Marie-Moana Troja : « J’étais très heureuse quand j’ai vu mon inscription validée après 5 ans de vaines tentatives »

Rencontre avec la jeune tahitienne qui a récemment terminé 3e du prestigieux Burleigh Single Fin Classic Festival.

18/02/2021 par Marc-Antoine Guet

marie-moana-troja
marie-moana-troja

« J’ai la chance d’avoir des parents d’origines différentes, cela m’a permis de découvrir des cultures diverses et variées »

Marie-Moana Troja est une Tahitienne de 23 ans qui a grandi à la Réunion et en Australie. Cependant, cela fait désormais 8 ans qu’elle navigue entre l’Australie et Tahiti. En 2020, Covid oblige, elle n’a pas pu retourner en Polynésie. Mais en début d’année, Marie-Moana est revenue sur le devant de la scène en participant en tant que Française au Burleigh Single Fin Classic Festival, célèbre compet’ de single fin organisée chaque année du côté de Burleigh Head sur la Gold Coast australienne. Et après presque 3 ans sans compétition, elle y a décroché la 3e place ! Rencontre avec une surfeuse passionnée et déterminée.

Surfeuses – Pourquoi avoir arrêté les compétitions pendant 3 ans ? 

Marie-Moana Troja – « L’année de mon arrêt fut compliquée. Ce n’était pas une décision facile à prendre. Je n’étais pas dans un état d’esprit optimal pour continuer la compétition. J’allais surfer parce que je devais y aller et non parce que j’aimais ça. Je suis donc retournée sur Tahiti. Dès que j’ai décidé d’arrêter, j’ai recommencé à aller surfer par amour du surf. Je passais 6 à 7 heures à l’eau alors que le mois précédent je me forçais pour y rester 1 heure. Ce fut une année merveilleuse qui m’a rappelé pourquoi on commence cette discipline. J’ai partagé des moments inoubliables avec mon père tout en scorant des vagues parfaites sans personne. C’était vraiment magique. J’ai la chance d’avoir des parents d’origines différentes, cela m’a permis de découvrir des cultures diverses et variées, avec comme seul inconvénient le fait de ne pas m’identifier à l’une d’entre elles. Retourner en Australie, recommencer des études et créer une base me paraissait la chose à faire à ce moment précis. Je ne regrette absolument pas ma décision car cela m’a permis de grandir et de me préparer correctement pour revenir plus forte.

Parle-nous un peu de ce retour. 

M-M.T – Je pense que ce fut une combinaison de facteurs qui m’a donné envie de recommencer les compétitions. Tout d’abord, la Gold Coast est un milieu où il y a une culture surf et une émulation hors du commun. Tu te gares au parking et tu vas à l’eau en même temps que Mick Fanning, Parko, Steph Gilmore et j’en passe. Ça motive et donne envie de donner le meilleur de soi-même. Ensuite, j’aime avoir des objectifs. C’est fun d’aller surfer pour se détendre mais je pense que mon côté compétitif a pris le dessus. J’avais envie de retourner dans une routine sérieuse et structurée afin de progresser davantage. Je crois aussi que cet élan de reprendre est apparu en période d’examens (rires). Je voyais mes copines aller au Mexique ou faire la saison en France pour les compétitions et je me disais « punaise tu pourrais continuer à faire ça toi aussi ! ». Mais j’adore ce que j’étudie (Ndlr – Bachelor of sport and exercise science) et c’est aussi l’un des facteurs qui m’a aidé dans ma décision. On étudie entre autres comment les sportifs de haut niveau s’entrainent. Je me suis rendu compte que plus jeune, quand je faisais des compétitions, malgré les entraînements physiques, je ne donnais pas forcément tout ce que j’avais par manque de support et de connaissances. Cela a vraiment été un réveil et une motivation.

Comment as-tu vécu cette année 2020 très particulière ? 

M-M.T – 2020 a définitivement été une année des plus étranges et loin de toute prévision. Mais je me sens vraiment chanceuse d’être en Australie et particulièrement à Coolangatta. Nous n’avons pas souffert du confinement, nous avons pu continuer à faire des activités physiques en extérieur, surfer, etc. La fac était en ligne donc ce n’était pas aussi contraignant qu’en temps normal et cela m’a justement permis de reprendre l’entraînement à fond. La partie la plus dure de l’année 2020 a été de ne pas pouvoir voyager en dehors de l’Australie par crainte de non-retour. Je n’ai donc pas pu me ressourcer avec ma famille en Polynésie. Heureusement, ma grande sœur habite ici, ce qui me permet d’apaiser le mal du pays.   

Où passes-tu la plupart de ton temps ? 

M-M.T – J’habite désormais en Australie, juste en face Snapper Rocks, sur la Gold Coast. C’est un endroit incroyable qui offre un mode de vie unique. Le spot étant à 5 minutes, j’ai la chance de pouvoir aller surfer pendant mes pauses à la fac.

Avec qui t’entraînes-tu ?

M-M.T – À la suite de l’arrêt complet de mes entraînements, certaines douleurs physiques sont apparues. Heureusement, j’ai eu la chance de me faire amie avec un entraineur physique espagnol, Pere Campistol, qui a « réparé » tout ça (rires). Il a également été super enthousiaste à l’idée de m’aider à reprendre les compétitions et m’a présenté à son ami, Martin Sallias. Lui me prépare mentalement. Il est vrai que c’est un aspect que je négligeais jusqu’alors. Les entraînements de surf se passent avec un coach Australien, Gary Cruikshank. Je l’ai rencontré quand je suis venu pour la première fois sur la Gold Coast à l’âge de 14 ans. C’est devenu un deuxième papa.

Tu as participé cette année au Burleigh Single Fin Classic Festival, comment as-tu vécu cette compet’ de single fin ? 

M-M.T – Le single fin festival est une compétition prestigieuse de la Gold Coast, elle se déroule comme son nom l’indique sur le spot de Burleigh Heads. Il y a seulement 12 places de disponibles pour les filles. J’étais très heureuse quand j’ai vu mon inscription validée après 5 ans de vaines tentatives. C’est une compétition amicale et fun et je suis arrivée confiante et détendue. J’étais super excitée de pouvoir surfer cette vague à 6 dans l’eau. Le spot était incroyable, j’avais juste envie de surfer.

Qu’est-ce que ça fait de se retrouver avec tous ces grands noms ?

M-M.T – Ce n’est finalement pas si intimidant car nous vivons tous dans la même ville et nous avons l’habitude de se croiser à l’eau comme au supermarché (rires). Cependant, leur niveau de surf reste toujours aussi impressionnant et inspirant. Ils surfaient ces planches de collection comme des planches de nos jours. C’était un vrai spectacle.

Raconte-nous un peu l’histoire de la board que tu as surfé pour cette compet’ !

M-M.T – Ce qui a fait la renommée de cette compétition est le fait que nous ne pouvons surfer que des planches antérieures à 1985. Les compétiteurs cherchent donc leur trésor tout au long de l’année. Je ne vais pas vous le cacher, ça a été un petit coup de stress pour moi, car deux jours avant le début de la compétition, je n’avais toujours pas trouvé LA planche. Je suis allée dans un shop qui revend des boards d’occasions et j’ai acheté un vieux single 6’4 qui devait peser plus lourd que moi ! En allant surfer pour l’essayer, un local m’a vu la sortir de ma voiture. Il a de suite rigolé et l’a traité de « saucisse ». Quand je suis sortie de l’eau, il était toujours sur la plage et m’a apporté un single 5’7 qui me convenait beaucoup plus et que je pouvais enfin manœuvrer. C’était une planche des années 80′. Le hasard fait bien les choses ! La vibe de cette compétition est vraiment unique.

Ton programme maintenant pour cette année ? 

M-M.T – Je vais participer à toutes les compétitions régionales australiennes afin d’obtenir assez de points pour les « challengers » qui se passeront plus tard dans l’année (en espérant que l’on puisse voyager d’ici-là). Je vais commencer par un QS 1000 à Boomerang Beach (côte est australienne) en février. En parallèle, je suis à la fac, ce qui me crée un bon équilibre, je n’ai pas le temps de m’ennuyer ».  

marie-moana-troja
marie-moana-troja
marie-moana-troja

Tags: