« J’ai ma place ici » : Crosby Colapinto nous en dit plus sur son début de saison sur le Championship Tour

"Mon objectif majeur cette année est de gagner une épreuve. Je pense que Bells ou Margaret pourraient me donner de belles opportunités."

25/03/2024 par Maia Galot

Alors que le MEO Rip Curl Pro Portugal a connu son lot de lay days, nous avons eu l’occasion d’échanger à Peniche avec Crosby Colapinto. Le rookie se classe 10e au classement général avant le lancement de la compétition à Bells Beach, ce notamment grâce à une belle 3e place au Portugal.

Pour se qualifier, l’Américain avait commencé fort sa saison des Challenger Series 2023 avec une 3e place au Boost Mobile Gold Coast Pro avant d’aller chercher plus de points en finale sur le Wallex US Open of Surfing (remporté par Eli Hanneman) puis à nouveau avec une 3e place lors du Corona Saquarema Pro. Avant de rejoindre les Challenger, le membre du team Rip Curl avait été sacré champion Nord-Américain WSL, notamment grâce à sa victoire lors du Barbados Surf Pro.

Maintenant sur le Championship Tour, le surfeur de 22 ans signe un début de saison très prometteur, alors qu’il est bien placé pour espérer passer le cut de mi-saison, à deux épreuves de ce dernier. « Je suis excité de surfer de bonnes vagues et je ne ressens pas trop de pression vis-à vis de la compétition car j’ai juste envie de m’amuser et de surfer de mon mieux. » expliquait Crosby lors de son arrivée au Portugal. Plongée dans le mindset du surfeur pro et de sa première expérience au plus haut-niveau.

Crosby Colapinto Rip Curl
© Rip Curl

Surf Session – Il y avait beaucoup d’attente, d’anticipation quant à ta qualification, cela a t-il gêné ton parcours ?

Crosby Colapinto – Quand j’étais sur le QS, les deux premières années c’était un poids. Je l’avais en tête car tout le monde me parlait du fait que j’allais me qualifier alors que je n’arrivais pas à passer de heats, donc je me demandais ce qu’il se passait. Les gens attendaient de moi que je sois sur le Tour avec Griffin et je n’y croyais pas trop. Puis j’ai trouvé un coach mental qui m’a aidé à trouver qui j’étais, à avoir mes propres croyances et ne pas m’inquiéter de ce qu’il se disait pour me concentrer sur ma vision globale de la vie. Ça m’a énormément aidé à me débarrasser de ces pensées. Dès les premiers mois j’ai pu voir une différence. J’étais si novice à tout ça et si perdu mentalement qu’il m’a aidé à voir la vie avec une autre perspective et ce qui était vraiment important. Je travaille encore avec lui aujourd’hui. 

Cette capacité à calmer ton esprit, est-ce maintenant un acquis ou toujours quelque chose que tu travailles ?

Je le pratique toujours, tous les jours. Je pense que tous les jours tout le monde traverse un flux de pensées qui ne sont pas forcément bonnes. Mon frère et moi, et beaucoup de nos potes, on pratique la méditation. On se lève et on médite, cela nous permet d’identifier nos pensées et d’avancer dans la journée en étant conscients de ces dernières. Je pense que c’est important dans le surf car quand on est à l’eau à attendre une vague, ces pensées arrivent de tous les côtés. Être capable de s’en rendre compte et de ne pas leur donner de poids pour les repousser ça aide énormément. Griffin était à fond là-dedans et il a toujours voulu m’y initier. Au début je trouvais ça nul, ennuyeux et « hippie ». Puis j’ai eu une période où je ne faisais que perdre et j’étais prêt à essayer n’importe quoi pour inverser la tendance. J’ai commencé par essayer avant les heats, pour calmer mes pensées, et j’ai réalisé à quel point ça m’aidait à me calmer. Après en avoir ressenti les bénéfices, je me suis mis à le faire en permanence.

Crosby Colapinto Rip Curl
© Rip Curl

Comment as-tu géré ta off season entre les deux tours ?

Je suis passé par plusieurs phases. J’ai eu quelques semaines pour célébrer puis je suis devenu sérieux, je me suis entrainé quelques mois avant Pipe pour être prêt. J’ai presque eu la sensation d’être épuisé de l’entrainement car je n’avais pas l’impression d’avoir assez de temps pour me reposer, profiter et m’amuser. Donc j’ai aussi appris qu’il était important de me donner du temps pour m’amuser aussi pendant cette période qui était courte car les saisons s’enchainent vite. J’ai capitalisé sur les petites choses et le fait d’être entouré de mes amis, ne pas penser au surf avec des hobbies comme le golf. Simplement profiter des petites choses du quotidien pour ne pas être complètement pris dans le prochain événement. Puis un mois avant Pipeline j’ai baissé la tête et je me suis mis pleinement dans l’entrainement à Hawaii. Je pense que le plus important c’est la préparation en amont, préparer ses boards avec son shapeur, visualiser sa saison avec son coach mental et s’entrainer avec son entraineur… Ensuite on part sur la route pour au moins 2 semaines et toute la préparation permet de rester serein.

Crosby Colapinto Rip Curl
© Rip Curl

As-tu déjà identifié des points clés en ce début de saison sur lesquels capitaliser pour les prochaines épreuves ?

Pour le premier évènement à Pipe, j’étais très content de la façon dont je me suis senti et de mes ressentis. Et même chose à Sunset. Avant d’aller à l’eau, la façon dont je me suis senti prêt m’a vraiment plu donc je veux emmener cette sensation avec moi dans cet événement, conserver le momentum et l’utiliser pour le reste de l’année. À Pipeline j’ai fais l’erreur de laisser trop d’espace à mon adversaire (Imaikalani deVault). J’ai appris de ça et je vais m’assurer que la prochaine fois que j’ai un heat comme ça je resterai près de lui. Quand j’ai battu Gabriel Medina à Pipe (au round of 32, ndlr), je pense que j’ai été trop satisfait. Je l’ai battu et j’étais plein d’adrénaline puis j’ai dû redescendre et retourner à l’eau mais j’ai senti que peut-être que j’avais laissé trop d’espace au suivant justement car après avoir battu Gabriel j’avais moins de poids sur les épaules. Seulement parfois la pression aide à en vouloir plus donc c’est un gros point-clé que je retiens.

Est-ce rassurant de passer des tours dès le début de saison ? On sait que cela peut s’avérer plus difficile en tant que rookie…

Je dirais que oui, bien sûr on veut toujours en passer plus mais affronter les têtes de série et les battre c’est un boost de confiance en soi. Ça m’a fait me dire « je suis où je dois être, j’ai ma place ici » et je pense que ça m’a aidé. Cette sensation aussi de ne pas se sentir comme un rookie mais de sentir qu’on est là pour remporter des épreuves. Le fait de ressentir faire partie des meilleurs a été un élément majeur.

Comment as-tu vécu le fait d’entrer sur la grande scène, avec la lumière qui va avec ?

En étant témoin de ça (la mise en valeur du Tour par la WSL, les médias, la popularité) sur Griffin, je pensais que ça faisait plus d’effet mais maintenant que je suis sur le Tour, j’ai l’impression que c’est normal. Avant je pensais le ressentir autrement mais je constate que je suis la même personne avec les mêmes fonctionnements et ressentis.

Avais-tu le ressenti inverse à ton arrivée, celui de ne pas faire partie du groupe ?

Il y a ce sentiment de venir des Challenger Series et de ne pas faire pleinement partie du CT, en comparaison à ceux qui y étaient déjà. J’ai 100% ressenti ça. En arrivant à Pipeline j’étais curieux de voir ce que j’allais faire car c’était tout récent et nouveau. Tous ceux sur le Tour étaient déjà là et ont cette expérience passée. Je me suis demandé si j’allais revenir à la version passée de moi qui était très stressé avant les heats. Mais quand j’ai surfé mon premier heat, j’ai pu constater que je me sentais bien.

MEO Pro Portugal Crosby Colapinto
© Damien Poullenot/World Surf League

Tu mentionnes Griffin. Par le passé, tu l’as identifié comme un mentor, est-ce toujours le cas ?  

C’est mon grand frère donc je pense que ce sera toujours comme ça. Il a 3 ans de plus que moi et j’ai toujours l’impression qu’il a une bonne réponse à apporter. Cependant, maintenant que l’on travaille tous les deux avec un coach mental et que l’on a nos coachs respectifs, je n’ai plus autant le besoin de me tourner vers lui que par le passé. C’est plutôt bien car je me tournais beaucoup vers lui avec mes problèmes et mes questions mais j’ai maintenant aussi d’autres ressources vers qui me tourner et qui peuvent m’apporter des réponses, plutôt qu’il ait à s’occuper autant de moi que lorsque j’étais plus jeune.

Est-ce parfois agaçant d’être toujours associés ensemble, ce narratif des « frères Colapinto » ?

Non, pas vraiment car je ne pense pas que je surferai ou que je serais sur le Tour aujourd’hui sans lui. Aujourd’hui on est tous les deux sur le Tour donc ça ne me pose pas de problème. 

MEO Pro Portugal Crosby Colapinto
© Thiago Diz/World Surf League

Tu voyages aussi avec tes amis, également sur le Tour, comment cela impacte t-il ton expérience ?

Ça apporte la maison sur la route. Par exemple, on vient d’avoir 3 jours off et les journées passent très vite car on s’amuse énormément, tellement on rigole. C’est super d’avoir tout ce soutien, presque tous les gens avec qui j’ai grandi sont sur la route avec nous et on traverse ensemble les moments difficiles comme les bons moments. Ça aide vraiment d’avoir un crew avec soi et d’être une équipe. Jusqu’à ce qu’on s’affronte à l’eau bien sûr, mais cette mentalité d’équipe et cette amitié c’est quelque chose de puissant à avoir. La maison ne nous manque jamais vraiment car elle est là avec nous. Je pense qu’on est tous arrivés là et qu’on s’est rendu compte à quel point certains peuvent être sérieux mais on essaie surtout de s’amuser entre nous, de passer de bons moments et de se créer des souvenirs. À la fois ne pas tout prendre trop sérieusement mais de tout de même trouver l’équilibre entre le sérieux et l’amusement. 

As-tu dû chercher cet équilibre dans ton surf ? Prends-tu autant de plaisir en free-surf qu’en compétition ?

J’aime surfer de bonnes vagues et je pense que sur ces compétitions on a l’occasion de surfer de bonnes vagues, que ce soit les jours qui précèdent les compétitions ou avec un lycra. J’aime cet aspect-là du surf, la capacité à s’amuser dans une session. Surtout quand on surfe avec ses potes et que tout le monde déchire et qu’on peut ressentir cette envie de bien surfer, c’est le meilleur aspect du surf et je parviens à le retrouver dans les deux cas.

MEO Pro Portugal Crosby Colapinto
© Thiago Diz/World Surf League

Par le passé, tes objectifs étaient d’être surfeur professionnel et de te qualifier, mais tu n’as jamais parlé de titre mondial…

À cette époque j’avais la sensation qu’il était compliqué de dire que je voulais être champion du monde alors que je n’étais même pas sur le Tour. Je voulais d’abord cibler la qualification comme objectif. Maintenant que je suis sur le Tour, je commence à entrevoir que je peux prétendre à un titre de champion du monde. Mon plus gros objectif cette année est de gagner une épreuve. Je pense que Bells ou Margaret pourraient me donner de belles opportunités car ce sont des pointbreaks en droite. On a grandi à Lowers et donc je suis super à l’aise à surfer en droite et à Lowers on peut faire tous types de manœuvres hormis les tubes donc ces vagues sont plutôt une zone de confort pour moi. 

Quelles seraient tes forces pour atteindre cet objectif ?

Quand je suis connecté je pense que je peux surfer de manière intelligente et prendre de bonnes décisions à l’eau, dans le jeu des priorités et dans mon surf. Je crois en mon surf et je crois que je peux battre les meilleurs, et je pense que cette croyance joue un gros rôle. Mais tout le monde est très bon donc c’est à celui qui surfera le meilleur heat, mais je dirais que mon surf sur le rail est bon (rires) je ne sais pas, je déteste dire ça comme ça (rires).

À l’inverse, sur quoi souhaites-tu travailler cette année ?

Je dirais probablement de continuer à travailler sur mes croyances, face aux autres sur le Tour, savoir que je peux battre n’importe lequel de ces gars.

Crosby Colapinto Rip Curl
© Rip Curl

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