Tessa Thyssen : derrière le sourire, une battante

La surfeuse bénéficie d'une expérience qui lui permet de prendre du recul sur la compétition, le QS, ses ambitions et ses relations.

27/04/2020 par Maia Galot

Tessa Thyssen surf
© Frederic Lecoq
Tessa Thyssen surf
Tessa Thyssen surf
Tessa au Deeply Pro Anglet 2019 © WSL / Damien Poullenot
Tessa Thyssen portrait

« je ressentais de nouveau ce besoin d’être meilleure, d’avoir une bonne vague, de ne pas tomber. C’est finalement ce que j’aime vraiment dans la compétition quand il y a des vagues« 

Tessa Thyssen a 23 ans, et presque 10 ans de compétition dans les jambes.

La jeune femme a grandi en Guadeloupe puis sur l’île de Saint-Barth. C’est à 4 ans qu’elle commence le surf. Le bodyboard d’abord à vrai dire. Elle passe ses journées dans les mousses avec sa grande soeur, et commence à se lever sur son booguie. En la voyant faire, c’est son père qui réalise qu’il faut la mettre au surf. 

Tessa commence donc à surfer sur la plage du Helleux, en Guadeloupe. Les bases lui sont venues naturellement : « je savais déjà me lever sur un body, donc c’était même plus simple sur une planche de surf« . Pour évoluer, elle prend des cours sur ce spot proche de chez elle, et écoute son père qui lui donne des conseils techniques. 

Comme le bodyboard, vite mis de côté, elle élimine d’office la pratique du longboard. « Je déteste le longboard (rires), je n’arrive pas à avoir assez de contrôle ».

Le shortboard correspond à ses attentes et à son style : « Je ne suis pas du tout gracieuse donc le shortboard me convient davantage, ça va plus vite, je peux manoeuvrer comme je veux ». La maniabilité, les manoeuvres et l’interpretation rapide de la vague, qui lui permet de s’exprimer comme elle le souhaite, lui conviennent immédiatement.

Du dépassement de l’autre au dépassement de soi

La compétition commence aussi avec sa soeur. De deux ans son aînée, celle-ci finit toujours devant elle. Naît alors cette volonté « bon enfant » de la battre. Un état d’esprit qui joue sur son approche des compétitions, qu’elle ne prend pas de suite au sérieux.

Mises de côté quelques années, ces dernières se refont une place dans son quotidien en 2008, en Guadeloupe. La surfeuse se lance dans les compétitions locales pour intégrer le championnat de Guadeloupe. « J’avais bien cartonné, j’ai gagné quelques compet’ et en fait j’ai trouvé ça cool« , se remémore-t-elle.

Une fois membre du pôle espoir de Guadeloupe, Tessa participe aux championnats de France dès 2012. Championnats qu’elle remporte chez les espoirs en 2014. Cette année-là elle termine également première sur le circuit GromSearch européen, à tout juste 17 ans.

« Tout le monde te regarde, et tu dois te dépasser pour donner le meilleur de toi-même en un certain temps », dans la compétition, l’athlète aime surtout le dépassement de soi. Cependant, c’est un exercice dont elle reconnaît la difficulté : « c’est difficile car il faut performer en l’espace de 20 minutes, parfois plusieurs fois dans la journée« .

L’inconsistance des conditions est parfois difficile à gérer. Car la surfeuse qui entame sa 5e année sur le QS a aussi assez de recul pour avoir un oeil plus critique sur l’univers de la compétition. « La seule chose qui me dérange c’est les conditions dans lesquelles on nous met » explique-t-elle. Des conditions où elle ne parvient pas à s’exprimer techniquement, et où elle s’ennuie parfois aussi. 

Le QS sous toutes les formes

« Sur les QS tout le monde sait bien surfer, c’est à qui aura la chance d’avoir la bonne vague » ajoute-elle au sujet du tour de qualification. « Je ne m’en suis jamais cachée. Je pense que le WQS c’est comme ça, c’est par rapport à la vague que tu as et pas à ta technique« .

II s’agit d’attendre la bonne vague, ou de se débrouiller avec de petites vagues au risque de mettre en jeu sa priorité sur le set entrant. Une difficulté pour la Caribéenne, qui a envie de prendre du plaisir dans son surf, au risque de ne pas passer sa série. « Quand je suis en série j’ai envie de prendre toutes les vagues et de toutes les surfer (rires)« . Consciente de cet aspect tactique, Tessa travaille cependant à faire évoluer son approche pour gagner en performance sur le QS.

Le tour de qualification n’est pourtant qu’une étape à passer car ce qui la motive c’est avant tout de voir ce dont elle est capable sur le CT. « Un jour, peut-être » : Tessa veut faire partie du top 17, et voir si elle y a sa place.

Un parcours en solitaire

Tessa travaille majoritairement seule. « J’aimerais avoir un coach à l’année qui me filme, me donne des retours, qui est présent pour moi, à qui je puisse poser mes questions, mais ça coûte trop cher« . Sans sponsor, la vie de surfeuse pro est aussi faite de challenges financiers et relationnels plus importants. Ponctuellement, Tessa engage un coach sur quelques compétitions, comme en Australie où elle a renouvelé l’expérience trois années de suite.

Un moyen pour elle d’être accompagnée sur les premières compétitions de l’année afin de se mettre dans une bonne dynamique. Si cette expérience est parfois positive, elle peut aussi mener à des déceptions lorsque son investissement n’est pas à la hauteur de ses attentes. L’expérience lui permet aujourd’hui de savoir ce qu’elle veut, et ce qu’elle vaut. 

De jeune fille insouciante à jeune femme ambitieuse

Pourtant, la conscience de son potentiel n’a pas toujours été là. Après une première année de QS qu’elle apprécie particulièrement, la Française a connu des saisons plus complexes. « Quand tu es une femme tu as des périodes de manque de confiance en soi, pour moi c’était ces années-là ».

Des années de doute sur elle-même et sur ses ambitions de vie, « on passe toutes plus ou moins par là ». Ses bonnes performances comme ses contre-performances lui apprennent beaucoup, mais c’est finalement le freesurf qui va la motiver à nouveau et la convaincre de continuer.

Une série de surfs trips au Mexique notamment, dans la région de Michoacan (vers les spots de La Ticla ou encore Nexpa) et de Oaxaca à Barra de la Cruz, « un trip incroyable pour moi« .

En freesurf, elle se reconnecte à sa passion et son amour du surf : « je ressentais de nouveau ce besoin d’être meilleure, d’avoir une bonne vague, de ne pas tomber. C’est finalement ce que j’aime vraiment dans la compétition quand il y a des vagues« .

Un mode de vie fait de concessions

Alors la 26e mondiale sur le QS en 2019 s’entraîne seule. Au Mexique majoritairement, où elle réside à Sayulita dans la région de Nayarit avec son chéri.

Ensemble ils alternent entraînements physiques quotidiens et régime alimentaire équilibré (poissons pêchés de leurs mains, oeufs, poulet à l’occasion, féculents – pates, quinoa ou du riz – et des légumes).

En parallèle, la jeune femme débrouillarde a récupéré une ancienne caméra appartenant à son père pour se filmer et se faire ses propres retours, négatifs comme positifs. Elle met toutes les chances de son côté et s’investit dans sa carrière.

S’il est financièrement trop compliqué de rentrer à Saint-Barth entre les compétitions, elle retourne au Mexique entre les étapes et travaille dans une boutique du village de Sayulita pour payer son loyer et ses charges quotidiennes, sans impacter son budget surf. 

Dans le contexte actuel, le village a été fermé aux activités touristiques, et il lui est plus compliqué de vivre. Avec son copain ils vendent les poissons pêchés lors des jours de flat, mais la situation reste complexe.

En tant qu’athlète de haut niveau, Tessa a contacté la Fédération française de surf et le ministère des Sports pour se renseigner sur l’existence d’une aide financière qui pourrait la soulager. Aucune n’avait été anticipée jusqu’à présent mais elle a cependant été informée que le développement d’une aide exceptionnelle pourrait entrer en réflexion prochainement. 

Comme ses collègues, la vice-championne du monde junior WSL 2014 (et championne du monde junior ISA l’année suivante) n’a pas d’information sur la reprise. « On ne sait vraiment pas ce qu’il va se passer. Certaines surfeuses d’Amérique Centrale pensent même que l’année entière va être annulée » ajoute-t-elle. 

En début de saison, la Guadeloupéenne de cœur continuait de prendre de l’expérience. Elle avait envisagé la compétition de Tenerife comme une mise en jambe, avant de se lancer à bloc sur les QS d’Australie. En visant des 1/4 ou des 1/8 de finale au moins.


Malgré un début d’année difficile sa détermination ne faiblit pas. Entre freesurf au Mexique et gestion de sa carrière professionnelle, Tessa a aujourd’hui appris à s’entourer des bonnes personnes qui la tirent vers le haut.

Une surfeuse talentueuse, toujours souriante et pleine d’énergie positive à qui on souhaite le meilleur pour les années à venir. 

Tessa Thyssen surf
Tessa Thyssen line up
Tessa Thyssen surf
Tessa Thyssen surf

Mini portrait chinois

Et si tu étais…

– Un animal ? « Le premier truc qui me vient c’est le dauphin, même si je ne suis pas particulièrement fan des dauphins (rires)« .

– Une ville ? « Oh j’aime pas les villes… Mais je dirais Gustavia » (le principal bourg de l’île de Saint-Barthélemy, ndlr) 

– Un plat ? « Une pizza« .

– Une couleur ? « Moi j’aime le vert« . 

Tessa Thyssen portrait
© Frederic Lecoq

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