGonagle, athlète olympique et fière de l’être

La Costaricienne était à Biarritz avec la commission des athlètes des ISA pour discuter du cycle olympique, l'occasion d'entendre son avis réfléchi sur la question.

27/04/2023 par Maia Galot

Leilani McGonagle
© Rip Curl
Leilani McGonagle
© Rip Curl

« Je crois vraiment que le sport doit être à propos de l’athlète et que l’athlète devrait être la priorité dans le sport »

On la rencontre à Biarritz mi-octobre. Leilani McGonagle est en France pour jouer son rôle dans la commission des athlètes (AC) de l’International Surfing Association (ISA).

Présidée par Justine Dupont, cette commission de surfeurs et surfeuses élus par leurs pairs se réunit cette fin d’année sur la côte basque pour échanger avec le CIO et les ISA. Le but ? Être la voix des athlètes, premiers concernés, sur les sujets liés au cycle olympique, qui vient s’ajouter au calendrier déjà chargé du surf professionnel (incluant donc les évènements ISA et WSL, sans compter les échéances nationales propres à chaque pays).

La commission aborde aussi des sujets centraux, comme la santé mentale des athlètes et tout autre projet d’envergure pouvant aider à l’encadrement général des surfeurs professionnels

La voix des surfeurs

Je crois vraiment que le sport doit être à propos de l’athlète et que l’athlète devrait être la priorité dans le sport. On voit beaucoup dans le sport en général que la politique et tout le reste viennent avant, donc on est là pour rappeler ça”. La jeune femme de 23 ans n’a pas sa langue dans sa poche et sa jeunesse ne l’empêche pas d’avoir un avis, qu’elle exprime sans complexe. C’est l’une des raisons pour laquelle son pays (Costa Rica) lui a proposé de se présenter à cette élection menée par les ISA quelques mois auparavant. “Beaucoup de choses l’an dernier ne m’ont pas parues correctes, j’ai été très vocale à ce sujet et donc ils ont pensé à moi. J’ai de suite été partante pour endosser ce rôle, c’est dans mon tempérament”. 

L’un des éléments centraux de ces échanges devait porter sur le timing de préparation aux échéances ISA, jugé trop court pour nombre de surfeurs et de pays participants. En effet, sans anticipation possible, nombre de pays où les ressources sont plus limitées se retrouvent en difficulté pour réunir les uniformes ou encore les visas nécessaires à rejoindre comme il se doit une aventure olympique.

C’est beaucoup de pression supplémentaire sur les athlètes” nous explique l’une des premières concernées. “Il y a beaucoup d’événements qualificatifs, ou qui ont un poids sur la carrière d’un athlète, dont le planning a été annoncé 2-3 mois avant. Les pays “plus petit” en souffrent beaucoup plus, surtout pour les événements d’équipe, car ils n’ont pas le temps de débloquer des fonds, de sélectionner leurs athlètes (certains pays ont des sélections internes via des événement nationaux, ndlr) et les athlètes ne peuvent pas anticiper cela car ils ont déjà un gros programme, ce qui à terme les empêche de participer.”

Le manque d’anticipation mène aussi à la collision d’événements programmés en parallèle, entre le planning WSL et ISA, obligeant les surfeurs à faire un choix parmi deux points pourtant majeurs de leur carrière.

Et il y a ce que j’appelle le dopage économique, avec des pays comme les Etats-Unis ou la France qui ont beaucoup de surfeurs et moins de difficultés à trouver un budget pour envoyer une équipe très solide les représenter, alors que les pays qui ont beaucoup de talent mais peut-être moins de ressources ont du mal à avoir une opportunité juste, car il y a plus de choses politiques à gérer”. Et individuellement, la problématique se pose aussi : “En tant qu’athlète, tu veux du temps pour te préparer physiquement et mentalement à quelque chose d’aussi important qu’une qualification aux Jeux Olympiques« , ajoute la Costaricienne.

Olympienne

Car les Jeux Olympiques, Leilani y a goûté. Elle n’est pas peu fière de dire qu’elle a fait partie des 20 premières surfeuses de l’Histoire à participer en 2021 aux Jeux Olympiques de Tokyo.

C’était une super expérience car le jour où ils l’ont annoncé (le surf aux JO, ndlr), je me suis dis – j’y vais -, ça a immédiatement été un objectif. Ma grand-mère était une athlète olympique en water-polo et je trouvais ça super.” Dans cette opportunité, la surfeuse originaire de Pavones voit aussi l’occasion de redorer le blason de son sport, parfois encore mal perçu dans son pays : “depuis que je suis jeune, beaucoup de gens ne voyaient pas le surf comme un vrai sport. J’ai toujours voulu être un exemple, une bonne athlète, m’entraîner dur, montrer au pays que le sport que j’aime a énormément d’opportunités pour le futur. Nous avons les vagues et le talent pour rendre cela réel. Le problème vient des fonds et des préjugés, où le surf est lié à la fête ou aux drogues. Les Jeux Olympiques étaient la meilleure façon de le faire”. 

Son expérience s’est révélée unique. COVID oblige, les événements WSL annulés en 2020 lui permettront de consacrer une année et demie à sa préparation olympique, avec un seul objectif en tête et du temps pour l’anticiper, un vrai luxe dans une carrière de surfeuse aujourd’hui et dont elle a bel et bien conscience : “ça m’a permis d’avoir une vraie appréciation de ce qu’un athlète peut faire en s’entraînant pour un évènement/une échéance unique. Cela permet de se présenter le jour J en disant – j’ai fait tout ce que j’ai pu-”.

Habituellement, son calendrier compte entre 19 et 23 compétitions par an, un planning trop difficile à tenir qui lui demande de faire des choix. Leilani n’avait par exemple pas participé aux jeux panaméricains où une place qualificative était à pourvoir, car elle était déjà impliquée sur d’autres événements  “c’était une opportunité unique versus une année de travail”. Pourtant, être qualifiée tôt dans le processus lui aurait permis de se préparer plus sereinement encore et de se savoir qualifiée rapidement, allégeant la pression hors norme des JO. 

Le Costa Rica au corps

Qualifiée donc via les ISA World Surfing Games 2020, Leilani a partagé la scène avec Brisa Hennessy, qualifiée elle via le circuit CT et qu’elle connaît depuis ses 14 ans. “On se disait – wow on fait partie des premières, nous sommes 20 femmes sélectionnées pour la toute première fois et deux d’entre elles viennent de ce petit pays – (rires), c’était super de partager ça avec elle”.

Car représenter son pays, c’est aussi un élément central de l’aventure olympique. “Je suis pleine de fierté” témoigne-t-elle, “Quand il s’agit de représenter mon équipe ou mon drapeau, ça me comble vraiment. Dans ma personnalité, j’aime faire des choses pour les autres. Le surf est un sport individuel et ça n’a pas toujours de sens de faire les choses juste pour soi, alors ça donne une incitation supplémentaire. J’ai toujours été très fière d’être d’où je suis, j’essaie de représenter mon pays de la meilleure des manière car c’est un petit pays et qu’on est les premiers pour la future génération”.

Être athlète professionnelle, c’est donc aussi selon Leilani de montrer la meilleure image possible de son sport, pour que d’autres en deviennent à leur tour passionnés. “J’ai toujours essayé d’être le modèle que j’aurais aimé avoir. Je n’avais pas particulièrement cette personne à 10 ans, personne du Costa Rica n’était sur le CT ou n’avait gagné une médaille ISA ou même des QS. J’ai été la première pour certaines de ces choses, ça a été une grande partie de ce qui m’a poussée”.

Leilani McGonagle
© Rip Curl
Leilani McGonagle
© Luiz Barra / WSL
Leilani McGonagle
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Leilani McGonagle
© Tim Hain / WSL
Leilani McGonagle
© Pablo Jimenez / WSL
Leilani McGonagle
© Damien Poullenot / WSL
Leilani McGonagle
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“C’est définitivement au programme, d’aller à Teahupo’o et de me jeter d’en haut de n’importe quelle grosse marche que je puisse trouver”

Teahupo’o dans le viseur

Alors que les Jeux 2024 pointent le bout de leur nez du côté de Teahupo’o, Leilani pense déjà à décrocher sa prochaine qualification. Le challenge est de taille, pour elle qui n’a encore jamais visité la gauche tahitienne. “C’est définitivement au programme, d’aller à Teahupo’o et de me jeter d’en haut de n’importe quelle grosse marche que je puisse trouver (rires)”.

Quand on lui demande son approche des vagues de reef, elle est aussi engagée qu’honnête : “Je pense être à l’aise, je ne dirais pas que je n’ai pas peur car je pense que ceux qui le disent mentent (rires). Ça va être un challenge de se dire – c’est le type vague qui va potentiellement changer ta vie -.” Avec un désavantage sur les surfeuses du CT (8 d’entre elles au moins selon le système de qualification) qui y ont un événement sur place sur le Tour WSL, elle devra compenser son retard avec une préparation solide. À  nouveau, l’anticipation de cette échéance et une qualification anticipée pourrait permettre à son pays (et ses sponsors) de lui fournir un soutien financier nécessaire à cette préparation.

La boucle est bouclée pour l’athlète olympique, qui a depuis repris le chemin des compétitions WSL. Elle a terminé la saison de son QS régional à la 4e place, décrochant une qualification sur les Challenger Series où elle s’était placée 27e en 2022 (elle était 41eme en 2021).

Les échéances sont nombreuses et les objectifs restent multiples, mais Leilani Mc Gonagle est bel et bien en chemin pour décrocher l’un des 24 tickets pour les Jeux Olympiques de Paris, dont l’épreuve de surf se déroulera à Teahupo’o du 27 au 30 juillet 2024. Elle pourrait ainsi y rejoindre Brisa Hennessy et Johanne Defay, déjà qualifiées provisoirement via le Championship Tour.


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